- Accueil
- Des résidus de pesticides sur les littoraux et jusque dans les nuages
Des résidus de pesticides sur les littoraux et jusque dans les nuages
Deux études distinctes documentent la présence de pesticides depuis la Manche jusqu’à la Méditerranée dans une logique de continuum terre-mer, et dans les nuages surplombant le Puy-de-Dôme et suggérant un transport sur longue distance.
Un caractère inédit : c’est le point commun de deux études documentant la contamination des milieux par les pesticides et dans les deux cas en France métropolitaine. La première émane de l’Ifremer, du CNRS et de l’université de Bordeaux qui, dans le cadre du projet Emergent’Sea, commandité par l’OFB, vise à dresser un état des lieux de contaminants (pesticides, substances pharmaceutiques, biocides, plastifiants…) en milieu littoral. La seconde, publiée dans la revue Environmental Science & Technology, révèle la présence de pesticides dans l’eau des nuages collectée au sommet du Puy de Dôme.
Un vaste inventaire chimique sur une trentaine de sites côtiers
Entre 2021 et 2024, les équipes scientifiques de de l’Ifremer, du CNRS et de l’université de Bordeaux ont mené plusieurs campagnes de prélèvements sur l’ensemble du littoral métropolitain, depuis la Manche jusqu’à la Méditerranée, en passant par la façade atlantique, sur des sites exposés à des apports d’origines urbaines, industrielles, agricoles ou portuaires dans une logique de continuum terre-mer. L’échantillonnage a été réalisé sur l’eau marine au moyen d’échantillonneurs passifs (dispositifs non biologiques qui captent la contamination sur un temps long, 26 points de suivi) et sur les mollusques (34 points).
Résultats ? Tous les points de suivi présentent des contaminations. Dans l’eau marine, où 77% des substances recherchées ont été mesurées (51 substances sur 66), la contamination est majoritairement dominée par les herbicides et les résidus pharmaceutiques (notamment le paracétamol). Chez les mollusques, où 65 % des substances recherchées ont été quantifiées (34 substances sur 52), les principaux contaminants les biocides antisalissures utilisés pour éviter que les coques de bateaux ne se couvrent d’organismes marins, et les herbicides. « Ces résultats confirment qu’une surveillance optimale des contaminants organiques et métalliques en milieu littoral, dans le cadre de la Directive-Cadre sur l’Eau (DCE), passe par l’intégration systématique des échantillonneurs passifs en complément des suivis traditionnels sur mollusques, écrivent les auteurs. Ce projet a également mis en évidence le manque de seuils écotoxiques robustes nécessaires pour évaluer le risque pour les écosystèmes marins. Ces seuils resteront à définir pour les substances qui seront sélectionnées et intégrées dans la future réglementation française ».
Les nuages, réservoirs de pesticides
L’étude franco-italienne publiée dans la revue Environmental Science & Technology avait pour cadre l'Observatoire du Puy de Dôme (France), géré par l’Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand et par le Laboratoire de météorologie physique de l’Université de Clermont-Ferrand et du CNRS. Objectif : mettre « les nuages en bouteille » et y rechercher 446 pesticides biocides et leurs métabolites à deux périodes distinctes, en fin d’été et au printemps.
Résultats ? Des concentrations variables ont été mesurées dans tous les échantillons, pour un total 32 composés détectés, appartenant aux familles des fongicides (3 composés), insecticides (7), herbicides (9), additifs (3), biocides (1) et produits de transformation (8). La moitié des échantillons présentent une concentration totale de pesticides supérieure à 0,5 μg/l, soit la limite fixée pour l’eau potable. Parmi les substances détectées figurent des produits interdits en Europe. Les nuages seraient ainsi susceptibles des véhiculer des substances sur de longues distances. Pour les auteurs de l’étude, « la détection fréquente de pesticides dans l'eau de pluie pourrait donc dépendre de leur présence dans les nuages ainsi que du lessivage atmosphérique. Les estimations de la quantité de pesticides dans les nuages au-dessus de la France, allant de 6 à 140 tonnes, suggèrent que leurs quantités dans la phase aqueuse des nuages sont potentiellement élevées et que ces composés affecteraient des zones qui ne sont pas directement impactées par les activités agricoles ».