Steeve Moreau : « Je suis bénévole à Solidarité paysans pour rendre ce que l’on m’a donné »

Série d’été : « Cultiver l’engagement » (3/6). Cet été, Pleinchamp part à la rencontre d’agriculteurs et d’agricultrices qui cultivent le sens du collectif, l’attachement au territoire, ou encore la tradition de solidarité et d’ouverture. Eleveur laitier bio, Steeve Moreau a bénéficié il y a 15 ans de l’accompagnement de Solidarité paysans 44. Depuis qu’il a retrouvé une situation stable et saine, il a décidé de devenir, à son tour, bénévole pour donner un coup de main aux agriculteurs en difficulté.

« Au début, je voulais juste témoigner de mon histoire. Comment j’avais été accompagné par Solidarité paysans 44, comment j’avais remonté la pente... Et puis, finalement, je me suis proposé pour devenir bénévole. Pour moi, c’est une façon de rendre ce que l’on m’a donné ». A 39 ans, Steeve Moreau est installé en production laitière biologique à Marsac-sur-Don (Loire-Atlantique) depuis 6 ans. Depuis quelques mois, il a un nouvel associé, Arnaud, 35 ans, qui a repris les parts de son ancien associé, Jean-Clair, parti en retraite. A l’aise dans son métier d’éleveur laitier, Steeve est également épanoui dans sa vie personnelle et familiale.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi… Au début de sa carrière, installé seul en production laitière, sans aides, sans famille agricole, et surtout au mauvais moment (un an avant la crise laitière de 2009), Steeve a connu de grandes difficultés, financières et organisationnelles. « C’est à l’occasion d’un recouvrement MSA que ma situation a été découverte. Une travailleuse sociale de la MSA a alerté Solidarité paysans et ils sont venus chez moi ».

Le salariat avant une nouvelle installation

L’accompagnement lui est d’une grande aide, mais la liquidation judiciaire ne peut pas être évitée. Toutefois, même après cet échec, Steeve ne veut pas renoncer à l’agriculture : il devient alors salarié agricole pendant plusieurs années. Il est efficace, sérieux et ne compte pas ses heures : « Moi, c’est boulot, boulot », s’amuse-t-il.

C’est dans l’une des fermes où il est employé et où il seconde efficacement l’exploitant, qu’il a l’opportunité de se réinstaller comme agriculteur, à Marsac-sur-Don. « Je n’ai jamais perdu espoir. J’avais envie de redevenir exploitant, d’être mon propre patron, libre de mes horaires ».

C’est donc peu de temps après qu’il se propose comme bénévole pour Solidarité paysans 44 : « Comme on a pris l’habitude de traire très tôt, j’ai souvent fini mon travail de la matinée à 7 heures 30. Je suis disponible pour m’occuper de mes enfants, ou, si besoin, pour me rendre à un rendez-vous pour Solidarité paysans ».

"On peut faire des erreurs et remonter la pente"

« On ne se déplace jamais tout seul, on est toujours avec l’une des travailleuses sociales salariées de l’association, Isabelle, qui est à temps-plein ou Claire, qui est à mi-temps. Et on est un ou deux bénévoles. On ne se rend que chez des gens qui ont accepté notre venue. On ne force jamais personne ».

« Mon rôle c’est de les écouter. C’est aussi de raconter mon histoire, de dire qu’on peut faire des erreurs, changer de système, et remonter la pente. Avec mes expériences, j’ai vu beaucoup de façons de faire. Je peux donner mes idées, dire ce que pense ».

« Dans les dossiers que l’on suit, il y a presque toujours un mélange de difficultés professionnelles et privées ». (Crédits photo : Catherine Perrot)

« Il y a des dossiers plus ou moins difficiles, et presque toujours un mélange de difficultés professionnelles et privées. Il y a de tout, mais ce qu’on voit pas mal en ce moment, ce sont des jeunes, de 30 à 40 ans, qui veulent tout, tout de suite… Ils achètent trop de matériel, ils se retrouvent débordés de travail, en cessation de paiement et s’entêtent dans leur système ».

Sur ce plan-là, Steeve peut témoigner que travailler plus n’est pas toujours synonyme de gagner plus en agriculture. Lui qui était plutôt branché « production intensive » dans ses jeunes années, se retrouve à présent à la tête d’une exploitation bio tout herbe, autonome en alimentation (grâce à un séchage en grange), et qui parvient à faire vivre deux exploitants avec seulement 50 vaches sur 90 hectares.

La palette des solutions qui peuvent s’offrir à des agriculteurs en difficulté est large, qu’elles soient techniques, économiques, organisationnelles, ou judiciaires. « La liquidation judiciaire, c’est le dernier recours », assure Steeve, qui est néanmoins là aussi pour dire qu’on peut y survivre.

« J’apprends encore, je ne prends pas de dossiers trop compliqués. Je ne prends pas non plus de dossiers concernant des gens que je connais. Il y a beaucoup d’anciens bénévoles qui ont plus d’expérience que moi, qui savent mieux gérer les situations difficiles. On se retrouve tous une fois par mois pour discuter de certains cas. On peut faire aussi parfois des « échanges de pratiques » avec les bénévoles des départements voisins ».

"Je suis le seul bénévole agriculteur en activité"

Parmi les 40 bénévoles de Solidarité paysans 44, Steeve est le seul agriculteur en activité. « Tous les autres agriculteurs sont en retraite et nous avons aussi des bénévoles qui sont salariés. Je trouve normal de donner de mon temps pour ça. Et humainement, c’est enrichissant, ça permet de voir du monde. Mais c’est complètement à part de la ferme, cela n’empiète pas du tout sur mon travail. »

Confidentialité oblige, Steeve n’évoque jamais les cas qu’il rencontre, ni avec son associé, ni avec sa famille. Et il estime ne pas avoir besoin de s’épancher en dehors de l’association : « Je suis assez solide et puis si on a besoin de parler, il y a Isabelle et Claire, les salariées ». Le seul impact qu’il voit dans son travail quotidien est plutôt bénéfique : « J’ai appris à ne pas me prendre la tête, ne pas me tracasser pour des petits trucs ».

Steeve est installé depuis 6 ans sur une ferme bio, tout herbe à deux associés, dans un système autonome et économe, qui lui laisse du temps et de la liberté, dont celle de s’engager. (Crédits photo : Catherine Perrot)

A propos  de Solidarité paysans

Solidarité paysans est un mouvement de lutte contre l'exclusion en milieu rural. Cette association nationale fédère des structures départementales et régionales.

Solidarité paysans 44 est une association neutre, qui se mobilise auprès des agriculteurs et agricultrices en difficulté qui sollicitent un accompagnement. La mission de l'association est d'apporter un conseil et une aide dans les démarches ou dans la construction d'un plan d'action en travaillant sur les thématiques sociales, familiales, juridiques, techniques et économiques.

 

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