BIO : Dartrose, une maladie de présentation à surveiller

La dartrose peut toucher la majorité des parcelles où de la pomme de terre est cultivée. Cette maladie est considérée en recrudescence mais il y a assez peu de chiffre objectif sur sa fréquence. Ceci est peut-être la conséquence de symptômes visibles souvent assez tard et confondants avec d’autres maladies. Partons à la découverte de ce champignon, plus commun qu’il n’y paraît.

Une maladie superficielle qui impacte peu le rendement mais bien le prix

L’agent infectieux de la dartrose est Colletotrichum coccodes, un champignon tellurique ascomycète qui peut attaquer au moins 109 espèces végétales. Tout comme la gale argentée et le rhizoctone, la dartrose fait partie des maladies de présentation, aussi appelées maladies superficielles. La conséquence majeure de ces maladies cryptogamiques est la détérioration de la qualité visuelle des tubercules.

Dans le cas de la dartrose, des points noirs parsèment la peau des tubercules de pommes de terre infectées : ce sont des microsclérotes, forme de conservation du champignon. Bien que le rendement ne soit pas grandement affecté, la diminution de la qualité visuelle des tubercules conduit à une chute du prix.

Symptômes de dartrose sur tubercule de pomme de terre.

 

Des racines jusqu’aux feuilles : une contamination à partir du sol

L’inoculum de Colletotrichum coccodes vient principalement du sol. L’infection de la plante se fait en premier par les organes souterrains comme les racines. Le mycète se propage des parties souterraines aux parties aériennes au cours de la culture.

Au champ, des symptômes de « flétrissement » apparaissent généralement par foyer, mais ce ne sont pas les plus fréquents (fortes attaques). Etant une maladie de faiblesse, les plants carencés et stressés sont plus facilement attaqués.

Une fois les tissus infectés, le pathogène forme des microsclérotes, forme de conservation du champignon, et des acervuli, structures de dispersion des spores par voie aérienne. Les sclérotes sont potentiellement présents sur tous les organes de la plante.

L’impact de la transmission aérienne sur le dynamisme de la maladie semble négligeable, contrairement à la chute des débris végétaux porteurs de sclérotes qui participe à accroitre l’inoculum dans le sol.

Une explosion des symptômes au défanage

Il y a souvent une explosion des symptômes au défanage, ou lors de la senescence des plants lorsqu’elle le précède, car le champignon est dans des conditions optimales pour se développer (plantes stressées et conditions climatiques potentiellement plus favorables).

Les symptômes de la dartrose sur tubercules peuvent aussi apparaître seulement plusieurs mois après l’infection, également après récolte. Même si la température optimale pour le pathogène se situe autour de 22°C, la maladie continue de se développer durant le stockage. Les températures aux alentours de 5°C ralentissent son développement mais ne le stoppent pas.

Ne pas confondre la dartrose avec d’autres maladies

Avant tout traitement ou moyen de lutte directe, un diagnostic est nécessaire. Le symptôme caractéristique de la dartrose est la présence de points noirs sur la peau du tubercule, d’où son nom, « black dot », en anglais. Cependant, il peut être difficile de la différencier des autres maladies de présentation. Mettre des échantillons de tissus contaminés en chambre humide permet d’observer plus tard les structures biologiques du champignon à la loupe binoculaire. L’observation de points noirs indique la dartrose alors que l’observation de conidiophores et de conidies, structures de dispersion des mycètes, est révélatrice de la gale argentée.

Moyens de lutte : savoir jongler entre prophylaxie et lutte directe

Différents moyens de lutte existent contre la dartrose :

- Construire des rotations longues (au moins 5 ans), en évitant les couverts et cultures qui peuvent être hôtes de la dartrose.

- Avoir une bonne gestion de la repousse des pommes de terre et des adventices potentiellement vectrices de la dartrose.

- Diminuer le délai entre le défanage et la récolte, le risque augmentant avec celui-ci.

- Eviter une hygrométrie et des températures trop élevées lors de la conservation.

- Utiliser un traitement à l’azoxystrobine en raie de plantation. Cette strobilurine homologuée à 3 l/ha présente une efficacité comprise entre 50 et 90 %, en fonction des souches de Colletotrichum coccodes et de la qualité des réglages de pulvérisation.

De plus, réaliser un défanage par arrachage de fanes pourrait se révéler efficace étant donné que les débris végétaux infectés sont vecteurs de la maladie. Cependant il n’y a pas de références à ce sujet.

Où en est la recherche ?

Selon une étude britannique, le risque de dartrose est bien relié à la quantité d’inoculum dans le sol mais pas de manière linéaire. D’autres paramètres influencent l’impact de la maladie, comme le cultivar, la durée de culture, l’irrigation…

Du reste, la présence de l’agent infectieux sur une parcelle n’est pas suffisante pour que la maladie se déclare. Il faut, entre autres, que le sol soit « réceptif », autrement dit, que l’environnement qu’il offre permette le développement du champignon et l’infection de l’hôte.

Malgré tout, d’après une étude menée par ARVALIS en 2019, sur 93 parcelles réparties sur la zone de production de la pomme de terre, seulement 3 parcelles ne présentaient pas d’inoculum de la dartrose. Ce résultat confirme la présence d’un inoculum peu limitant de cette maladie dans toutes les régions étudiées.

Par ailleurs, la qualité sanitaire des plants ne semble pas être une cause majeure dans la dynamique de la maladie en France. En effet, en 2019, dans la grande majorité des cas, les plants qui ont été analysés étaient sains.

Les études sont en cours pour bien préciser les différents facteurs de risques et les hiérarchiser afin de pouvoir, à terme, proposer une grille de risque selon le potentiel infectieux du sol.

Des essais ayant pour objectif d’évaluer la résistance des variétés face au risque de dartrose ont été mis en place et sont prometteurs. La génétique pourrait être un levier supplémentaire dans la lutte intégrée contre la dartrose de la pomme de terre. A noter qu’une variété précoce est probablement plus vulnérable qu’une variété tardive car elle reste plus longtemps dans le sol.

Romain VALADE (ARVALIS - Institut du végétal)