Bambou : le levier vert pour sécuriser et diversifier ses revenus

Sur ses parcelles, Jérôme Sachot a troqué une partie de son blé et de son maïs pour une plante inattendue : le bambou. Conseillé par Christophe Downey, fondateur d’Horizom, il s’aventure sur un terrain encore peu exploré par les agriculteurs français. Le bambou peut-il apporter une plus-value pour le portefeuille des exploitants ?

Dans le bocage vendéen, à Moutiers-sur-le-Lay, une petite commune située à 30 min de La Roche-sur-Yon, Jérôme Sachot a repris l’exploitation familiale de 340 hectares, en polyculture-élevage. Déjà remarqué pour avoir introduit la vache Angus sur le territoire, il innove à nouveau en étant l’un des premiers à installer une bambouseraie dans la région sur l’une de ses parcelles de 17 hectares. 

L’hiver dernier a été très difficile pour les cultures. J’ai énuméré tous les inconvénients des cultures classiques : manque de résilience face aux aléas climatiques, travail répété des sols … J’ai donc cherché une diversification pour valoriser mon foncier", témoigne Jérôme Sachot. “J’ai été séduit par l’approche économique du bambou, décorrélée des marchés des cultures conventionnelles, soumises aux variations climatiques et géopolitiques, qui font fluctuer les prix. Mes cultures conventionnelles avec des potentiels de rendements moyens ne m’apporteraient pas ce niveau de revenu ni cette régularité", confie-t-il. 

Vers l'enracinement du bambou sur le territoire 

Cultiver du bambou en France peut sembler atypique, mais il commence à s'imposer peu à peu comme une alternative crédible. Ailleurs dans le monde, cette plante est déjà exploitée dans de nombreux domaines, en témoignent les échafaudages de plusieurs mètres en Asie ou encore dans la confection de meubles. “Aujourd’hui, il existe des variétés de bambous tempérés qui poussent très bien sous nos latitudes”, souligne Christophe Downey, cofondateur de l’entreprise française Horizom, créée en 2022 et spécialisée dans le développement du bambou. Les avantages sont nombreux : “le bambou permet de concilier impact environnemental et performance économique”, explique-t-il. Pionnière dans le secteur, Horizom ambitionne de développer, de produire de la biomasse et de valoriser le bambou auprès des industriels. Pour Jérôme Sachot, c’était aussi un moyen de tirer parti de parcelles qui n’étaient “ni bonnes ni mauvaises, autrefois cultivées en blé et maïs”. 

Un accompagnement clé en main

L’implantation de la bambouseraie est prise en charge par Horizom, de la sélection des parcelles à la plantation, en passant par la mise en place technique et la sécurisation du projet via des contrats de valorisation sur 20 ans. Pour Jérôme Sachot, cette sécurité a été décisive : "Le fait d’avoir un contrat sur plusieurs années pour la valorisation est très rassurant pour moi comme pour les partenaires financiers qui ont dû me suivre.” L’entreprise avance les fonds nécessaires pour couvrir les charges jusqu’aux premières récoltes. En effet, il faut attendre 8 ans avant de pouvoir récolter les premiers chaumes. “Si Horizom ne m'avait pas accompagné pendant les cinq premières années, si cela avait vraiment été des années blanches, je ne me serais pas lancé dans le projet”, reconnaît l’agriculteur vendéen. Autre avantage financier : Horizom s’occupe de la récolte avec ses propres machines. Les chaumes sont coupés, broyés en plaquettes directement sur place, puis acheminés vers les usines.

Un investissement initial pour une culture facile à vivre

Si l’implantation demande un investissement initial et un travail du sol plus profond qu’à l’accoutumée, l’entretien du bambou se révèle ensuite particulièrement simple. "Le sous-solage profond engendre des coûts matériels plus importants qu’une culture conventionnelle, mais c’est la dernière fois où l’on travaille le sol en profondeur” précise Jérôme Sachot. Mais je ne le ferai qu’une seule fois”. Ensuite, il s’agit principalement de surveiller la colonisation de la parcelle et de maintenir une bande de six mètres autour, broyée deux à trois fois par an pour éviter toute extension indésirable. 

Cependant, le bambou demande un investissement conséquent pour la mise en place d'une station de filtration destinée à l’irrigation au goutte-à-goutte, soit environ 4 000 €. “L'implantation du projet de bambou représente à peu près 10 000 euros par l'hectare sur mon exploitation, dont 6 000 € pour les plants”, résume Jérôme Sachot. “J’ai pu bénéficier de 12 000 € d’aides, car j'utilise l’eau de mes retenues collinaires ce qui réduit le gaspillage”. En revanche, la mise en place est à la charge et à la force des bras de l’agriculteur. Au loin, résonne le bruit d’une mini-pelle qui remblaie les galeries des canalisations. “Même mes enfants m’ont aidé à planter les bambous !"Cette culture présente aussi un avantage de taille : la période d’irrigation du bambou est décalée par rapport à celle du maïs, évitant ainsi la concurrence directe sur la ressource en eau au plus fort de l’été. 

Rémunération et valorisation 

 "On est sur une fourchette de 3 500 € brut par hectare à partir de la 8e année, avec environ 1 000 € de charges opérationnelles. Soit un EBE de 2 500 € par hectare”, estime Christophe Downey. Le bambou, ressource très similaire au bois, s’adresse aux mêmes marchés. Les plaquettes peuvent être transformées en différents produits : biomatériaux, panneaux isolants, papeterie, biomasse énergie… “Aujourd’hui, les industriels qui s'approvisionnent en bois sont confrontés à une forte concurrence d'accès. En étant un complément des plaquettes forestières, le bambou assure une rémunération pérenne pour les agriculteurs et sécurise l’approvisionnement de l’industrie sur le long terme”.

Les jeunes pousses de Jérôme Sachot commencent à sortir timidement de terre, tandis que les chaumes encore fines ploient sous la brise. D’ici huit ans, l’agriculteur ne verra plus ses vaches paître au loin, mais une forêt dense. Un peu d’Asie rapportée dans le bocage vendéen.