« La sélection variétale, une parade anti-jaunisse parmi d’autres »

[Betteravenir 2023] Président de la section betteraves et chicorées à l’Union française des semenciers (UFS), François Desprez estime que la génétique apportera sa contribution à la lutte contre la jaunisse mais en s’inscrivant dans une approche systémique, telle que dessinée par le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI).

La sélection de variétés tolérantes ou résistantes à la jaunisse est-elle à la génétique ce que les néonicotinoïdes étaient aux traitements de semence, à savoir une parade aussi efficace que simple à mettre en œuvre pour prévenir les attaques ? Présent à Betteravenir, dont la 7ème édition donnait à voir les solutions émergeant du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), François Desprez, président de la section betteraves et chicorées à l’Union française des semenciers (UFS), s’est montré à la fois humble et prudent. « Compte tenus des succès passés de la génétique, pour lutter contre la rhizomanie et les nématodes par exemple, les betteraviers ont tendance à penser que les sélectionneurs vont résoudre le problème de la jaunisse, indique-t-il. La connaissance a certes beaucoup progressé, on connait mieux les virus, on a identifié du matériel résistant mais il faut encore assembler tout cela dans des variétés performantes ».

"Si, par bonheur, la sélection végétale répond aussi vite que l’on imaginait au défi de la jaunisse, il ne faudra pas de mettre de côté toutes les approches développées dans le cadre du PNRI"

Selon François Desprez, les résultats d’essai de la campagne 2023 vont s’avérer déterminants car ils vont permettre de jauger l’écart de potentiel, en rendement/ha et en sucre/ha, que présente le matériel tolérant ou résistant à la jaunisse par rapport aux meilleures variétés. « Certains évoquent un différentiel de -10%, d’autres -15% ou -20%. On en saura davantage début 2024 lorsque les résultats d’essai auront été examinés. Ce que l’on sait, c’est que l’on est capable de combler chaque année un écart de rendement d’environ 4 à 5%, laissant augurer des variétés aussi performantes à horizon 2028. Mais si, par bonheur, la sélection végétale répond aussi vite que l’on imaginait au défi de la jaunisse, il ne faudra pas de mettre de côté toutes les approches développées dans le cadre du PNRI ».

La coexistence de plusieurs virus de la jaunisse est potentiellement porteuse de contournement de la tolérance ou de la résistance. Dans une logique de durabilité, l’approche combinatoire, consistant à additionner plusieurs méthodes de lutte (suppression des réservoirs viraux, modélisation des vols, plantes, compagne, répulsifs...) est l’un des enseignements majeurs du PNRI. « L’approche systémique a aussi l’avantage de servir l’ensemble des cultures de la rotation et du bassin de cultures », ajoute François Desprez. L’émergence du Syndrome des basses richesses, causée par des bactéries transmises par une cicadelle, invite à la prudence.

A plus long terme, les NGT (New genomic techniques) pourraient apporter leur pierre à l’édifice, sous réserve de passer les étapes réglementaires. « Ce serait dommage de se priver des NGT, car à la différence des OGM, ces techniques sont à la portée de nombreux obtenteurs et de nombreux semenciers, indique François Desprez. La betterave est une espèce dont le génome est assez simple. Mais l’édition de gènes réclame beaucoup de travail en terme de phénotypage, de régénération des plantes. Mais ne laissons pas accroire aux betteraviers et à la filière que les NGT sont une baguette magique. C’est un levier supplémentaire ». Prudence, encore et toujours.