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Apiculture : « Une année sous pression »
Entre conditions climatiques difficiles, explosion du frelon asiatique et concurrence déloyale des ventes non déclarées, David Martin, apiculteur à Mauve-sur-Loire, alerte sur les menaces qui pèsent sur la filière. Mais il se projette aussi avec optimisme vers la rentrée, à l’occasion du lancement d’un nouveau produit : le miel Juste de Loire-Atlantique.
Pouvez-vous nous présenter votre exploitation ?
Je suis apiculteur professionnel depuis plusieurs années, installé à Mauve-sur-Loire. Mon entreprise, la Maison Luce, commercialise du miel, des bonbons et d'autres produits issus de la ruche. Je gère aujourd’hui 150 colonies. Je travaille seul, en vente directe sur les marchés, en épiceries locales à Nantes, et je propose aussi de la prestation de services avec le placement de ruches en entreprise.
Quel bilan tirez-vous de cette saison apicole ?
Le printemps a été plutôt favorable, avec de belles floraisons. Mais la sécheresse est arrivée très tôt, dès la mi-juin, et ça a fortement impacté les miellées estivales. Il y a eu peu de sarrasin semé cette année, donc peu de potentiel sur cette plante. Globalement, c’est une meilleure année que 2023 – qui a été catastrophique – mais on reste loin d’une récolte de référence.
Un autre problème revient de plus en plus : celui du frelon asiatique. Quelle est la situation ?
C’est très inquiétant. Cette année, les attaques ont commencé très tôt. Sur certains ruchers, j’ai dû intervenir toutes les 48 heures pour recharger les pièges. J’ai même dû déplacer plusieurs ruchers entiers, notamment en bord de Loire. On parle d’un prédateur sans concurrence, capable de consommer jusqu’à 60 kg d’insectes sur la saison. S’il fait beau, ils prolifèrent. S’il fait mauvais, les abeilles ne sortent pas. Dans tous les cas, on est piégés.
Quelle réponse faudrait-il, selon vous ?
Il faut un plan de lutte national. L’Espagne et l’Italie ont mis en place des brigades spécialisées pour repérer et détruire les nids. En France, c’est laissé aux communes. Certaines, comme Mauves-sur-Loire, distribuent des pièges ; d’autres ne font rien. Mais les frelons n’ont pas de frontières. Une action isolée ne suffit pas. Et le débat sur la sélectivité des pièges ne tient pas : le préjudice des frelons pour la biodiversité est bien plus grave.
Quelles conséquences sur votre cheptel ?
En 2022, j’ai perdu un tiers de mes colonies à l’automne. En 2023, avec la combinaison frelons et mauvaise météo, j’ai perdu 50 % de mon cheptel. C’est énorme. Imaginez un éleveur qui perd la moitié de son cheptel en une saison... C’est intenable. Et beaucoup d’apiculteurs abandonnent.
Vous dénoncez également un autre phénomène : le marché noir du miel.
Oui, c’est un vrai problème. En France, on compte environ 1 700 apiculteurs pros, mais plus de 45 000 amateurs. Certains vendent du miel à bas prix, sans TVA, sans contrôle sanitaire, et souvent sans même déclarer leurs ruches. Ce miel, vendu 6 € le kilo, fausse complètement le marché. Moi, mon coût de revient est bien supérieur. On ne peut pas rivaliser avec un produit vendu sans aucune règle.
Comment sortir de cette impasse ?
En structurant nos débouchés. C’est pour cela que je participe au projet du miel Juste de Loire-Atlantique, en partenariat avec la marque Juste®. C’est un miel local, rémunérateur, transparent. Le projet sera présenté à la Fête de l’Agriculture fin août à Guérande. Il sera ensuite proposé à la vente en GMS dès la rentrée.
Quelle est la particularité de ce miel ligérien ?
Il reflète la diversité de notre territoire. Ici, nous avons des paysages vallonnés, des marais. Résultat : un miel plus complexe, plus floral, mais avec des rendements moindres. Ce caractère unique, c’est ce qu’on veut faire découvrir. Et avec la marque Juste®, on garantit un prix lisible, juste, et une vraie transparence sur l’origine et la fabrication.
Un mot de conclusion ?
Le miel Juste, c’est une manière de sécuriser les débouchés, de mieux faire connaître notre métier, et de valoriser le travail fait sur le territoire. Il est temps de redonner au miel français, et à ceux qui le produisent, la place qu’ils méritent.