Un chauffe-eau solaire pour la buvée des veaux

Pour réduire sa facture de gaz, Jérôme Dutertre a installé des modules solaires thermiques sur son exploitation afin de chauffer l’eau de la buvée des veaux. Un choix qui s’avère plus que payant alors que le prix du gaz s’envole.

Alors que le solaire photovoltaïque a pris d’assaut les toitures des bâtiments agricoles depuis une dizaine d’années, les technologies de chauffe-eau solaire se font plus discrètes dans le paysage agricole. Pourtant, l’évolution des technologies utilisées a permis d’augmenter largement le rendement de ce type d’installation. La semaine du solaire, organisée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, était l’occasion de mettre en avant les exploitations qui ont récemment fait le choix du solaire thermique. C’est le cas de Jérôme Dutertre, éleveur de veaux de boucherie et de porcs à Bouchamps-les-Craon, dans la Sarthe.

« Avec les anciennes installations en toiture, il était possible de couvrir 45% des besoins en eau chaude d’un atelier veau de boucherie. Les technologies actuelles permettent de couvrir 60 à 70% des besoins », assure Gilles Beaujean, conseiller énergie à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, qui animait la journée porte-ouverte chez l’éleveur mi-mai.

Jérôme Dutertre devant les boîtiers qui affichent la température de l’eau. (© TD)

Moins de 6 ans de retour sur investissement

Jérôme Dutertre était un des pionniers à investir dans cette technologie en 2018. Avec le recul, il est loin de regretter son choix. « Ma première motivation, c’était le prix du gaz. À 650€ la tonne, j’avais prévu un retour sur investissement en 7 ou 8 ans. Mais avec l’augmentation actuelle, j’estime que j’ai déjà remboursé mon installation », analyse-t-il. Son atelier veaux de boucherie est particulièrement adapté à l’utilisation d’un chauffe-eau solaire. Pour ses 524 veaux, l’éleveur sarthois utilise matin et soir entre 1000 et 4000 litres d’eau pour préparer la buvée. Or cette eau doit atteindre une température de 65 à 70°C avant d’être mélangée à la poudre. Selon les chiffres de la chambre d’agriculture, 70% des besoins en énergie d’un atelier veaux de boucherie proviennent de la montée en température de l’eau pour la buvée.

"Entre avril et octobre je suis quasiment indépendant"

Le climat sarthois dans lequel se situe l’exploitation de l’éleveur n’est pas un problème puisque c’est le rayonnement plus que la chaleur qui importe. « En hiver, l’eau ne monte qu’à 30 à 40°C, j’ai une chaudière au gaz pour venir en soutien. Par contre entre avril et octobre je suis quasiment indépendant. Le système atteint les 100°C tous les soirs à partir de la mi-mai », déclare-t-il. Jérôme Dutertre estime approximativement son besoin actuel à une tonne de gaz par lot de veau, contre 6 tonnes auparavant. « Ça reste compliqué à calculer car l’arrivée d’un lot et le remplissage de la cuve n’ont jamais coïncidé », nuance l’éleveur. 

Un alliage et une inclinaison spécifique

Pour atteindre les performances évoquées par le conseiller énergie de la chambre d’agriculture, l’installation, fabriquée par l’entreprise mayennaise FengTech, utilise des tubes sous vide conçus avec un alliage de fer, cuivre et d’aluminium pour capter le rayonnement solaire. Les modules solaires ont la particularité d’être fixés au sol avec un angle précis. Ainsi le rayonnement qui passe par les interstices entre les tubes est réfléchi par le sol vers l’installation et l’ensemble de la surface de 4m² du module est utilisé. L’exploitation de Gilles Dutertre se compose de 12 modules fonctionnant par série de trois. « L’eau chaude du premier module passe dans le second, puis dans le troisième par thermosiphon », explique Gilles Beaujean. Chaque module est accompagné d’un ballon de 300 litres afin de stocker l’eau chaude pour assurer la buvée du matin. L’éleveur prévoit maintenant d’ajouter trois modules supplémentaires.

Une technologie en constante évolution

Depuis que Jérôme Dutertre a installé son chauffe-eau solaire, FengTech indique avoir perfectionné son système avec un tuyau enterré dans le sol d’une longueur de 10 mètres par module. « En période de vide sanitaire, l’eau chaude chauffe la terre pour stocker la chaleur. Lorsque les bâtiments sont à nouveau occupés, l’eau froide passe par ce même tuyau pour récupérer la chaleur », explique Monsieur Feng, le fondateur de l’entreprise.

Le chauffe-eau solaire est actuellement en phase d’étude pour être adapté sur serre ou pour chauffer des bâtiments d’élevages. À la différence des ateliers veaux de boucherie qui utilisent directement l’eau pour la buvée, ces systèmes seraient sous pression en circuit fermé.