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Vendredi 21/11/2025
Entre pâturage innovant et non-labour, des éleveurs vendéens se tournent vers l’agriculture régénératrice
Si l’agriculture de conservation des sols a aujourd’hui pignon sur rue, c’est moins le cas du pâturage régénératif. Pourtant ces deux pratiques sont complémentaires pour améliorer la fertilité du sol. En Vendée, éleveurs bio et conventionnels se sont retrouvés pour échanger autour de leurs réussites et de leurs échecs face à ces techniques pointues et innovantes.
Ils sont bio ou conventionnels, mais en ce froid jeudi de novembre dans le bocage vendéen, ils ont dépassé cette différence technique pour échanger sur leur pratique autour de l’agriculture régénératrice des sols, lors d’un bout de champ organisé par la Chambre d’Agriculture, le GAB 85 et le Grapea. Germain Naud, éleveur allaitant bio et membre d’un groupe de pâturage au sein du Grapea, le Civam vendéen, est venu témoigner devant le groupe des observations qui l’ont poussé à tenter l’agriculture régénératrice. « J’ai observé que les cultures derrière prairies perdaient en rendement, alors qu’elles étaient productives jusqu'alors », décrit-il. Le producteur décide donc de mettre en place des pratiques de pâturage régénératif. « En aout et septembre, je laisse des vaches avant vêlage dans des parcelles de stocks d’herbe sur pied », décrit-il. Mené en fil avant/fil arrière avec des chargements de 25 vaches pour 800m² sur une journée ou une demi-journée, cette approche permet de nettoyer les parcelles. « Elles mangent tout, même les têtes de chardon. Et ce qu’elles ne mangent pas, elles le font tomber au sol et le tassent avec leurs pieds », rapporte Germain Naud.
Le pâturage régénératif a un triple effet positif. Il permet un apport de bouse homogène sur la parcelle, la végétation écrasée par les animaux représente quant à elle un apport de matière organique et les graines tombées au sol enrichissent la prairie. « Quand l’herbe repousse en octobre, elle est bien plus dense », observe l’éleveur. Un mode de pâturage qui peut sembler aller à l’encontre du concept de pâturage tournant dynamique très en vogue depuis une quinzaine d'années. « Mais ce n’est pas l’un ou l’autre. La pâture peut être menée en pâturage tournant au printemps pour stimuler la pousse de l'herbe, puis en régénératif lorsque la pousse est moins importante l'été », évoque l’éleveur. Idéalement, il aimerait même sortir les vaches à 7/8 cm d'herbe au printemps plutôt que 5 cm pour favoriser le développement racinaire et la biomasse dans le sol.
Le non-labour, pilier de la vie du sol
L’autre levier que va actionner Germain Naud sur ses parcelles, c’est une réduction du travail du sol. À ce titre, le Gaec Le Breuil, qui recevait la quinzaine d’exploitants lors du bout de champ, est un bel exemple de réussite de non-labour en conventionnel. Thierry Denoue, l’un des associés, annonce la couleur. « Nous avons des terres d’argile rouge assez difficiles à travailler après labour. Il faut passer plusieurs fois la herse rotative pour casser les mottes », décrit-il. Depuis une vingtaine d'années, il a donc décidé de se passer de charrue pour privilégier le travail du sol simplifié.
L’objectif premier est la réduction du temps passé à travailler le sol et les économies de carburant. Au fil des années, la pratique s’est enrichie de couverts végétaux et semble aujourd’hui bien rodée. « Au début, pour implanter le maïs, il fallait systématiquement un passage de dents en profondeur. Aujourd'hui, si le couvert a bien fait son travail, un passage de disque, suivi de la herse rotative suffit », se félicite-t-il. Le profil cultural très grumeleux sorti au télescopique d’une parcelle sous un couvert bien développé de phacélie et de trèfle d’Alexandrie, implantée à 5kg/ha chacun, en est un bel exemple.
Savoir faire marche arrière
Mais l’agriculture de conservation des sols, c’est aussi apprendre de ses erreurs. C’est ce dont est venu témoigner Renaud Frappier, associé sur un Gaec laitier en agriculture biologique de conservation des sols à quelques kilomètres de là. « Depuis 2020, nous sommes passés au sans-labour. Moins de 10 % de l’exploitation est aujourd’hui labourée. Nous réalisons un passage de Canadien puis de fraise rotative pour scalper en superficiel », détaille-t-il.
Dès le début, les associés identifient les résidus de culture gênant le travail mécanique, et les semis dans le « gras » au printemps qui nécessitent un gros besoin de traction, comme les deux principaux problèmes. Pour autant les résultats sont là avec des rendements en blé atteignant les 46 q/ha les bonnes années. « L’an dernier, nous avons voulu aller encore plus loin en ne laissant qu’une dent tous les 75 cm sur le Canadien, pour réaliser un travail type strip-till sur le rang, avec quand même un passage de fraise rotative », se rappelle-t-il. Mais les associés s’aperçoivent que cet essai est la marche de trop. Les résidus de culture engendrent un mauvais contact terre/graine et le résultat est décevant. « C’était un risque économique, nous avons donc décidé de faire un pas en arrière », plaide-t-il.
Pour l’an prochain, ce sera le retour au Canadien en format classique avec les dents à 50 cm et la fraise rotative sera remplacée par un déchaumeur à disque. Malgré cette déception, l’agriculteur tenait à rappeler les bénéfices obtenus en cinq ans d’agriculture biologique de conservation des sols. « Nous n’avons plus de problème de battance. La portance est également meilleure, ça passe bien pour récolter le maïs au 1ᵉʳ décembre. Et sur nos argiles pas toujours faciles à travailler, nous obtenons de belles structures après les couverts végétaux », souligne-t-il.
Bêches et pénétromètre pour évaluer son solComplémentaires et rapides à réaliser, le test bêche pour évaluer la forme des mottes et le test de compaction à l’aide d’un pénétromètre permettent rapidement d’évaluer l’état du sol et la présence d’une semence de labour. « Je traverse les parcelles au printemps avec le pénétromètre, notamment celle où un couvert de méteil a été ensilé et où plusieurs apports de digestat liquide de méthanisation ont été réalisés, afin d’identifier si un travail du sol est nécessaire pour décompacter », illustre Thierry Desnoul. Le profil cultural au télescopique, plus complexe dans sa mise en œuvre, est également possible pour observer les différents horizons du sol. |

