Chiens de protection : non au statut, oui à des aménagements réglementaires

C’est la conclusion d’un rapport du CGAAER, qui préconise une adaptation de la législation sur les ICPE, ainsi que la structuration de la filière « chiens de protection », le tout pour déjouer l’insécurité juridique liée aux accidents et renforcer l’acceptabilité de cette technique de protection contre la prédation.

« La définition d’un statut du chien de travail n’apparaît pas comme une réponse adaptée » : telle est la conclusion d’une mission du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER). Commandité par le ministère de l’Agriculture, le rapport questionnait le cadre juridique entourant les chiens de protection des troupeaux, dont la population augmente avec la colonisation du loup, générant potentiellement des risques d’accident, du fait de l’agressivité des chiens, et des conflits de voisinage dus aux nuisances sonores, la prédation n’étant plus, depuis longtemps, l’apanage des alpages sous-peuplés.

Répondre au sentiment d’insécurité juridique

Le rapport ne nie pas le « sentiment d’insécurité juridique » des éleveurs qui engagent leur responsabilité civile et « surtout » pénale pour les dommages causés aux tiers, une question « régulièrement posée ». Mais il écarte l’idée de créer un statut des chiens de travail ou même des chiens de protection, au motif qu’il ne répond pas à une carence du droit. « Cette voie semble complexe et hasardeuse juridiquement en sus d’être inefficace pour répondre aux réelles préoccupations des utilisateurs de chiens de protection des troupeaux », lit-on dans le rapport.

Ce qui n’empêche pas le CGAAER de pointer une autre lacune juridique, résidant dans la règlementation relative aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Les élevages détenant 10 chiens et plus âgés de 4 mois sont en effet soumis au régime de la déclaration, un seuil de plus en plus souvent atteint en additionnant les chiens de conduite du troupeau, les éventuels chiens de chasse et d’agrément. Pour le CGAAER, cette réglementation, « pas appliquée dans les faits » est « inadaptée » car source d’insécurité juridique. Il propose d’en exclure les chiens de protection, une mesure « dont la légalité semble pouvoir être défendue ».

En revanche, en ce qui concerne les nuisances sonores générées par les aboiements, le CGAAER estime que la modification du droit applicable en la matière est « difficilement envisageable » et s’en remet à l’édition d’un guide facilitant le rôle de médiation des maires, pour désamorcer les tensions et les conflits, tant sur le plan humain que juridique.

Le rapport préconise par ailleurs de rendre les évaluations comportementales des chiens de protection éligibles à l’aide à la protection des troupeaux. Inscrites dans le Code rural, ces évaluations, décrétées par le maire ou le préfet à l’encontre d’un chien suspecté d’être dangereux, peuvent « contribuer à atténuer les tensions sur le terrain en rassurant les protagonistes, dont l’éleveur lui-même, sur l’absence de dangerosité d’un chien », sous réserve de disposer de suffisamment de vétérinaires comportementalistes.

Institutionnaliser la filière des chiens de protection

Au-delà des adaptations réglementaires, la mission préconise de renforcer et d’accompagner la structuration de la filière, jugée comme « déterminante pour sécuriser juridiquement les éleveurs et les bergers dans leur travail avec les chiens de protection des troupeaux ». Par structuration, le CGAAER entend l’amélioration du travail des chiens d’une part, et les efforts de communication, de sensibilisation et d’éducation à l’action de ces chiens d’autre part. La mission appelle ainsi les services de l’Etat à poser un cadre « conventionnel, unifié, robuste et approfondi », entre les deux acteurs de la filière que sont l’Institut de l’élevage et l’association La pastorale pyrénéenne, assorti d’objectifs et de moyens. Le projet de Charte nationale de bonnes pratiques d’élevage des chiots destinés à la protection des troupeaux en serait le fil conducteur. La mission recommande d’inciter les éleveurs à utiliser des chiens élevés conformément aux bonnes pratiques d’élevage établies par la filière institutionnalisée, par le biais d’une modulation de l’aide à la protection des troupeaux.

Parmi les prérogatives de la filière figurerait une mission de médiation auprès des élus locaux dans le règlement des conflits, ce que La Pastorale pyrénéenne a initié avec des membres dédiés. « Une initiative qui doit être encouragée et soutenue financièrement », préconise le rapport.