Brexit : un chamboulement encore plein d'inconnues pour les agriculteurs britanniques

Après quatre ans et demi de négociations, l'Union européenne et le Royaume-Uni ont finalement conclu un accord sur leur politique commerciale post-Brexit. L'accord prévoit un traité de libre-échange sans quota ni droits de douane, un soulagement face aux craintes que suscitait un "no deal" pour les filières import-export. Mais pour les agriculteurs britanniques, c'est aussi la fin de la PAC.

A part quelques beuglements, le silence règne sur l'exploitation de David Exwood, éleveur dans le sud-est de l'Angleterre. Ce calme apparent masque les vives tensions qui traversent le secteur agricole, de très près concerné par le grand chamboulement du Brexit. "L'important avec le Brexit, c'est vraiment de limiter les dégâts", explique David Exwood, propriétaire d'un millier d'hectares vallonnés et de vaches sussex, à la robe brune caractéristique. "Il porte atteinte à notre réputation comme pays, à notre économie. Maintenant, je dois juste essayer d'empêcher qu'il nuise à mon activité."

Depuis que les Britanniques ont voté à 52% pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne lors du référendum de juin 2016, les agriculteurs britanniques s'interrogent sur leur avenir. Mais jusqu'à ces tous derniers jours, ils étaient laissés dans le flou sur l'instauration éventuelle dès le 1er janvier de droits de douane à l'exportation ou sur les changements en matière de subventions agricoles, qui relevaient jusqu'ici de la Politique agricole commune (PAC) européenne.

Une partie de la réponse leur a été fournie le 24 décembre avec la signature d'un accord de libre-échange sans quota ni droits de douanes entre Londres et Bruxelles, qui jusqu'à la fin ont brandi la menace d'un échec. Parallèlement, les Européens ont donné le feu vert sanitaire aux importations des produits d'origine animale du Royaume-Uni (plus de 5 milliards d'euros annuels), désormais soumises à un certificat vétérinaire.

Avec ses 600 têtes de bétail et 800 hectares de cultures arables, David Exwood était relativement moins exposé au risque d'un échec des négociations avec Bruxelles. Son bœuf est vendu au Royaume-Uni. Les éleveurs de moutons, par exemple, sont moins bien lotis, exportant presque un tiers de leur viande vers l'Union européenne. Jusqu'au bout, ils ont craint que leur marché ne se volatilise du jour au lendemain à la fin de l'année.

Mais l'accord conclu le 24 décembre ne résout pas toutes les questions, selon David Exwood. "Nous nous sommes préparés autant que possible", explique-t-il. "Nous sommes au courant pour la paperasse, les coûts supplémentaires, les retards dans les ports. Mais ce sont les choses que nous ignorons qui nous feront probablement le plus de mal."

Plus d'environnement

Au-delà des nouvelles formalités commerciales, les agriculteurs doivent aussi se familiariser avec la nouvelle politique de subventions définie par le gouvernement britannique et qui constitue, selon Londres, le changement le plus profond pour le secteur en 50 ans. Finies, les subventions attribuées de manière proportionnelle à la taille de l'exploitation ou du cheptel : elles seront réduites de moitié d'ici à 2024 puis supprimées en 2028. Les versements iront aux agriculteurs respectueux de l'environnement en préservant l'habitat naturel, en veillant au bien-être de leurs animaux ou en réduisant leur usage de pesticides.

C'était "vraiment la bonne" décision à prendre, estime Richard Benwell, un ancien conseiller du gouvernement en matière d'environnement et directeur général de la coalition d'associations environnementales Wildlife and Countryside Link. Elle devrait entraîner, selon lui, une réduction de la taille des cheptels de bétail en Angleterre, ainsi que la plantation de plus d'arbres et de haies sur les terres cultivées après le Brexit. "Au lieu d'intensifier la production dans les zones agricoles, nous intégrons mieux la nature dans l'environnement agricole", résume-t-il.

Mais dans le secteur, certains ont du mal à y voir clair, au-delà de ces déclarations d'intention. "Nous ignorons en quoi consistent ces projets. En gros, on dit aux exploitations de changer et se préparer à un nouveau régime, mais nous ignorons en quoi ce nouveau régime consiste", souligne Claire Robinson, de l'Union nationale des agriculteurs (NFU). "Ce sont des intentions bienveillantes, quand ils disent qu'ils vous soutiendront pour faire du bien à l'environnement, mais en fait, on ne sait toujours pas si c'est viable", ajoute-t-elle. 

Dans sa ferme, David Exwood abonde. "On ne sait toujours pas vraiment ce qu'est la politique du gouvernement. Ils nous ont donné une indication, mais pas de feuille de route", déplore-t-il.