Associer chevaux et bovins pour optimiser les prairies

Un pâturage alternatif voire simultané par les deux espèces permet d’optimiser le fourrage produit sur la parcelle. La cohabitation peut aussi avoir des effets bénéfiques sur l’attitude des animaux, la gestion parasitaire ou encore la biodiversité de la prairie.

Sur l'exploitation d'Olivier Bugel, à Plessé en Loire-Atlantique, chevaux à la retraite et bovins allaitants se côtoient dans les champs. « Quand j'ai repris la ferme, mes parents avaient déjà quelques chevaux en pensions. Petit à petit, j'ai augmenté le nombre et je m'occupe aujourd'hui de 30 équidés, du poney shetland au cheval de trait », décrit l'éleveur.

Concrètement, le soin des animaux qui restent en pâture toute l'année représente 90 minutes de travail par jour, dont une grande part d'observation réalisée par le père de l'exploitant. En terme d'infrastructure, la majorité des parcelles qui accueillent des chevaux sont équipées d'un abri, bien que la législation ne l'impose pas.

À chaque espèce ses préférences

Si l'éleveur a décidé de poursuivre cette activité et de la développer, c'est qu'il y trouve un intérêt agronomique pour la valorisation des prairies. Le ligérien a constaté que les chevaux consommaient la végétation à un niveau plus bas que les vaches allaitantes, ce qui permettait au trèfle de se développer par la suite. À l'inverse, les limousines et blondes d'Aquitaine de l'exploitation valorisent les refus des chevaux. « En petit groupe, les équidés me permettent également de valoriser des petites parcelles peu pratiques pour les bovins », ajoute l'agriculteur.

« Si les deux espèces privilégient en premier lieu les graminées, les bovins vont consommer davantage de légumineuses et d'autres plantes que les équins. En effet, le rumen leur permet de détoxifier les métabolites secondaires de ces plantes », confirme Géraldine Fleurance, ingénieur de recherche au sein de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE). La complémentarité se retrouve aussi sur l'exploitation de la structure du couvert. « Les chevaux ont deux rangées d'incisives, ce qui leur permet de pâturer à moins de 4 centimètres. Ils vont ainsi privilégier les zones plus rases où la végétation sera plus jeune et de meilleure valeur alimentaire », ajoute-t-elle. À l'inverse, les bovins vont consommer les parties du couvert plus élevés, que les chevaux auront délaissés et où se trouvent les crottins.

Optimiser le chargement pour nettoyer la prairie

« Sur une parcelle assez sale, j'ai laissé les chevaux pendant l'hiver et ils ont nettoyé la prairie », se félicite Olivier Bugel. L'éleveur conduit sa ferme en agriculture biologique. La présence des chevaux lui permet de gérer le salissement des prairies. « Comme ils n'ont pas de rumen, les équins digèrent moins bien le fourrage que les bovins. Pour compenser, ils ont la capacité d'ingérer de grandes quantités de végétaux », explique Géraldine Fleurance. D'autant plus que les équidés préfèrent le fourrage frais. Ils vont préférer l'herbe sous la neige au foin. Ces caractéristiques permettent de nettoyer des parcelles lorsque le chargement est adapté au volume de fourrage disponible.

La mixité des espèces pourrait aussi avoir un rôle à jouer dans la lutte sur le volet parasitaire. « Chevaux et bovins n'ont qu'une seule espèce de strongle en commun. Quand les équins absorbent les larves infectieuses des vaches, on pense qu'ils les neutralisent et inversement. Nous avons des études en cours sur le sujet », affirme Géraldine Fleurance.

Une cohabitation pacifique

Ces différentes complémentarités dépendent de l'ordre de passage dans la parcelle et du but recherché par l'éleveur. « Avec des vaches laitières, on va plutôt faire passer les bovins avant les équins pour que les vaches exploitent la meilleure herbe. Dans le cas de vaches allaitantes, les pratiques consistent plutôt à mettre les deux espèces en même temps dans la pâture », constate Geneviève Bigot, chercheuse au sein de l'Inrae.

Les remontés terrains qu'elle a pu collecter sur ce type de cohabitation ne montrent pas d'incident majeur entre les deux espèces. « L'idéal, cité par les éleveurs, est de mettre des animaux calmes avec des bêtes plus agitées, par exemple des juments suitées avec des génisses. Ainsi les adultes calment les plus jeunes » précise-t-elle. Sur l'exploitation d'Olivier Bugel, vaches et chevaux se retrouvent à l'automne lorsque la pousse de l'herbe ralentit et qu'il agrandit les parcelles.

Objectif 1000 poulinières chez les éleveurs bovins

Au niveau national, la cohabitation entre équins et bovins est encouragée par l'opération « 1000 poulinières », lancée en 2018 par la société française des équidés de travail (Sfet). Le but est de placer 1000 pouliches ou poulinières chez des agriculteurs pour relancer l'élevage de chevaux de Trait en France. À un an du terme, seuls 100 animaux ont été placés, essentiellement dans les Pyrénées, mais l'opération continue. « Nous mettons à disposition de deux à huit animaux à un éleveur. En contrepartie, il s'engage à les mettre à la reproduction à partir de 3 ans. L'alimentation et le coût d'entretien et de saillie sont à la charge de l'éleveur », indique Coralie Bonneau, chargée de mission à la Sfet.

Lorsque l'éleveur vend le poulain à 6 mois, l'organisme est alors prioritaire pour l'acheter. « Si c'est une pouliche, l'éleveur peut choisir de la garder pour agrandir son troupeau », ajoute Coralie Bonneau. Pour cette opération, la Sfet vise des jeunes agriculteurs ayant une activité d'élevage bovine, ovine ou caprine. « Pour les aider lors du démarrage, nous travaillons avec les associations locales d'éleveurs de chevaux de trait. Les éleveurs à qui nous prêtons des poulinières doivent y adhérer et participer à un concours modèle et allure par an », précise la chargée de mission de la Sfet.