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Vendredi 19/12/2025
[Reportage] Dans les coulisses de l’analyse des semences
Acteur incontournable de la filière semence française, Labosem analyse chaque année 5000 à 6000 échantillons de lots de semences produites par les agriculteurs. Les résultats conditionnent la rémunération des agriculteurs tout en leur offrant une photographie instantanée des adventices qui se développent dans leurs champs.
Le 9 décembre dernier, à l’occasion des 60 ans de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (Fnams), l’entreprise Labosem, spécialisée dans l’analyse de semences, a ouvert ses portes à la presse. C’est ici, dans les laboratoires de cette structure, à une dizaine de kilomètres à l’Est d’Angers dans le Maine-et-Loire, que sont analysés la plupart des échantillons prélevés sur les récoltes des agriculteurs multiplicateurs de semences. Cette étape cruciale détermine la qualité des semences et le taux de graines d'adventices mais aussi de corps étrangers présents dans les lots de graines de céréales, de fourragères ou de potagères produites aux quatre coins de la France.
« Sur 30 000 analyses réalisées chaque année, 5000 à 6000 concernent les agréages pour déterminer la qualité des lots bruts en sortie de ferme. C’était la raison première de notre création par la Fnams il y a près de 50 ans », développe Alan Walton, le directeur de Labosem. Les chiffres obtenus lors de ses analyses font foi auprès des deux parties et conditionneront le payement de l’agriculteur. Ils pourront également permettre d'optimiser les réglages dans l’usine de l’établissement de semences lors du traitement du lot complet pour obtenir des semences les plus pures possibles lors de leur commercialisation.
Une image de l’enherbement des parcelles
Au-delà de la rémunération des agriculteurs, les analyses de Labosem permettent par ailleurs aux producteurs de connaître exactement les adventices présentes dans leur parcelle et en quelle proportion. Une information capitale alors que les programmes de désherbage sont de plus en plus difficiles à construire. « Pendant 2 à 3 ans, nous avons vu une augmentation des impuretés dans les échantillons lors des premiers retraits importants de matières actives », constate Julie Denni, cheffe du service analyse de Labosem. Un problème d’autant plus important pour les agriculteurs multiplicateurs, qu’en parallèle, les normes de pureté indiqués sur les contrats de multiplication se sont durcies. « Comme il y a moins de produits pour désherber, il faut que les lots de semences soient d’autant plus propres », commente-t-elle.
L’analyse de la qualité et du taux de germination des semences peut là aussi apporter des éléments de réponses aux exploitants. « Nous pouvons émettre des hypothèses sur certains problèmes. Un germe brisé peut correspondre à un choc sur l’embryon lors du battage », illustre-t-elle. Les liens du laboratoire avec la Fnams, qui détient 95 % des parts de Labosem, représentent en ce sens un vrai atout. « Tout en respectant la confidentialité de nos clients, nous pouvons remonter les problématiques principales rencontrées afin que la Fnams les inclue dans les programmes de recherche », souligne Alan Walton.
Une mini-usine simulée dans le laboratoire
Pour obtenir ce bilan complet, l’échantillon de graines passe en premier lieu par une série de machines miniatures qui simulent le travail qui sera ensuite réalisé en usine sur l’ensemble du lot. Selon leur forme ou leur densité, les graines passent par des outils différents.
« Nous travaillons comme un entonnoir pour isoler les bonnes semences et atteindre le taux de pureté stipulé dans le contrat. Il peut être de 99,9 % pour certaines potagères », précise Alan Walton. Après un micro-nettoyage qui concerne toutes les espèces, le ray-grass anglais, pris comme illustration lors de la visite, va passer par une brosse rotative pour le préparer aux analyses suivantes. Un nettoyeur séparateur constitué de plusieurs grilles permet ensuite de trier les graines par épaisseurs et largeurs pour ne garder que celles correspondant au ray-grass. Un trieur alvéolaire prend la suite pour ne garder que les graines de la bonne longueur. Une dizaine de machines miniatures aux réglages plus ou moins complexes sont ainsi disponibles pour obtenir la meilleure pureté possible. En bout de chaîne, la table densimétrique permet de séparer les graines grâce à un flux d’air associé au mouvement du support. Elle représente tout le savoir-faire de Labosem. « Il faut près de 5 ans pour savoir l’utiliser avec toutes les espèces », annonce fièrement Thierry Bertin, l’un des anciens du laboratoire.
Avoir le coup d’œil
Une fois que les machines ont déterminé la pureté maximale qui puisse être obtenue mécaniquement, les semences passent sous l’œil averti des analystes de Labosem. Sous leur loupe grossissante, elles identifient chaque graine présente dans les échantillons de 2500 unités. Un travail colossal. Dans un lot de semence de luzerne, les analystes ont ainsi retrouvé plusieurs graines de cuscute, de folle avoine et de rumex. Les semences sont ensuite mises en germination, dernier indicateur de la qualité du lot avant que le bulletin de résultat tant attendu n’arrive chez l’agriculteur.
Prendre le virage de l’intelligence artificielle (IA)Dans l’analyse des semences comme ailleurs, l’intelligence artificielle représente l’avenir. Tout au fond du laboratoire, derrière les machines miniatures efficaces mais à la peinture vieillissante, trône le trieur optique dernier cri. « Les semences y passent sous la forme d’un rideau en deux dimensions. Les caméras RGB y analysent chaque graine et un pulse d’air s’active au passage d’une impureté pour l'écarter », détaille Alan Walton. Avec ses capacités d’analyses pour nourrir l’intelligence artificielle, Labosem se place comme un acteur incontournable pour développer l’IA. Un consortium avec les établissements semenciers est en projet pour tester des machines en location et partager aux acteurs de la filière les performances des différents équipements. |