Agribus : une initiative originale pour faciliter la visibilité des exploitations agricoles à reprendre

De nombreuses fermes d’élevage seront à transmettre dans les années à venir. Même si les transmissions peuvent paraître difficiles en élevage bovin, il n’y a pas de fatalité : les repreneurs existent, il suffit d’aller les chercher avec un Agribus !

« Les porteurs de projets d’installation, ne viennent pas taper à notre porte. Ceux qui viennent chez nous - quand ils savent qu’on est en fin de carrière - ce sont plutôt ceux qui cherchent à récupérer le foncier », remarque Bertrand, agriculteur à Guenrouet (44). « On voudrait éviter un agrandissement », ajoute pour sa part Gérard, éleveur à Guémené-Penfao (44), qui, lui aussi, entrevoit sa prise de retraite pour dans quelques années. « On voudrait transmettre au futur repreneur notre exploitation agricole pour maintenir l’élevage sur le secteur et garder toutes les structures qui vont avec, les laiteries, les Cuma, les ETA, les associations de remplacement etc… ».

Comme Bertrand et Gérard, beaucoup d’éleveurs préfèreraient transmettre leur outil de travail plutôt que de le vendre à la découpe. Mais ils ont parfois l’impression qu’il n’y a pas de candidats à l'installation et à la reprise et que personne ne va les contacter. « Pourtant, des porteurs de projets en élevage, il y en a, mais peut-être pas à leur porte, dans d’autres régions ! », assure Stéphane Loizeau, chargé de mission transmission à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Mais encore faut-il leur donner les moyens d'une mise en relation avec les cédants, d’échanger avec eux, et leur permettre de se projeter dans les fermes qui sont à céder.

Comment trouver une exploitation agricole ? Une mise en relation entre cédant et repreneur

C’est dans cet objectif que le dispositif Agribus est né : « Il fallait imaginer autre chose pour mettre en relation des cédants et des repreneurs », poursuit Stéphane Loizeau. L’Agribus été expérimenté pendant trois ans dans le cadre d’un programme régional « territoire pilote transmission », en l’occurrence celui de la communauté de communes de Châteaubriant-Derval en Loire-Atlantique. Et comme il a bien fonctionné, il a fait des émules dans plusieurs autres territoires.

Stéphane Loizeau, conseiller transmission, et accessoirement conducteur d’Agribus. Photo Catherine Perrot

Un Agribus, c’est un voyage d’une ou deux journées, qui conduit un groupe de porteurs de projets d’installation dans plusieurs fermes à céder d’un même territoire, en général une ou deux communautés de communes. « Ce voyage permet de découvrir une collectivité d’un point de vue agricole et des services qu’elle propose », décrit Stéphane Loizeau. « En plus des visites de fermes, on se rend compte que durant ces journées, des relations se nouent entre porteurs de projets, notamment entre ceux qui ne sont pas originaires du secteur. Cela peut les conforter dans l’idée de s’installer par ici ».

Le dernier Agribus proposé par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire a voyagé les 7 et 8 juin derniers, dans 11 fermes d’élevage du nord de la Loire-Atlantique. Pour cette édition, ils étaient neuf porteurs de projets : Alexandre, venu d’Alsace et qui ne trouve pas de ferme d’élevage à reprendre là-bas ; Astrid et Florian, tous deux normands, confrontés à la pénurie et au prix du foncier dans leur région d’origine ; Patrick et Juliane venus du Nord qui eux aussi ont du mal à réaliser leur projet de production laitière pour des questions foncières ; Clémence, salariée en stage de paysan créatif, qui veut s’installer en bovins viandes en Loire-Atlantique ; Anselme et Louis, les locaux de l’étape, qui projettent de s’installer en production laitière ; et enfin Gilles, lui aussi venu en voisin, qui n’a besoin que de 3 ou 4 hectares pour son projet de reconversion en production de petits fruits, mais qui se verrait bien adossé à une ferme d’élevage. 

Bertrand, futur cédant, en pleine discussion avec Clémence, porteuse d’un projet d’installation en viande bovine. Photo Catherine Perrot

Reprise : une démarche de projet au long cours

Face à eux, des cédants dont les exploitations avaient été préalablement repérées comme pouvant correspondre aux projets des candidats. Si les futurs installés sont dans une démarche de formation et de construction de projet, c’est également le cas des futurs cédants : eux-aussi préparent leur transmission comme un projet, et eux aussi ont suivi des formations spécifiques pour « apprendre à céder leur ferme ». 

« L’accompagnement de la chambre, c’était vraiment intéressant. Sans eux, j’aurais rien fait.  Au début, j’étais pas prêt, mais ça m’a fait réfléchir », reconnait Bertrand. « Cette formation devrait être obligatoire », estime Gérard. Durant leur accompagnement à la transmission, les cédants ont notamment fait un DEC (Diagnostic d’exploitation à céder) : ils ont obtenu des indicateurs objectifs sur leur ferme, sa reprenabilité, ses forces et ses faiblesses, et ont eu une idée de sa valeur. « Cela constitue une bonne base de discussion avec les porteurs de projet », décrit Stéphane Loizeau. 

Ils ont appris aussi à présenter et à faire visiter leur ferme : leurs choix de productions, le type de culture, leur organisation, leur parcellaire, leurs installations, leurs contraintes… Ils ont aussi compris quelles étaient les attentes des repreneurs, en particulier sur un sujet sensible : celui de la maison d’habitation. Même si souvent cette maison est celle où ils ont passé la majeure partie de leur vie, beaucoup de cédants finissent par réussir à la voir « comme un logement de fonction, qui va avec la ferme ».

« Nous on a déjà quitté la maison, on a fait construire ailleurs », expliquent Marie-Claude et Gilles, qui ne partiront en retraite qu’en 2027. Même son de cloche chez Gérard et chez Bertrand : à leur retraite, ils laisseront leur maison aux repreneurs. Tous ont aussi assuré qu’ils seront prêts à des arrangements, sur les dates de départs, et sur un accompagnement ou des « coups de main » si les repreneurs le souhaitent.

Départ et installation en vue

Le 8 juin dernier, d’autres voyageurs importants pour l’installation et la transmission sont venus à la rencontre des porteurs de projet : l’équipe des responsables et conseillers agricoles locaux du Crédit agricole. Ils ont souligné combien l’initiative de l’Agribus était intéressante et pertinente. Responsable du marché agricole pour le secteur nord Loire, Ronan Bruhay a souligné que les financements des installations « étaient plus faciles quand les transmissions avaient été bien anticipées et préparées ».

Et des installations grâce à l’Agribus, il y en a déjà eu, et il y en aura sans doute encore prochainement. « Cette année, quasiment tous les candidats ont flashé sur deux à quatre fermes lors du voyage de début juin », s’enthousiasme Stéphane Loizeau. « Plusieurs d’entre eux vont revenir pour des visites plus poussées cet été ».