Agriodor : « Notre répulsif réduit de plus de 50% les populations de pucerons sur betterave »

[Betteravenir 2023] L’entreprise de biocontrôle a breveté une kairomone sous forme de granules applicables par épandeur, dont la commercialisation sur betterave est attendue pour 2025. Agriodor travaille par ailleurs sur l’altise du colza dans le cadre du projet AltisOr.

Identifier des composés organiques volatiles (Cov) émis par des plantes ou des insectes et susceptibles d’interagir sur le comportement alimentaire ou sexuel de ces mêmes insectes : telle est l’objet de la sémiochimie, la science qui étudie les interactions entre êtres vivants via l’émission-réception de molécules chimiques.

Créée en 2019 sur la base de travaux de l’INRAE, Agriodor interfère sur les facultés olfactives des insectes, qui conditionnent leurs comportements alimentaires et sexuels
Créée en 2019 sur la base de travaux de l’INRAE, Agriodor interfère sur les facultés olfactives des insectes, qui conditionnent leurs comportements alimentaires et sexuels

Ces dernières se classent en trois catégories que sont les phéromones, qui déclenchent des réactions physiologiques ou comportementales entre individus de la même espèce, les allomones qui ont des propriétés attractives et les kairomones qui ont des propriétés répulsives. C’est dans cette dernière catégorie que se range la solution développée par Agriodor pour lutter contre le puceron vecteur de la jaunisse de la betterave.

Réduire la population, perturber l’alimentation et la reproduction

Créée en 2019 sur la base de travaux de l’INRAE, Agriodor interfère sur les facultés olfactives des insectes, qui conditionnent leurs comportements alimentaires et sexuels. L’entreprise a commencé par développer et commercialiser une allomone ciblant le bruche de la féverole et de la lentille. En 2021, elle a répondu à l’appel du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), en quête de solutions pour lutter contre le puceron vecteur de la jaunisse suite au retrait des néonicotinoïdes enrobés.

« Notre solution réduit la population de pucerons dans des proportions comprises entre 50% et 70% », affirme Ene Leppik, co-fondatrice d’Agriodor. qui dispose à Rennes (Ille-et-Vilaine) d’un laboratoire spécialisé dans la conception et la réalisation de « blends » olfactifs, des mélanges d’odeurs. « La kairomone a pour effet de retarder les premières infestations de pucerons ailés, explique Tarek Dardouri, ingénieur R&D en écologie chimique chez Agriodor. Cette faculté permet de reculer de 10 à 15 jours l’atteinte du seuil de nuisibilité du puceron sur betterave, à savoir 10% de plantes avec au moins un aptère vert. Notre blend a aussi pour effet de perturber l’alimentation et la reproduction des pucerons ».

Pas de résistance, pas de frein à l’adoption

Selon Agriodor, la kairomone contribue à renforcer l’efficacité des aphicides tout en en réduisant l’usage. L’efficacité de la kairomone est quant à elle indépendante des techniques de lutte mises en œuvre sur les parcelles environnantes. Il n’y a pas non plus de risque de résistance ou d’accoutumance car le produit ne tue pas les pucerons et n’exerce donc pas de pression de sélection.

Agriodor a testé avec succès une formulation applicable au moyen d’un épandeur de type anti-limaces, de nature à faciliter son adoption future par les agriculteurs
Agriodor a testé avec succès une formulation applicable au moyen d’un épandeur de type anti-limaces, de nature à faciliter son adoption future par les agriculteurs

Cette année, Agriodor a notamment testé avec succès une formulation applicable au moyen d’un épandeur de type anti-limaces, de nature à faciliter son adoption future par les agriculteurs. L'application de granules, à la persistance d’action de 28 jours, s’opérerait en alternance avec celle d’aphicides. « Nous visons une mise sur le marché pour les semis 2025 », déclare Ene Leppik.

Après le féverole, la lentille et la betterave, Agriodor s’intéresse au colza et plus précisément à la lutte contre l’altise d’hiver, dans de le cadre du projet de recherche AltisOr, essayant là aussi de combler le retrait d’une molécule, en l’occurrence le phosmet.