Malaise agricole : les pseudo-annonces de Gabriel Attal

A l’occasion de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’a pas apporté de réponses nouvelles, en tout cas pas de nature à lever la contestation qui s’exprime sur les grands axes autoroutiers et aux abords du marché de Rungis depuis deux jours. Le dossier agricole va désormais se déporter (en partie) à Bruxelles avec la tenue d’un Conseil européen. Sur la table : la jachère, les importations ukrainiennes et le Mercosur.

« J’assume de dire que tout ne sera pas réglé en quelques semaines, j’assume de dire que les chantiers sont complexes et que pour certains il faudra y travailler encore » : ce n’est n’était sans doute ni le lieu ni le moment mais en une phrase, le Premier ministre a douché les espoirs que pouvait nourrir la profession à l’occasion de sa déclaration de politique générale, mardi après-midi à l’Assemblée nationale. Le volet agricole de l’exercice n’a en effet rien apporté de nouveau aux mesures d’urgence énoncées en Haute-Garonne le 26 janvier, réitérées le 28 en Indre-et-Loire, avec le même insuccès auprès des organisations agricoles.

"Il doit y avoir une exception agricole française"

Au lieu de cela, le Premier ministre a gratifié son auditoire de quelques envolées lyriques, dans un registre souvent attendu, donnant du : « notre agriculture est notre force, et notre fierté aussi » ou encore du « nous devons mener notre réarmement agricole, produire et protéger pour notre souveraineté ». Mais aussi énigmatique : « il doit y avoir une exception agricole française », a lancé Gabriel Attal.

Le forcing sur la trésorerie des exploitations

Plus prosaïquement, le Premier ministre a égrainé toute une série de mesures financières, et leur calendrier, de nature à soulager la trésorerie des exploitations à défaut de soigner les maux : versement de 50% des remboursements TICPE à valoir sur le GNR dès février, ouverture le 5 février du guichet d’indemnisations liées  à la MHE (avec un taux passant de 80 à 90% sur les frais vétérinaires)  versement de toutes les aides Pac d’ici au 15 mars, doublement du fonds d’urgence Bretagne. « Nous travaillerons avec les régions pour que les aides à l’installation des jeunes agriculteurs puissent être versées dans les prochaines semaines, pour certains, cela fait plus d’an an qu’ils attendent », a reconnu le chef du gouvernement.

"Toutes les amendes qui seront infligées à l’industrie et à la grande distribution, seront réutilisées pour soutenir financièrement les agriculteurs"

Ce dernier a également évoqué le mécanisme de déduction fiscale de 150 euros par vache à valoir sur l’exercice 2024. « Nous le renforcerons, pour protéger toujours davantage nos éleveurs », sans donner plus de détails. Idem pour le fonds d’urgence promis « avant la fin de la semaine » aux viticulteurs, notamment d’Occitanie, aux prises avec une attaque incontrôlable de mildiou l’an passé.

Une partie des subsides pourrait aussi venir d’Egalim. « Toutes les amendes qui seront infligées à l’industrie et à la grande distribution, seront réutilisées pour soutenir financièrement les agriculteurs » a lâché Gabriel Attal, qui fait part d’une « vague de contrôles sans précédent », « deux fois plus nombreux qu’auparavant ».

Le Premier ministre en a profité pour livrer un petit inventaire du macronisme et de son « combat pour la souveraineté et le revenu » depuis 2017, évoquant, outre les lois Egalim, le Varenne de l’eau, les 250 millions d’euros pour trouver des alternatives aux phytosanitaires, le budget « historique » alloué à la réforme de l’assurance récolte, les dispositifs de soutien aux épisodes de gel, de sécheresse, de grippe aviaire. « Nous continuerons à le faire » a-t-il affirmé.

En ce qui concerne la simplification, le Premier ministre a évoqué le cas de la Haute-Garonne où, « la semaine dernière, en quelques réunions sur une semaine, le préfet et les agriculteurs se sont accordés sur l’abrogation de quatre arrêtés préfectoraux. Cette logique est étendue dès cette semaine à l’ensemble des départements français »

Plaidoyer européen et voyage à Bruxelles

Le Premier ministre s’est livré à un véritable plaidoyer en faveur de l’Union européenne. « Tout n’est pas parfait, il reste des chantiers à mener. Mais on ne peut pas vouloir sortir de l’Europe, sauf à avoir d’autres intérêts, sauf à servir un autre pays, une autre puissance. Avec l’Europe, notre puissance est démultipliée. Et ces dernières années, nous avons commencé à la changer ». Gabriel Attal s’est fait le chantre de la réciprocité et des clauses-miroirs. « Nous avons toujours été moteurs (...) et nous les ferons respecter » a-t-il promis.

"Nos trois priorités immédiates sont claires : les jachères, les importations ukrainiennes, notamment de volailles et le Mercosur"

Après ses déplacements « agricoles » en Haute-Garonne et en Indre-et-Loire les 26 et 28 janvier, c’est désormais à Bruxelles que se déporte momentanément et en partie le dossier agricole, avec à la manœuvre le président de la République à l’occasion du Conseil européen le 1er février. « Nos trois priorités immédiates sont claires : les jachères, les importations ukrainiennes, notamment de volailles et le Mercosur » a tracé Gabriel Attal. « Nous prendrons également toutes les mesures pour éviter toutes surtranspositions, d’où qu’elles viennent », a-t-il précisé.

En attendant, on voit mal ce qui pourrait essouffler la contestation qui s’exprime sur les grands axes autoroutiers, notamment franciliens, et aux abords du marché de Rungis au sud de Paris depuis deux jours. Cette action menée par la Coordination rurale est peu goûtée par la FNSEA, Arnaud Rousseau expliquant mardi matin sur CNews / Europe 1 que les agriculteurs étaient là pour « nourrir » les Français et pas pour les « affamer ». Toujours est-il que plus de trois heures d’entrevue lundi soir entre les présidents de la FNSEA et des JA n'ont rien changé. La Confédération paysanne appelle de son côté à bloquer les centrales d'achat et à cibler les « prédateurs du revenu paysan ». Mardi, la Commission européenne a tout de même envoyé un signal sur les jachères en évoquant une possible prolongation de la dérogation s’appliquant à la BCAE 8 depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.