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Administratif : la prestation de secrétariat se développe sur les fermes
Pour faire face à la multitude de démarches administratives qui s’imposent à eux, de plus en plus d’exploitants agricoles recourent à des prestations de secrétariat ponctuelles ou régulières. Une démarche qui nécessite d’instaurer un lien de confiance fort avec l’intervenant qui aura inévitablement accès aux informations sensibles de l’exploitation.
Trop de papiers, trop de réglementations, trop de temps consacré au bureau… La charge administrative est bien connue des exploitants agricoles et semble prendre une place toujours plus importante dans les emplois du temps. Un constat d’autant plus marquant pour des professionnels qui ont choisi un métier qui se pratique en plein air et qui n’ont bien souvent pas les ressources financières suffisantes pour salarier un ou une secrétaire. Arrivée en 2004 en tant qu’assistante administrative et comptable au sein du Cerfrance Poitou-Charentes, Sandrine Borde n’a pu que constater le phénomène. « On leur promettait moins de papier, mais sur le terrain je voyais bien qu’il y en avait de plus en plus », se souvient-elle.
Pour accompagner les clients sur la gestion des documents comptables, le Cerfrance Poitou-Charentes décide alors de leur proposer une prestation spécifique. « Au début, c’était simplement le classement des factures à partir du pointage des relevés bancaires. Mais petit à petit, les clients en demandaient de plus en plus », évoque-t-elle. À tel point que le centre de gestion décide de mettre en place une vraie prestation de secrétariat, intitulée Admineo 360°. Elle comprend le classement des factures, l’ouverture du courrier, la gestion des mails... « Il y a aussi toute la partie digitalisation et numérisation sur laquelle certains clients sont un peu perdus. Par exemple, je vais les aider à créer leur espace MSA ou à accéder à la plateforme en ligne de leur coopérative », détaille Sandrine Borde.
Des structures diverses
Si le Cerfrance Poitou-Charente était précurseur sur ce type de services aux agriculteurs, de plus en plus de structures proposent maintenant des prestations similaires. En Charentes toujours, c’est la MSA qui a lancé en 2022 son service de mise à disposition de salariés pour les tâches de secrétariat, via le savoir-faire des équipes en charge du service de remplacement. « La prestation se construit en fonction des exploitations et de leur orientation, que ce soit élevage, viticulture ou grandes cultures. Je fais de la mise à jour et du classement, de la facturation et parfois je viens en soutien sur les dossiers d’aide de subvention FranceAgriMer », liste Pauline Mounier, l’une des deux salariés du service.
De l’autre côté de l’hexagone, en Haute-Savoie, Laurine Mottaz a choisi la voie de l’auto-entreprenariat pour lancer sa propre entreprise de prestation de secrétariat auprès des agriculteurs. Elle réalise la pré-compta, l’ouverture du courrier, le classement des documents, mais aussi des démarches plus spécifiques comme la demande de remboursement de la taxe sur le GNR ou les dossiers Feader. « En 2020, lorsque j’étais conseillère d’entreprise au sein de la Chambre d’agriculture, je me suis vite rendu compte qu’il y avait des gros problèmes administratifs dans les exploitations. J’ai vu des cas où les agriculteurs ne réalisaient pas leur comptabilité et en conséquence ils ne touchaient pas les aides PAC. L’impact financier est énorme », illustre-t-elle.
Sans aller jusqu’à cette extrémité, Patrick Mounier, vice-président de la MSA de Charentes, évoque l’enjeu des dead-lines. « Quand je travaille dans le feu de l’action sur le terrain avec les contraintes météorologiques, il peut m’arriver de laisser passer des dates butoirs. Si la personne qui vient faire la prestation de secrétariat a l’habitude des dossiers agricoles, elle va pouvoir m’épauler et me rappeler les échéances », souligne-t-il. Si la prestation se diversifie au fil du temps, le service proposé par la MSA de Charentes se fixe des limites très claires sur certaines tâches. « Nous ne touchons pas à la comptabilité proprement dite, qui est du ressort des centres gestions et que nous ne sommes pas habilités à réaliser. Nous excluons également les dossiers PAC pour ne pas venir en concurrence avec d’autres acteurs comme la Chambre d’agriculture », détaille Nathalie Bauchet, directrice du service.
Une relation de confiance
Avec ses clients réguliers, Laurine Mottaz estime que son rôle est également d’apporter un accompagnement et une analyse extérieure sur l’exploitation et ses projets. « Je fais des petites études économiques. Je peux également être présente lors d’un audit pour rassurer l’exploitant. Quand je vois des aides qui pourraient leur correspondre, je leur transmets l’information et à l’inverse ils me contactent avant d’investir afin d’évaluer s’ils peuvent prétendre à une subvention », explique la haute-savoyarde. Elle explique que cela fait partie du lien de confiance noué avec les agriculteurs. « De par ma position, je vois tous leurs chiffres. Mais ils savent que je garantis le secret professionnel ». Un sentiment de confiance forte partagé par Sandrine Borde. « C’est quelque chose que je ne peux pas expliquer avec des mots. Nous avons tous les codes d’accès, ils nous font entièrement confiance », témoigne-t-elle.
[Témoignage] En Haute-Savoie, Joany Cassina et son conjoint sont installés sur une ferme en maraîchage et brebis allaitante. « En 2020, nous avons eu les premières attaques de loup. Nous étions complètement débordés », se souvient l’exploitante. Ils font alors appel à Laurine Mottaz pour les épauler sur la ferme et notamment sur les tâches administratives. « Depuis, elle vient une fois par trimestre pour pointer les factures avec les relevés bancaires. Elle nous aide aussi sur les démarches administratives. C’est elle qui a monté tout le dossier pour pomper dans le ruisseau afin d’irriguer les légumes », détaille-t-elle. |
Un coût vite rentabilisé
Si ces prestations permettent de se décharger d’une partie du travail administratif, leur coût n’est pas anodin. Pour réaliser la pré-compta, la grille tarifaire de Laurine Mottaz affiche 30 €/h pour 3 heures sur place minimum. Les heures supplémentaires ou à distance sont facturées 27 €/h. Le traitement d’un dossier de subvention représente un forfait de 200 euros. Le service de la MSA Charentes se chiffre lui entre 25 et 30 €/h. Mais ces prestations peuvent être rapidement rentabilisées si elles permettent d’aller chercher des aides supplémentaires, de ne pas louper de dates butoirs ou de simplement se dégager du temps productif dans les champs. « J’ai un client qui m’a dit une fois : "Quand tu es là, tu me fais gagner de l’argent car pendant ce temps, moi je peux être sur mon tracteur" », sourit Sandrine Borde.
Pour Patrick Mounier, ces prestations permettent également de révéler le vrai coût de l’administratif imposé aux exploitations agricoles et souvent minimisé. « Il faut bien se rendre compte que la gestion administrative de mon exploitation céréalière de 200 hectares nécessite la présence d’une secrétaire une journée par mois », calcule-t-il.