Un liniculteur utopiste

Depuis 2017, l’association Lin et Chanvre bio (LCBio) déploie des essais de chanvre en Normandie. Un des objectifs est de créer une nouvelle filière chanvre textile, en s’appuyant sur le savoir-faire des liniculteurs et les outils de teillage de lin. L’Agriculteur normand suit en exclusivité, et de l’intérieur, les étapes de cette nouvelle aventure agronomique. Une série à retrouver chaque mois dans nos pages.

Les meilleures aventures commencent souvent par des rencontres. Un cultivateur de lin découvre le chanvre, c’est le déclic.

 

Les différentes expériences de Henri Pomikal, cultivateur près de Caen, ont pris un sens nouveau un jour d’avril 2019. Cette année-là, la Région Normandie lance la première édition de La Fêno, le festival de l’excellence normande, à Caen. Le président Hervé Morin a réuni ce qui se fait de mieux dans la région. Sur le parvis du parc des expositions, Henri Pomikal est préoccupé par l’annonce de la fermeture de la sucrerie de Cagny. Un mois plus tôt, ses collègues de la CGB ont fait le déplacement en Allemagne pour crier à l’industriel Südzucker (propriétaire de Saint-Louis sucre) le refus des betteraviers d’abandonner la culture. Sans succès. La fin de la betterave s’annonce, prochaine. « Je rencontre Nathalie Revol qui était là pour faire la promotion du chanvre et elle me fait voir quelques poignées de fibre longue ». L’ancien président de la coopérative linière de Villons-les-Buissons, de 2003 à 2020, a un déclic, « en tant que liniculteur responsable de teillage, forcément, j’ai été interpelé aussitôt ».

Stanf LCBio à la Feno Caen
Le stand de l’association LCBio à la Fêno à Caen en avril 2019, lieu de rencontre de Nathalie Revol et Henri Pomikal, les poignées de chanvre sont sur la droite. DR

Faire rouir le chanvre comme le lin

Une autre pièce vient s’accrocher au puzzle, le souvenir, plus ancien, d’un voyage en Chine. « J’avais découvert le chanvre lors d’un voyage avec Marc [Vandecandelaère, actuel président de la coopérative, ndlr]. On a visité une filature qui filait à la fois du chanvre et du lin sur les mêmes machines ». Les volumes sont minimes et les techniques artisanales, mais l’idée est là : « je me suis dit, si les filatures passent du lin au chanvre et vice versa, c’est que l’aval de la filière est connecté, c’est un élément important ». Un souvenir qui lui revient après la rencontre avec Nathalie Revol, chargée des essais chanvre en Normandie pour l’association Lin et Chanvre bio, basée à Saint-Vaast-Dieppedalle (76)*. L’idée germe dans l’esprit d’Henri Pomikal de calquer ce qui a été fait avec le lin sur le chanvre. « Si on arrive à faire rouir du lin de Bayeux à Dunkerque de la façon dont on le fait, d’une façon industrielle, pourquoi on n’y arriverait pas avec le chanvre ? »

Pas de filière textile


En France, le chanvre est cultivé principalement pour le bâtiment, l’alimentaire, le matériau composite et le paillage. Dans la Manche, à Barenton, la chanvrière Agrochanvre développe des produits à partir de la fibre de chanvre issue du défibrage mécanique de la paille. En textile, la fibre cotonisée - c’est à dire hachée en longueurs de 3,5 à 5 cm - peut être associée au coton. Toutefois, aucune filière n’existe pour produire du chanvre en fibre longue afin de réaliser des vêtements en chanvre pur, de manière industrielle, seule l’association « Lin et Chanvre Bio » conduit des essais depuis 2017 sur des microparcelles. Au printemps  2019, Henri Pomikal cogite, « et suite à cette réflexion-là, j’ai cassé 300 m2 de betteraves et j’ai semé du chanvre pour la première fois ». n
À suivre

* L’association est soutenue par l’Agence de l’eau et la Région Normandie.