BCAE 8 : la réponse de la Commission européenne toujours en jachère

Soutenue par 21 Etats membres, la France porte, avec un certain insuccès, une demande d’assouplissement de la BCAE 8 relative au maintien de la biodiversité et à la jachère. La BCAE 8 est un bel anti-manuel de simplification (à l’européenne). A découvrir, bloqué dans un barrage...

A l’approche du deuxième (on aimerait écrire second) anniversaire de la guerre en Ukraine, le monde est-il plus sûr et la sécurité alimentaire mieux garantie qu’avant ? Pas sûr. Toujours est-il que la Commission européenne reste sourde à un demande d’assouplissement de la BCAE 8, une des conditionnalités aux droits aux paiements de base, ICHN, MAEC et aides à l’AB, en plus de cocher des cases de l’écorégime. En novembre dernier, le ministre de l’Agriculture avait porté, lors d’un Conseil des ministres européens de l’Agriculture une demande d’assouplissement de la BCAE 8.

La Pac et le Plan stratégique nation 2023-2027 intronisent les BCAE 8 (Bonnes conditions agricoles environnementales), imposant au moins 4% d’IAE et terres en jachères sur terres arables ou au moins 7% d’IAE, terres en jachères, cultures dérobées et fixatrices d’azote dont au minimum 3% d’IAE et terres en jachères. Pour les campagnes 2022 et 2023, la Commission européenne autorise les Etats membres à appliquer des dérogations concernant les conditionnalités BCAE 7 et BCAE 8.

"Demander dans le cadre de la BCAE 8 de geler 4% de notre surface agricole, c’est comme demander à un chef d’entreprise de réduire son chiffre d’affaires de 4%"

Ce à quoi elle se refuse pour la campagne 2024, en se fondant notamment sur les règlements interdisant la reconduite dans les mêmes termes de telles dérogations et sur l’évolution du contexte, caractérisé par une baisse sensible cours des grains. Ce qui a le don d’attiser un peu plus la colère des agriculteurs, qui s’exprime cette semaine dans la plupart des départements. « Demander dans le cadre de la BCAE 8 de geler 4% de notre surface agricole, c’est comme demander à un chef d’entreprise de réduire son chiffre d’affaires de 4% », déclarait mi-janvier Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA, précisant, au besoin que « la sécurité alimentaire et l’autonomie » restaient des sujets « majeurs ».

Tenant compte du cadre réglementaire, le ministère de l’agriculture a proposé, en novembre dernier, un entre-deux consistant à conserver le ratio de 7% d’éléments favorables à la biodiversité sur les terres arables, sans respecter la part minimale de terres mises en jachères ou d’éléments non productifs mais en implantant des cultures dérobées et/ou fixatrices d’azote, et sans produits phyto. Selon le ministère de l’Agriculture, la Commission est jusqu’à présent restée sourde à cette requête, à laquelle la France affirme avoir rallié 21 Etats membres.

La BCAE8 ou l’aiguille dans le bosquet

Le respect de cette conditionnalité, rigoureusement indispensable au regard des enjeux financiers dont elle est porteuse, est une bonne illustration de la complexité du métier. Ci-dessous, un extrait du règlement Pac régissant la BCAE 8. A lire, bloqué dans un barrage....

Le respect d’une part minimale des terres arables consacrée aux éléments favorables à la biodiversité

L’agriculteur choisit au moment de sa déclaration entre deux options pour satisfaire cette exigence selon qu’il décide de la respecter au moyen des seules infrastructures agroécologiques (IAE) ou terres en jachères de son exploitation ou de comptabiliser également des cultures dérobées et/ou des cultures fixatrices d’azote :

 → Option 1 Taux minimal de 4 % des terres arables dédié à des infrastructures agroécologiques (IAE) et terres en jachère.

→ Option 2 Taux minimal de 7 % des terres arables dédié à des infrastructures agroécologiques (IAE) et terres en jachères et à des cultures dérobées et/ou des cultures fixatrices d’azote, sur lesquelles aucun produit phytosanitaire n’est utilisé. Dans ce cas, il reste pour autant nécessaire de respecter un taux de 3 % de terres arables dédié à des infrastructures agroécologiques (IAE) et terres en jachère.

Douze types d’éléments favorables à la biodiversité peuvent être mobilisés pour respecter le taux attendu au titre des IAE et terres en jachères. Chaque élément est en outre assorti d’un coefficient de pondération selon son intérêt environnemental, Ces éléments, définis précisément dans une fiche intitulée « les éléments topographiques », sont les suivants :

BCAE 8 : les équivalences en surfaces des infrastructures agroécologiques (IAE) et terres en jachère (Source : ministère de l’Agriculture)
BCAE 8 : les équivalences en surfaces des infrastructures agroécologiques (IAE) et terres en jachère (Source : ministère de l’Agriculture)

Le maintien des éléments topographiques

Les mares et les bosquets de moins de 50 ares ainsi que les haies de moins de 10 mètres de large, dont l’agriculteur a la responsabilité, doivent être maintenues, afin de préserver la biodiversité. La coupe à blanc des haies et les bosquets en dehors de la période du 16 mars au 15 août est autorisée ainsi que l’exploitation du bois et le recépage. Les coupes à blanc sont toutefois strictement encadrées par la réglementation et une repousse végétative doit être présente l’année suivante. À titre exceptionnel et dans des cas spécifiques définis au niveau national, des destructions et des déplacements pourront être autorisés sous réserve de déclaration préalable

L’interdiction de taille des arbres

Il est désormais interdit de tailler et/ou de couper les arbres et les haies pendant la période de nidification et de reproduction des oiseaux entre le 16 mars et le 15 août. Pour les DOM, la période est adaptée à la faune locale et établie par le Préfet. L’interdiction porte sur les éléments topo-graphiques que sont les haies, les bosquets, les arbres isolés et les alignements d’arbres figurant sur le parcellaire de l’exploitation.

Quels sont les agriculteurs concernés ?

Tous les agriculteurs sont soumis au maintien des particularités topographiques et à l’interdiction de coupe des arbres et des haies pendant la période de nidification. Le respect de la part minimale d’éléments favorables à la biodiversité ne s’applique pas aux exploitations présentant au moins une des caractéristiques suivantes :

• la surface en terres arables de l’exploitation est inférieure à 10 ha

• la surface en prairies temporaires et/ou en jachère et/ ou en légumineuses représente plus de 75 % des terres arables de l’exploitation

• la surface en herbe (prairies permanentes et/ou temporaires) et/ou en riz représente plus de 75 % de la surface agricole utile de l’exploitation.