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Réduire les intrants en maraîchage : deux itinéraires innovants
En Alsace, le projet SEFerSol a permis de remonter des dizaines de données à partir de deux itinéraires culturaux innovants menés en maraîchage bio. L’un avait pour objectif une couverture végétale du sol en continu, le second était axé sur le non-travail du sol et l’apport massif de matière organique. Après 5 ans d’expérimentations, rendement et vie du sol sont au rendez-vous.
Le maraîchage bio diversifié fait face à un enjeu de travail mécanique intensif des surfaces et à une dépendance aux apports de matière organique. Avec à la clé, une dégradation de la qualité du sol. Pour y remédier, le projet Dephy Expé intitulé SEFerSol, réalisé sur les parcelles de l’établissement scolaire Les Sillons de Haute-Alsace, a permis d’étudier deux itinéraires alternatifs durant 5 ans. Ils ont été appliqués à une rotation comprenant dans cet ordre : pomme de terre, salade ou chou, courge, poireau et carotte.
Le premier itinéraire, « Engrais verts max », avait pour but d’instaurer une couverture permanente du sol via l'utilisation d’engrais verts, entre et pendant les cultures principales. Le travail du sol y est fait en planches permanentes avec des outils de travail du sol non rotatifs. Il n'y a pas d'apport d'engrais organique, de manière à pouvoir évaluer la contribution des engrais verts sur la fertilité du sol.
Le second itinéraire, « Conservation du sol », avait pour objectif de réduire au maximum le travail du sol, via une couverture du sol la plus permanente possible, que ce soit par le biais de couverture végétale ou de bâches. La fertilisation par engrais organique est appliquée mais de façon raisonnée.
« La première approche s’apparente aux techniques culturales simplifiées (TCS) déjà bien développées en grandes cultures, alors que la seconde est plus en lien avec l'approche du maraîchage sur sol vivant », commente Benoit Schaffner, lui-même maraîcher en Alsace et ayant suivi l’avancée du projet SEFerSol.
L’itinéraire de référence reprenait les pratiques classiques des maraîchers bio de la région : travail du sol avec des outils rotatifs, fertilisation classique et peu d'engrais verts.
Le rendement au rendez-vous
Que ce soit sur l’itinéraire « Engrais verts max » ou sur « Conservation du sol », le premier constat d’importance est une préservation du rendement sur l’ensemble de la rotation. Pour l’itinéraire « Conservation du sol », ce résultat global masque néanmoins des disparités. Ainsi, le poireau et la courge ont obtenu des rendements bien supérieurs à l’itinéraire de référence. « Deux cultures longues qui profitent très bien du sol non travaillé et du paillage », relèvent les auteurs de l’article publié suite au projet. En revanche, la culture de carotte a peiné dans cette modalité sans travail du sol. « Nous avons travaillé avec l’Atelier paysan pour ouvrir la ligne de semis au milieu du mulch. Mais l’outil bourrait rapidement et il fallait une personne supplémentaire pour le dégager. Ensuite, le mulch a refermé le rang par endroit après le semis, ce qui a engendré des problèmes importants de levées », constate Elie Langard, chargé de mission expérimentation au sein de l’établissement agricole.
Face à ces résultats positifs, Benoit Schaffner nuance en soulignant la différence entre rendement et qualité. « En maraîchage sol vivant, on sait qu’il peut y avoir des problèmes de rongeurs. Un gros producteur qui vend en grossiste ne pourra pas se permettre d’avoir des légumes grignotés ». Pour autant, il salue le travail réalisé dans le projet SEFerSol. « C’est un laboratoire qui permet de tester du matériel innovant, de comptabiliser et de mesurer tous les paramètres. Pour nous, c’est hyper intéressant à observer », relève-t-il. Parmi ces données chiffrées et quantifiées, le projet SEFerSol a permis de quantifier le temps de travail et la pénibilité. Les résultats ne montrent pas de différence significative entre les deux itinéraires innovants et la référence.
Quid des apports ?
L’une des approches du projet SEFerSol était d’explorer une plus grande autonomie des exploitations maraichères bio. Dans cette optique, le système avec une couverture permanente du sol n’a pas reçu d’apports d’engrais organique. Les amendements ont été réalisés essentiellement via les engrais verts ainsi qu’avec des apports de compost. Après 5 ans d’expérimentation, les analyses de sol font apparaître des résultats encourageants. Seule la potasse semble déficitaire dans cet itinéraire.
Concernant l’approche sans travail du sol et avec des apports massifs de compost de déchets verts et de mulch, la quantité de minéraux dans le sol est équivalente, voire supérieure à l’itinéraire de référence. À noter également, ce système minéralise le carbone deux à trois fois plus vite qu’un itinéraire de maraîchage bio classique. Le revers de la médaille, ce sont des fuites de nitrate importantes qui ont pu être évaluées à l’aide de bougies poreuses positionnées sous les parcelles. « Vous pouvez nourrir les plantes avec des apports massifs, mais vous ne savez jamais quand a lieu la minéralisation du fait du facteur climatique », constate Benoit Schaffner. Sur son exploitation située sur une zone de captage, il a l’obligation de maintenir un couvert permanent. « Je fais des sur-semis d’engrais vert dans la culture. Quand, je récolte le chou-fleur, le trèfle est déjà installé », explique-t-il.
Une spécialisation des flores adventices
L’itinéraire « Engrais verts max » n’a pas permis de réduire de manière importante le désherbage. « Même avec un couvert semé à haute densité, les adventices font leur cycle », constate Elie Langard. Comme dans l’itinéraire de référence, ce sont les dicotylédones qui s’avèrent les plus problématiques. À contrario, l’itinéraire « Conservation du sol », qui s’appuie sur l’apport de mulch et de compost, ainsi que sur la couverture du sol, a conduit à une baisse du nombre d’adventices et à une spécialisation de la flore vers des vivaces. « Ce sont des herbes plus difficiles à détruire. Chez nous, ce sont particulièrement le liseron et le chiendent dont les parties souterraines se maintiennent lors de la couverture du sol. Nous avons dû mettre en place un système de gestion spécifique avec une toile tissée lors de la culture puis une bâche plastique lors de l’inter-culture pour couvrir le sol durant un an et demi », souligne Elie Langard.
L’alsacien aimerait poursuivre le projet avec un itinéraire mixte reprenant des points techniques des deux approches du projet SEFerSol afin de le tester dans d’autres contextes pédoclimatiques et chez des producteurs. Un projet Casdar démultiplication a été déposé dans ce sens et est en attente de réponse.
Pas d’impact négatif sur le solC’était attendu et le projet SEFerSol l’a démontré dans ses résultats : la vie du sol s’est améliorée dans l’itinéraire dédié aux couverts végétaux et dans celui sans travail du sol. Plus surprenant aux yeux d’Elie Langard, les analyses de sol n’ont pas montré de compaction des surfaces sans travail du sol. « Au contraire, nous avons même constaté une amélioration de la structure sur ces planches », souligne le responsable du projet. |