Une année 2025 bien mal engagée

2025 débute comme 2024 s'est terminée : les pieds dans l'eau. Les averses des derniers jours font douter sur la suite des événements. Une situation qui plonge de nombreux agriculteurs dans le désarroi.

Dans les campagnes, les visages sont fermés. Les 75-80 mm de pluie cumulés depuis le 1er janvier ont entamé un peu plus le moral des agriculteurs. « On se sent impuissant. Ça mine le moral, alors qu’il y a encore du boulot à faire, mais les parcelles sont gorgées d’eau, voire à blanc d’eau pour d’autres », relate Christophe Roger, céréalier à Meunet-Planches.

En Champagne berrichonne, 95 % des semis sont terminés. « Les cultures dans les limons argileux sont mal en point, les zones de mouillères sont en grosse difficulté, récapitule le céréalier. En raison des excès d’eau, les orges sont à la peine, bien plus que le blé même s'il y a, selon les secteurs, des situations compliquées aussi pour cette culture ». Quant aux désherbages, ils ne sont pas finis, « car avec l’excès d’eau, il y a un risque de phytotoxicité » précise-t-il.

Pour sa part, il a reporté ses semis de blé dur en espérant les réaliser en février en conditions plus clémentes et dans des parcelles ressuyées. Christophe Roger craint qu’aux beaux jours tout se précipite, et qu’il faille « encore tout faire en même temps, prioriser les chantiers, essayer de ne pas faire de bêtises ».

Du côté d’Ardentes, là aussi les céréales pourrissent en raison des intempéries bien trop fréquentes. « On a jamais vu ça ! », lâche Patrick Robin, polyculteur-éleveur bovin. « Les premiers semis, ça va peut-être passer, car la culture commençait à bien s’implanter avant les dernières grosses averses. En revanche, sur les derniers faits, dans des conditions déjà limites, il va y avoir du mal, s’ils n’ont pas déjà pourri ».

L’accalmie pendant les fêtes avait permis aux cultures de se refaire un peu, ce qui avait laissé un peu d’espoir. « Mais là, stop y en a marre ! Il me reste 80 ha à semer : 40 en blé et 40 en orge de printemps, dont une partie devait être semée d’hiver, mais ça ne sera pas possible, développe Patrick Robin. Je me pose la question de quoi faire. Si je sème, je prends le risque de mettre du fric en terre pour un échec en raison de la météo. On s’est déjà fait avoir l’année dernière, pas une seconde fois ! Sinon, je vais laisser ces parcelles en jachère ».

 

Situation délicate en Boischaut nord

La jachère est également une solution envisagée par Céline Renaire, à Faverolles-en-Berry, comme chez bon nombre de ses collègues du Boischaut nord. Agriculteurs pour qui l’année 2024 n’a pas encore touché à sa fin et « 2025 qui s’annonce pire », se lamente la jeune femme. Nombreuses sont encore les parcelles de tournesol sur pied dans l'attente du passage de l’expert avant d’être broyées... « si on peut entrer dans la parcelle », souligne-t-elle.

Dans le secteur, « peu de parcelles sont ensemencées et le peu qu’il y a n’est pas joli à voir », résume Céline Renaire. Sur ses 100 ha, elle a pu en semer un tiers, et sur ce tiers, « je suis sûre d’emmener au bout au moins 20 ha de blé, car il s’agit d’une parcelle drainée. Le reste est une énigme... », confie-t-elle.

Si les conditions de semis étaient correctes, là aussi les averses qui ont suivi, ont été fatales, « tout a pourri, même le colza ! Sur mes 28 hectares, j’en ai au moins la moitié à refaire ! », témoigne-t-elle.

Pour ses cultures versées, non récoltées ainsi que pour les parcelles de blé et de colza, elle attend le passage de l’expert. « Pour savoir si on laisse une chance à la culture, si on défait tout… L’an passé, on a passé notre temps à faire et à défaire, pour quel résultat ? Des cultures non récoltables ! » poursuit-elle, avouant qu’elle a peu envie de réinvestir pour rien, « d’autant plus que les trésoreries ne sont pas terribles. On peut accepter une année compliquée, on peut essayer de faire le dos rond en sollicitant les aides nécessaires. Mais personne n’est capable de vivre une seconde année dans ces conditions », affirme Céline Renaire.

 

Les éleveurs ne sont pas épargnés

Du côté de la Brenne, les éleveurs s’inquiètent de l’état des prairies une fois le trop d’eau passé, « de voir les dégâts, de voir si les dégradations notées se sont aggravées ou pas », note l’un d’eux. D’autres ont vu leurs stabulations cernées par les eaux, à l’image d’Arnaud Morin, à Vendœuvres. « Vendredi après-midi, j’avais 20 cm d’eau autour du bâtiment. Bien content de ne pas avoir pu le curer, comme je comptais le faire, car l’amalgame paille fumier permet à mes vaches de ne pas avoir les pieds dans l’eau. Ca fait barrage », décrit-il. Ce jour-là, ses cultures aussi étaient sous les eaux, enfin celles qu'il a pu mettre en place.

« Il me reste 36 ha à semer », avance-t-il. Face aux aléas climatiques qui s'enchaînent depuis octobre 2023, sa motivation est sérieusement érodée. « J’allais semer à reculons, et finalement la situation climatique me conforte dans mon idée de ne pas y être allé, relate-t-il. De toute façon, il est impossible de rentrer dans les parcelles tant elles sont gorgées d’eau ou inondées. À ne pas semer, on ne gagnera pas de trésorerie, mais on mangera moins ».

 

Quid de 2025

2024 est dans l’esprit de tous. Comment se positionner, quels risques prendre pour le reste de la campagne, alors que la trésorerie fait défaut ? Pour l’heure, tous espèrent que l’accalmie de cette semaine perdure, avec des températures basses mais pas trop, histoire qu'au minimum l'eau s'écoule des champs. « Toutefois, ne pas savoir où on va, devoir négocier avec les banques les reports d’annuités, sans parler des appels de cotisations MSA que l’on vient de recevoir, etc. Tout mis bout à bout, cette situation est usante ! », glissent-ils.