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Céréales à paille : rester vigilant vis-à-vis des limaces
Alors que les parcelles d’orge et de blé tendre ont commencé à lever, les premières attaques de limaces sont signalées. Le risque encouru va dépendre de plusieurs paramètres. Avant d’agir, une surveillance fine est à prévoir, par piégeage ou par observation directe.
Les limaces, un bioagresseur de printemps et d’automne
Plusieurs limaces peuvent être rencontrées dans les parcelles : les grises et les noires.
Ces mollusques polyphages vivent dans des abris souterrains et se déplacent via des galeries. Les cycles biologiques de ces espèces peuvent être décalés selon les populations, conduisant à des adultes au printemps ou à l’automne.
Chez la limace grise Deroceras reticulatum, deux cycles biologiques se distinguent (figure 1) :
• Une ponte à l’automne avec éclosion des œufs au printemps, conduisant à des populations d’adulte à l’automne. Cela correspond à la majorité des individus.
• Une ponte en fin d’été et éclosion à l’automne, avec les limaces juvéniles passant l’hiver, et les populations adultes présentes au printemps.
C’est l’espèce la plus couramment observée en parcelles et la plus mobile, dont l’activité est principalement nocturne. En revanche, par temps couvert, il est possible de l’apercevoir de jour. A noter que dans une minorité de cas, des populations de limaces grises peuvent pondre au printemps, passer l’année sous forme juvénile et atteindre l’état de limace adulte le printemps suivant (cycle proche de la limace noire).
Figure 1 : Cycle biologique des limaces grises et noires au champ
Bien que moins fréquentes, des attaques de limaces noires (Arion hortensis et Arion distinctus), espèces annuelles, peuvent également survenir dans les parcelles. Les adultes sont en général présents au printemps, mais, comme pour la limace grise, certaines populations ont des cycles décalés, conduisant à des adultes à l’automne. Elles sont plus difficiles à observer car leur activité est quasi-exclusivement souterraine étant donné que ce sont des espèces lucifuges, craignant la lumière.
On peut donc retenir qu’en général, les limaces grises surviennent à l’automne et les limaces noires au printemps, mais pas toujours ! Il est donc important de connaître le type présent dans les parcelles avant toute intervention.
Le rôle du précédent et de l’interculture
Certains systèmes de culture sont particulièrement sensibles aux limaces. Les rotations incluant du colza ou de légumineuses sont considérées comme les plus à risque, car ce sont des cultures très appétentes. Malgré des différences entre espèces, les céréales à paille sont également assez appétentes pour les limaces (tableau 1).
Tableau 1 : Appétence et sensibilité des céréales à paille vis-à-vis des limaces
L’implantation de cultures intermédiaires ou les repousses du précédent maintiennent une certaine humidité du sol et fournissent une source de nourriture aux limaces, favorisant le maintien des populations. A noter que certains couverts d’interculture sont considérés comme peu appétents, comme la moutarde ou la phacélie.
L’un des leviers agronomiques mobilisables dans la lutte contre les limaces est le travail du sol. Le labour enfouit les populations en profondeur mais ne les détruit pas. En revanche, les opérations de déchaumage après récolte sont efficaces en période sèche, en exposant les œufs à la surface.
Enfin, une implantation de qualité de la semence (sol fin, rappuyé, sans mottes) permet de limiter l’intensité des attaques, en complexifiant l’accès des graines aux limaces.
Quelle nuisibilité en attendre ?
L’activité des limaces dépend fortement des conditions climatiques : l’hygrométrie, des températures moyennes entre 9 et 16°C et les sols humides augmentent leur mobilité. Au contraire, par temps sec ou plus frais, elle se réduit : en dessous d’environ 5°C, les limaces ont tendance à migrer dans le sol en attendant des conditions plus propices. Le retour des pluies régulières et de températures douces ces dernières semaines leur sont favorables. Les conditions prévues pour les prochains jours (pluies en fin de semaine) permettront probablement de maintenir la pression de ces bioagresseurs sur les cultures.
Les céréales à paille sont sensibles de la levée jusqu’au stade 3-4 feuilles. Ensuite, les plantes arrivent tout à fait à compenser les dégâts occasionnés. L’attaque est d’autant plus préjudiciable qu’elle est précoce : le cas le plus problématique est l’attaque des semences, germées ou non, ou des jeunes plantules, causant des pertes à la levée. Ainsi, les situations en semis direct ou de graines mal enterrées sont autant de facteurs de risque supplémentaires pouvant causer des pertes de pieds.
La protection des cultures à court terme
Le risque peut être estimé par observation (quand le sol est humide, à l’aube par exemple) ou par piégeage. Le piégeage doit toujours être réalisé en conditions humides pour être représentatif de l’activité des limaces. Le niveau de captures peut être très variable selon les conditions de la mesure (heure de la journée, répartition dans parcelle). Si possible, la pose du piège doit intervenir en soirée, qui doit être relevé le lendemain matin. Le piégeage précoce est conseillé (dans la culture précédente, l’interculture et au moins trois semaines avant le semis) et doit se poursuivre à proximité du semis. Des conditions sèches limitent les observations, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de limaces. Un piégeage ponctuel est insuffisant : il est impératif d’assurer un suivi avant et après la levée de la culture.
En cas d’observation ou de piégeage de limaces, il est conseillé de se référer à la grille suivante avant toute intervention afin d’estimer le risque parcellaire (figure 2). Dans tous les cas, aucune intervention ne se justifie après le stade 3-4 feuilles.
Figure 2 : Grille de décision et seuil d’intervention contre les limaces (CASDAR RESOLIM)
Deux substances actives sont aujourd’hui homologuées pour la lutte chimique : le métaldéhyde et le phosphate ferrique. Il est nécessaire de soigner l’application pour appliquer la bonne dose de façon homogène. L’épandage de granulés en plein, 4 à 5 jours après le semis, donne les meilleurs résultats en situation de traitement unique et dans le cas d’attaques par des limaces grises, car celles-ci se déplacent en surface. En présence de limaces noires, il est conseillé d’appliquer les granulés dans la raie de semis, en plus du traitement en plein, car elles sont essentiellement dans le sol. Veiller à respecter la réglementation en vigueur : ne pas épandre des granulés en zones non traitées (5 m en bordure de point d’eau). En cas de doute, se référer à l’étiquette du produit.
La gestion des populations de limaces se raisonne à l’échelle du système de culture
Si la lutte phytosanitaire permet de protéger la culture, elle n’est pas suffisante pour diminuer les populations. En cas de fortes infestations, il conviendra de mobiliser sur plusieurs années les méthodes agronomiques adaptées, voire de modifier le système de culture pour diminuer petit à petit les populations de limaces.