Tout flambe sauf le prix du lait...

Pourquoi les transformateurs français sont si peu enclins à répercuter la bonne tenue des cours sur les marchés (inter)nationaux et le fruit des négociations commerciales...

Nul n’est censé ignorer la loi. Pas même les entreprises laitières, fussent-elles coopératives. Mardi 12 juillet, c’est le
message que sont allés délivrer les producteurs de lait devant les usines LFO (Fromageries occitanes) sanfloraine et saint-mamétoise de Sodiaal à l’appel de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs. Près de dix mois après la promulgation de la loi Égalim 2, le constat est amer chez les producteurs : les laiteries ont une fâcheuse tendance à s’asseoir sur le texte. Cette loi prévoit que les formules de prix du lait intègrent un indicateur de coût de production, lequel a flambé depuis six mois sans que la courbe du prix payé aux producteurs ait suivi le mouvement.
Jamais les marchés n’ont été aussi porteurs
“On est dans une situation inédite, a rappelé à Saint-Mamet Jean-Paul Peyral, président de la section laitière de la FDSEA, devant la centaine(1) de producteurs réunis à l’entrée du site fromager. La production laitière est en baisse partout en France ainsi qu’au niveau européen et mondial ; parallèlement, les marchés nationaux et internationaux sont porteurs, entre autres ceux des produits industriels, du beurre et de la poudre de lait ; et les négociations commerciales se sont très bien passées, que ce soit le premier ou le second round, des hausses ont été obtenues auprès de la grande distribution, là encore c’est inédit.” Ce que Claude Bonnet, producteur de lait aurillacois et président de l’Unell qui fédère les organisations de producteurs livrant à Lactalis, résume d’une formule : “Tous les indicateurs sont au vert !” Sauf les trésoreries des éleveurs. En effet, si les premiers stocks fourragers ont été globalement fournis de ce côté du Lioran(2), la colonne des charges d’exploitation est bien plus garnie encore. “Finalement, la seule chose qui est vide, c’est notre compte en banque”, grince un éleveur de Châtaigneraie.
Certes, le prix du lait a augmenté de l’ordre de 60 à 70 € la tonne selon les laiteries au premier semestre, mais cette revalorisation a été très largement mangée par l’inflation à deux chiffres des charges des exploitations. Prix du GNR doublé, prix de l’engrais multiplié par 2,5 comme celui du soja, des concentrés... L’indicateur de coût de production interprofessionnel est ainsi passé de 450 €/1 000 l en zone de montagne en 2020 à 474 € en 2021, “et sur 2022, on peut facilement ajouter 60 à 70 €”, estime Jean-Paul Peyral, soit près de 540 €/t.
“On donne des billes à la GMS !”
Même si ce coût de production ne vaut que pour la part du lait valorisé sur le marché intérieur (français), on est loin du compte, grondent les deux syndicats. Surtout quand Sodiaal annonce une baisse du prix du lait au troisième trimestre, suscitant incompréhension et colère parmi les coopérateurs.
“À 402 €/t actuellement, on a déjà le prix du lait le plus minable du département, de la part d’une coopérative, c’est dramatique”, s’agace un producteur de Volcalis. Dramatique d’autant que le géant Lactalis n’a dans ces conditions aucune raison de jouer la surenchère même si l’industriel a amorcé l’intégration du coût de production dans sa formule de prix. Pourquoi payer bien plus ses producteurs si la concurrence s’en affranchit... Dramatique et dangereux, avancent Jean-Paul Peyral et Denis Boudou, son homologue des JA : “C’est un très mauvais signal qui est envoyé. Si les entreprises ne répercutent pas aux producteurs les hausses obtenues auprès de la grande distribution, on doute que les prochaines négociations commerciales se passent bien... ”
Que le début...
Autre paramètre pointé par le président de la section laitière : les hausses de prix modérées de ce début d’année résultent essentiellement de la bonne tenue des cours beurre/poudre sur les marchés internationaux. Des marchés, certes porteurs actuellement, mais volatils : “Si on veut conforter un prix du lait de façon pérenne, mieux vaut
l’asseoir sur le marché intérieur.”
D’ores et déjà, FDSEA et JA réclament des hausses immédiates de 50 €, traduction à l’amont de celles obtenues auprès de la distribution, soit un prix du lait minimum de 450 € au troisième trimestre. Après un échange resté stérile avec Jacques Chalier, administrateur de Sodiaal et président de la section Massif central de la coopérative, Joël Piganiol, président de la FDSEA, a prévenu : sans réponse rapide et concrète sur le prix, cette action syndicale ne serait que la première d’une série estivale et automnale. En sollicitant par ailleurs une entrevue en urgence avec le président de Sodiaal dont les récentes prises de parole ont été perçues comme une provocation.

(1) Une cinquantaine à Saint-Flour.
(2) Contrairement à l’Est-Cantal.