Vive le poulet ukrainien

[Edito] Un homme, Poutine, aura mis quelques semaines pour écarter le poulet ukrainien des assiettes de nos cantines, ce qu’un Parlement, celui de la France, aura mis des années à impulser, tout en laissant le choix ultime à ses concitoyens. C’est tout l’honneur de notre démocratie. Mais français ou ukrainiens, en ces temps de guerre, la solidarité avec tous les éleveurs doit s’instaurer.

« Un poulet brésilien ou un poulet ukrainien, ce n’est pas la même chose qu’un poulet français ». Cette phrase, notre ministre de l’Agriculture Julien Denormandie la martèle depuis sa prise de fonction il y a bientôt deux ans. Et pour cause. Selon l’Anvol, l’interprofession volaille de chair, quand la taille des bandes s’établit en moyenne à 50 000 volailles en France, elle peut atteindre les deux millions en Ukraine.

Après une bataille législative de plusieurs années, le ministère de l’Agriculture est parvenu à imposer la généralisation l’étiquetage de l’origine à toutes les viandes crues, servies dans les cantines et restaurants. Et dans le viseur figure notamment le poulet en provenance d’Ukraine, troisième fournisseur de l’UE derrière le Brésil et la Thaïlande, la restauration collective et commerciale s’approvisionnant à 60% avec du poulet d’import.

La mesure est entrée en vigueur le 1er mars dernier, soit six jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par les Russes. Mais la loi sur l’étiquetage de l’origine, elle, n’est en rien une déclaration de guerre au poulet importé. Elle est simplement une information portée à la connaissance des consommateurs, chefs et convives restant libres de leurs choix.

Une menace pour les produits standards... et sous signes de qualité

Une liberté toute relative. Car si le poulet importé taille des croupières au poulet français, c’est parce qu’il est significativement moins cher : 5,80 €/kg le filet français contre 3,10 €/kg l’ukrainien, selon les données de l’Anvol. Des données avant-guerre, faut-il préciser. Car cette guerre et la flambée des intrants mettent en péril l’existence des plus précaires à travers le monde. Le poulet standard made in France n’y résistera pas, pas plus que les produits sous signe de qualité, plus onéreux, dont les consommateurs vont se détourner et par ricochet les producteurs, toutes productions confondues.

La résistance, en plus de la résilience

Les prix du filet de poulet, c’était avant le « théâtre » des négociations commerciales. On est aujourd’hui dans un théâtre de guerre. La solidarité avec le peuple ukrainien ne doit pas se départir de la solidarité avec nos éleveurs pour que nul ne périsse et que nul ne profite de cette guerre, les éleveurs étant, hors export, les premiers clients des céréales et oléoprotéagineux français. En attendant le plan de résilience, que le gouvernement détaillera la semaine prochaine, un esprit de résistance doit s’instaurer. A chacun d’entre nous d’y prendre sa part.

[Article mis à jour le 14/03/2022]