Réduire, innover, relancer, exporter : le plan de relance de la filière vin

Après 18 mois de remue-méninges sans filtre, la filière viticole mise sur « Cap Vins » pour stopper la saignée et se relever des uppercuts climatiques et géopolitiques qui l’ont véritablement rendue groggy ces dernières campagnes.

Déconsommation, mévente, chocs climatiques, coups de boutoir géopolitiques : la France viticole subit depuis quelques campagnes un feu nourri d’attentats, confinant au traumatisme, sinon au cataclysme. A l’automne 2023, après la mise en œuvre de programmes de distillation et alors que se profile un plan d’arrachage dans le bordelais, qui sera élargi à tout le territoire en 2024, la filière sonne le branle-bas de combat et décrète un remue-méninges à 360° destiné à accoucher d’un plan de filière.

Son nom de baptême : Cap Vins, né le 24 février, dans les entrailles du Salon de l’agriculture. « Au cours des 18 mois, après avoir partagé un diagnostic, des groupes de travail, associant systématiquement amont-aval, viticulteurs-négoces, ont été constitués pour inventorier toutes les problématiques, relate Bernard Farges, président du Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV). Les restitutions, partagés et validés collégialement, ont alimenté le plan de de filière Cap Vins, lequel engage collectivement tous les acteurs ». La quintessence de Cap Vins tient donc en quatre verbes.

Réduire le potentiel, innover, relancer la consommation

Les responsables professionnels ont entériné la nécessité de baisser le potentiel viticole de la cave France, « ce qui n’était pas la volonté de l’ensemble des parties prenantes au début du processus », précise Bernard Farges. Un consensus semble se dégager autour de 100.000ha mais la filière se donne encore le temps d’affiner la trajectoire, à la lumière du programme de réduction du potentiel viticole soutenu à hauteur de 120 millions d’euros par l’Etat. Les pouvoirs publics sont en revanche plus prestement attendus sur une réforme - déjà - de l’assurance récolte, plus précisément de la référence à la moyenne olympique. « L’assurance récolte est certes subventionnée à 60% mais la   moyenne olympique génère le désengagement des producteurs », alerte Bernard Farges, qui compte interpeler le Commissaire européen Christophe Hansen, attendu au SIA vendredi.

L’innovation est le second pilier sur lequel la filière compte s’arc-bouter pour déjouer la déconsommation domestique, dont les projections dessinent une baisse de 20% dans les dix ans à venir. La filière mise notamment sur l’œnotourisme , qui pourrait mobiliser des fonds de l’OCM. Outre l’adéquation de l’offre et de la demande, l’innovation sera aussi mobilisée pour amadouer le changement climatique, notamment par le biais d’adaptations réglementaires au niveau des cahier des charges des AOP et IGP.

Exporter, exporter, exporter

Même si la filière parvient à stopper sinon à réfréner significativement la trajectoire de déconsommation, son salut passe inexorablement par le développement de l’export. « Nous sommes tous des nains », s’autoflagelle Bernard Farges. Il faut se doter de champions à l’export, indépendamment de la taille des entreprises ». Et de prendre en exemple l’Italie, capable de décrocher des fonds, de mutualiser les moyens et d’agir collectivement. « Chez nous, il y a des actions collectives à l’échelle des régions mais sans que l’une ne se soucie de ce que fait celle d’à-côté. Les responsables marketing des interprofessions ne se parlaient pas jusqu’à présent. C’est terminé », assure-t-il. Nous considérons Cap Vins comme un point d’étape, précise le viticulteur bordelais. Nous n’avons pas établi les tables de la loi auxquelles la filière devrait se référer dans les dix ans à venir car nous ne sommes pas à l’abri de chocs brutaux, comme le Cognac en connait sur le marché chinois ». Les menaces de surtaxes américaines sont aussi dans tous les esprits. Réduire, innover, relancer, exporter : la filière n’a pas osé l’acronyme « Rire ». Elle escompte néanmoins et a minima retrouver le sourire dans les années à venir.