Des arbres entre les vignes pour s’adapter au réchauffement climatique

En Anjou, Daniel Macault a planté une parcelle de vigne en agroforesterie. Cette expérimentation représente un pari sur l’avenir afin de créer des références techniques pour la génération suivante qui devra s’adapter au réchauffement climatique.

Étrange paysage que cette parcelle d'agroforesterie sur le domaine des Deux Moulins, à Juigné au Sud d'Angers (Maine-et-Loire). Toutes les sept rangées de vignes se dresse une ligne de pommiers, poiriers, abricotiers ou encore cerisiers, accompagnée de buissons de groseilles et cassis à leur base. Ou plutôt « se dressaient ». « Les chevreuils viennent manger l'écorce et au premier coup de chaud les arbres meurent. On s'embête à leur faire un super environnement avec des arbres et ils n'ont aucune reconnaissance » regrette, un sourire mi-figue mi-raisin aux lèvres, Daniel Macault, le viticulteur.

Cette prédation des fruitiers par les chevreuils est le premier constat d'une expérimentation débutée en 2018 avec l'Association technique viticole du 49 (ATV 49). "Depuis un moment, je me dis que le prochain grand défi sera le réchauffement climatique. Quand on voit des modèles ou on gagne 2°C à Saumur ça fait forcément réfléchir", explique l'angevin. Après une discussion avec son conseiller technique de l'ATV 49, le sujet de l'agroforesterie arrive sur la table. Mais la technique n'en est qu'à ses débuts. Aucune expérimentation n'a encore été lancée en Anjou. "C'est le type d'expérience longue que l'on ne fait pas pour soi mais pour la prochaine génération. Je vois cette plantation comme une parcelle école. L'idée n'est pas d'améliorer le compte de résultat mais de créer du savoir" souligne Daniel Macault.

Trouver des essences d'arbres adéquates

Techniquement l'essai est mené sur 1 ha de vigne. L'idée étant de travailler sur l'adaptation au réchauffement climatique, 4 cépages originaires du grand Sud ont été plantés. Il s'agit du Tempranillo, Sciaccarello, Syrah et Cot. Alors que les premières récoltes étaient attendues pour cette année, le gel de 2019 a retardé le développement des vignes et a allongé le calendrier. "Il n'y a pas encore d'effets significatifs de l'agroforesterie sur la production car les arbres ne sont pas assez développés", explique le viticulteur. Le choix d'un écartement de sept rangs de vigne entre chaque ligne d'arbres provient lui d'un aspect pratique. Il permet d'effectuer un aller-retour avec le pulvérisateur. "Il faut que l'intervention dans les vignes reste standardisée sinon ça devient trop compliqué à gérer", affirme-t-il.

Les fruitiers ont eux été choisis pour leurs productions qui pourraient être vendues au caveau. Sur ce lieu de vente, sont déjà commercialisés les légumes de l'activité maraîchère lancée il y a deux ans. Ces arbres devaient être conduits en haute-tige pour offrir de l'ombre aux vignes alentours. Vu les dégâts occasionnés par les chevreuils, Daniel Macault réfléchit déjà aux nouvelles espèces qu'il réimplantera à l'automne. "Nous avons laissé pousser une haie naturelle en bord de parcelle. Les frênes s'y plaisent beaucoup et ils ne subissent pas de dégâts de gibier", analyse l'angevin. "Ça pourrait être une option de plantation, mais j'ai peur qu'ils se développent trop". Il envisage également de mettre des protections autour des nouveaux arbres pour empêcher les chevreuils d'approcher.

"Si je n'ai pas de projet, je m'ennuie"

L'agroforesterie n'est que le dernier épisode d'une longue liste d'expérimentations et de bouleversements menées sur les 70 ha du Domaine des Deux moulins. "Nous sommes en conversion bio depuis deux ans. Mais en réalité, cela fait sept ans que j'ai entamé l'évolution du vignoble" retrace Daniel Macault. Il a notamment réalisé un travail important sur la gestion de l'enherbement des vignes avec le groupe Dephy monté par l'ATV 49. "C'est vraiment une idée magique de travailler en groupe pour comparer les erreurs que chacun a pu faire. Et les techniciens de l'ATV ont su nous accompagner sans jamais nous forcer la main" se souvient-il. S'en suit l'installation de nichoirs pour les chauves-souris et les mésanges, l'installation de haies ou plus récemment la plantation du cépage floréal, résistant aux maladies.

Des initiatives que le viticulteur ne se prive pas de montrer aux touristes de passage via l'accueil de camping-car ou les chambres d'hôtes. Le crédo de Daniel Macault prend alors tout son sens : "si je n'ai pas de nouveaux projets, je m'ennuie..."