Au Concours général, de la vanille « Made in Breizh » digne des Outre-Mer

[SIA 2025] Prince de Bretagne présente ses premières gousses de vanille produites sous serre par trois maraichers des Côtes d’Armor. Pâtissiers et glaciers ont déjà fondu pour la gousse de Paimpol, moins exotique que les gousses réunionnaises par exemple mais pas moins savoureuses. Et en aucun cas rivales, bien au contraire.

Le changement climatique s’emballe-t-il au point d’envisager la production de vanille du côté de Lamballe, dans les Côtes d’Armor ? « La vérité, c’est que le dérèglement climatique affecte gravement la production de vanille à la Réunion, passée de 80 tonnes à 10 tonnes en dix ans », répond Hervé Gorieu. L’homme n’est pas Réunionnais mais Pampolais. Il est, avec Pierre Guyomar et Simon Le Coz, l’un des trois aventuriers de la vanille « Made in Breizh ».

La maîtrise expresse de l’itinéraire technique

La petite graine de vanille, ou plus exactement les plants in vitro, ont été importés, de La Réunion, en 2020, sous l’égide de l’AOP Cerafel, qui fédère trois coopératives des Côtes d’Armor  sous la marque collective Prince de Bretagne, dont les Maraichers d’Armor, à laquelle adhèrent les trois pionniers. Sa station expérimentale Terres d’essais lui réserve alors 200m2 mais les trois producteurs n’attendent pas les résultats et engagent chacun environ 5000m2. « A l’époque, j’avais 55 ans et je ne voyais pas attendre 4 ou 5 ans avant de me lancer », déclare Hervé Gorieu, pas (complètement) lassé de produire depuis quelques décennies des tomates sous serre mais galvanisé à l’idée de sortir des sentiers battus.

La vanille ne cache pas la forêt de légumes mais s’inscrit dans une logique de diversification et de segmentation de la marque Prince de Bretagne
La vanille ne cache pas la forêt de légumes mais s’inscrit dans une logique de diversification et de segmentation de la marque Prince de Bretagne

« Et surtout de continuer à exploiter des serres vieillissantes », précise-t-il. La vanille permet en effet de perpétuer des outils rendus moins performants par le temps pour rivaliser techniquement et économiquement avec les serres « cathédrale » actuelles. Pour autant, la prise de risque n’est pas négligeable. « Nulle part au monde on n’avait produit de vanille hors-sol sous abri, indique Pierre Guyomar, président de la section vanille de l’AOP. Quand on sait en prime que les Hollandais s’y étaient cassés les dents ». Impossible n'est pas breton.

Un partenariat « gagnant-gagnant » avec Pro Vanille à La Réunion

Le plant de vanille réclame 3 ans de croissance avant la première floraison et 18 mois supplémentaires avant la récolte, dont deux mois de pollinisation 100% manuelle et 9 mois de maturation des gousses sur pied. En 2023, les touffes sont magnifiques, le pari est en passe d’être gagné. Sauf que. « Pendant cette dernière phase, on a vu des pieds décliner », se rappelle Hervé Gorieu.

Willy Boyer (à gauche), président de la coopérative réunionnaise Pro Vanille et Marc Kerangueven, président du Cerafel
Willy Boyer (à gauche), président de la coopérative réunionnaise Pro Vanille et de Marc Kerangueven, président du Cerafel

C’est là que la coopérative de Bras-Panon, à la Réunion, à 9000km de la Côte de Granit Rose, entre en jeu, par photos interposées. « On avait mis en garde nos amis Bretons qui avaient fécondé un nombre trop important de gousses par pied, au risque de les épuiser, explique Willy Boyer, président de la coopérative Pro Vanille, présent au SIA avec une dizaine de producteurs réunionnais. Les Bretons ont dû se dire : "ça c’est des histoires créoles, on va passer outre" » . Outre-mer même. Les « princes » de Bretagne feront vite amende honorable et machine arrière et limiterons la casse.

Prince de Bretagne dispose de quelques centaines de kilos de vanille. Les néo-producteurs sont déjà à la manœuvre pour en faire la promotion
Prince de Bretagne dispose de quelques centaines de kilos de vanille. Les néo-producteurs sont déjà à la manœuvre pour en faire la promotion

Quelque temps auparavant, les trois néo-producteurs bretons s’étaient rendus à La Réunion pour apprendre de leurs confères créoles rompus à la production en sous-bois depuis bientôt deux siècles, grâce à la découverte par un certain Edmond Albius, esclave de son état, au mitan du 19ème siècle, du processus de pollinisation de l’orchidée. La science des Bretons intéresse en retour fortement les Réunionnais, confrontés au dérèglement climatique et qui se traduit là-bas par des saisons moins marquées, modifiant les courbes de température et de pluviométrie. « Or la vanille a besoin de stress pour venir à fleur, explique Willy Boyer. Depuis une dizaine d’années, nous développons des ombrières mais on n'a pas les manettes pour piloter ». A l’inverse des Bretons. Un échange de bons procédés qui va déboucher sur la création, sur l’Ile de l’Océan Indien, d’un centre technique dédié à la vanille. Un partenariat qualifié de « gagnant-gagnant » par les deux parties.

Un seul gagnant en perspective : la vanille, naturelle, et française!

Partenaires, les deux coopératives vont néanmoins se retrouver en compétition au Concours général agricole à Paris. Compétition n’est pas concurrence. « Nous ne sommes pas en situation de concurrence » énoncent en cœur les présidents des deux structures coopératives. « On ne trouve pas de vanille réunionnaise en métropole pour la simple et bonne raison que l’on commercialise l’intégralité de la production sur l’Ile », indique Willy Boyer. Un seul gagnant en perspective donc : la vanille, naturelle, et française!

De son côté, Prince de Bretagne fait dans l’humilité, avançant à pas comptés. L’orchidée se caractérise par son caractère pérenne et un tant soit peu disruptif avec la tomate, le chou-fleur ou l’artichaut. « La vanille s’inscrit dans une logique de diversification et de segmentation de notre offre et qui voit Principe de Bretagne sorti un nouveau produit ou une innovation tous les deux mois », affirme Marc Kerangueven, président du Cerafel. Commençons par vendre les quelques centaines de kilos que nous avons produites pour cette première récolte ». Il est vrai que l’accolage « vanille » et « Bretagne » ne tombe pas spontanément sous le sens. « Ici, au Salon de l’agriculture, l’intérêt des visiteurs est manifeste », se rassure Hervé Gorieu. Autre bon présage : parmi d’autres artisans pâtissier et glaciers, le pâtissier et collectionneur de vanille Paul Galand a adoubé la vanille « Made in Breizh ». « On est de bébés de la vanille », conclut Pierre Guyomar, qui rappelle que la vanille n’aime pas le soleil. Il ne faudrait pas non plus que le changement climatique coupe l’herbe sous le pied à l’orchidée de Paimpol.