La lutte contre la jaunisse, une réussite collective et inspirante

[Edito] Le programme de recherche contre la jaunisse de la betterave laisse entrevoir une maîtrise de la maladie, moyennant une lutte combinatoire et collective. De quoi inspirer l’avenir phytosanitaire prochainement balisé par Ecophyto 2030.

« Une démarche absolument exemplaire de ce que peut faire une filière quand elle s’unit pour relever un défi un peu fou : résoudre en quelques années un problème face à une impasse technique liée à la disparition d’un certain nombre de produits ». C’est ce qu’a déclaré le ministre de l’Agriculture venu juger sur pièces à Betteravenir les enseignements du Programme national de recherche et d’innovation (PNRI), Lancé à l’automne 2020 au lendemain d’une attaque de jaunisse qui avait sonné la filière, avec une perte de production de près de 30% et un rendement moyen de 65t/ha, renvoyant au XXème siècle, le PNRI ouvre de très sérieuses perspectives à court terme de lutte contre une maladie potentiellement porteuse d’un risque existentiel pour une filière qui génère bon an mal an entre 800 millions et 1 milliard d’euros d’excédent commercial et emploie 45.000 salariés.

La recette du PNRI

La première vertu du PNRI est d’avoir embarqué tous les acteurs de la filière, de l’enseignement à la recherche fondamentale et appliquée en passant par les organisations professionnelles, les entreprises et les pouvoirs publics, sans oublier les planteurs eux-mêmes. 70 d’entre eux ont fait office durant trois ans de ferme pilote d’expérimentation et de tremplin au transfert à venir des solutions. Le PNRI est donc une prouesse collective, qui a bénéficié de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Sa deuxième vertu est d’avoir exploré sans tabou et sans a priori tout le champ des possibles de l’agronomie autour du triptyque virus-pucerons-betterave, sans occulter la dimension économique des solutions techniques expérimentées.

"Les néonicotinoïdes, c’est comme mes 20 ans : on ne les reverra jamais"

Une autre force du PNRI est d’avoir été aiguillé par une sommité en la personne de Christian Huygue, directeur scientifique agriculture à l’INRAE, capable, entre autres, de tenir tête à des agriculteurs nostalgiques de néonicotinoïdes à la demi-vie longue de 228 jours. « Au bout d’un an et demi, vous avec encore suffisamment de produit dans le sol pour flinguer à peu près tout ce qui ressemble à un insecte. Les néonicotinoïdes, c’est comme mes 20 ans : on ne les reverra jamais », a-t-il lancé, dans les allées de Betteravenir, à un représentant de la CGB incrédule et embourbé dans le passé.

Les enseignements du PNRI

Au-delà des néonicotinoïdes, c’est le principe « un problème, une solution », dont, selon l’INRAE, il va falloir se départir dans les têtes et dans les faits en matière de lutte contre les maladies et ravageurs, au profit de techniques combinatoires. Une forme d’avertissement à l’égard des futures variétés résistantes à la jaunisse dont la durabilité pourrait être proportionnelle à l’activation des solutions du PNRI 1 et du futur PNRI 2, annoncé à Betteravenir pour parachever le travail. Si les agriculteurs doivent s’approprier ce nouveau paradigme, la puissance publique serait de son côté bien inspirée de reproduire le modèle du PNRI pour ses futures politiques, et on pense à Ecophyto 2030. En attendant, aux planteurs de poursuivre l’œuvre collective, en traquant dès à présent les repousses de betteraves, de véritables nids à virus. « Une solution hautement efficace et à cout zéro », dixit Christian Huygue.