Compétitivité des filières (4/10) : le poulet se fait pilonner

Les filières des volailles de chair connaissent depuis plusieurs années une dégradation de leur compétitivité que ce soit sur le marché national ou à l’exportation. La montée en puissance des attentes sociétales, le manque d’investissements, ou la faible capacité exportatrice sont autant de défis que le secteur devra relever pour répondre à la demande croissante de viande de volailles en France et dans le monde.

Dans le secteur des viandes et des préparations de poulet, 2013 marque un point de rupture pour la filière française. 2013, c’est l’année où la Commission européenne met fin au système de restitutions aux exportations vers les pays tiers. La décision a pour effet de révéler notre déficit de compétitivité par rapport à des concurrents tels que le Brésil et l’Ukraine, sur une filière spécialisée dans la production de poulets entiers congelés.

Dans le même temps, l’intégration des Pays d’Europe centrale et orientale à l’UE conduisent à la spécialisation de certains États membres, notamment la Pologne, qui produit et exporte des découpes et préparations de poulet à des prix très compétitifs. Des pays comme la Belgique et les Pays-Bas achèvent de pilonner notre filière en se dotant d’une industrie abattage-découpe très compétitive.

Résultat : tous les indicateurs économiques de la viande de volaille se dégradent, qu’il s’agisse du taux d’auto-approvisionnement (rapport production/consommation), qui passe de 145% en 1990 à 95% sur la période 2015-2019, du taux de couverture de la consommation par la production nationale (de 90% à 65%), de la capacité d’exportation (de 38% à 23%) et enfin de la dépendance aux importations (de 8% à 35%).

Tels sont les constats dressés par FranceAgriMer dans une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, décryptant les ressorts de compétitivité de l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires, et à laquelle ont été associés tous les maillons de la chaine.

Outils et habitudes de production obsolètes

Parmi les facteurs explicatifs, les acteurs de la filière pointent le sous-investissement affectant tous les maillons de la chaine, y compris la recherche et développement et le marketing (nouveaux produits). La France dispose d'un parc de bâtiments et d'outils industriels globalement vieillissants. Les élevages comptent majoritairement de bâtiments de taille réduite (2 500 m2) quand le reste de l’Europe voit double ou quadruple.

La productivité du mètre carré en France est l'une des plus basses qui puisse exister : 20 à 25% de moins en poulet standard classique que chez autres pays UE. Le fait de disposer de bâtiment amortis ne pousse pas la productivité. L’allongement la durée de vie des poulaillers peut finir de les rendre inaptes aux productions conventionnelles (normes / densité) et les faire basculer sur des productions moins exigeantes sur le plan techniques. Les vides sanitaires trois fois plus longs (15 jours contre 5) sont considérés comme obsolètes.

L’impact des découpes et de l’équilibre carcasse est aussi pointé. Le marché français est très orienté vers des pièces anatomiques (filets, cuisses) et beaucoup de poids fixe, donc la production doit respecter des calibres, ce qui explique la plus petite fréquence des enlèvements multiples et la différence de compétitivité au mètre carré.

S’agissant des outils industriels, ils peinent à répondre à de grosses commandes. Vis-à-vis de la Chine, le France pêche par le nombre de sites autorisés (4 sur 6).

Concurrence déloyale

Ces handicaps franco-français sont d’autant plus malvenus que la filière avicole fait face à un environnement concurrentiel particulièrement agressif, voire déloyal. Elle s’estime sacrifiée par rapport à d’autres secteurs industriels lors des négociations sur les accords de libre-échange et mal protégée par l’Union européenne s’agissant des importations (quotas, droits de douanes) du fait que les produits importés ne respectent pas les mêmes règles. Autre reproche adressé à l’UE : l’absence de dispositifs de soutien et notamment d’organisation commune de marché pour la filière volailles.

En France, la filière déclare souffrir du manque de reconnaissance des pouvoirs publics et des politiques, la production hors-sol générant un sentiment de méfiance. Les attentes en terme de bien-être animal sont croissantes mais difficiles à en faire accepter le prix.

Reconquête du marché intérieur

Avant de songer à l'export, et notamment les pays tiers, où la France n’est pas compétitive, en dehors de son marché historique du proche et Moyen Orient, la filière souhaite se focaliser sur son marché intérieur plus rémunérateur. La valeur des produits importés est en effet bien supérieure à celle des produits exportés, les exportations correspondant à des niches ou à de l'écoulement des coproduits, ces derniers étant toutefois vitaux pour l’équilibre et la compétitivité des carcasses.

La reconquête du marché intérieur doit notamment passer la systématisation de l’affichage de l’origine des produits, jugée incitative.