Compétitivité des filières (9/10) : le cochon pas tout bon

En dépit d’une embellie en 2020, la filière porcine est structurellement déficitaire, sous l’effet d’un déséquilibre entre l’exportation de produits bruts et l’importation de produits transformés. Le manque de rentabilité et le sous-investissement pénalisent la filière, qui profite néanmoins des effets de la demande chinoise.

« Avec un solde positif de 80 millions d’euros, l’année 2020 apparaît dès lors comme exceptionnelle. Cette situation s’explique par des importations et des exportations toutes deux en progression, mais dans des proportions différentes, de respectivement + 2 % et + 10 %, et surtout par le fort niveau de prix observé généralement. Les exportations de viandes fraîche, réfrigérée et congelée se sont réduites de 1,5 % en volume, mais ont progressé de 6 % en valeur. L’évolution favorable observée en 2020 apparaît donc plus conjoncturelle que structurelle ». Tel est le constat dressé par FranceAgriMer qui passe en revue, filière par filière, les facteurs de dégradation du solde commercial et compétitivité du secteur agroalimentaire.

S’agissant de la filière porcine, l’établissement public pointe un déséquilibre structurel dans les produits échangés, avec des exportations portant plutôt sur des matières brutes, et des importations portant plutôt sur des produits transformés ou semi-transformés. La balance commerciale française sur l’ensemble des produits porcins s’est ainsi montrée, ces dernières années, régulièrement déficitaire.

La peste porcine rebat les cartes

En 2020, la production mondiale porcine s’établit à 106,5 millions de tonnes, en baisse pour la deuxième année consécutive (- 2,7 % sur un an, après - 9,2 % en 2019) du fait de l’épizootie de peste porcine africaine (PPA) qui sévit notamment en Asie. Apparue en Chine en août 2018, la PPA s’est propagée en 2019 au reste de l’Asie, décimant une part importante de son cheptel porcin et conduisant à la chute de 28% sa production. En raison des difficultés à juguler l’épizootie, la pénurie de viande de porc perdure en Chine : en 2020, la production (39 millions de tonnes) est toujours inférieure à celle de 2018 (54 millions en 2018). Pour couvrir ses besoins, le pays recourt notamment aux importations de viande de porc. Hormis l’Allemagne, dont l’accès au marché chinois a été fermé fin 2020, suite à l’apparition de la PPA sur son territoire en septembre 2020, l’ensemble des pays de l’UE a profité de la hausse des achats chinois. L’UE est ainsi devenue le principal exportateur mondial de viande porcine, devant les États-Unis et le Canada.

Une production tournée sur le marché intérieur

Les importations et exportations mondiales de produits porcins sont en croissance depuis les années 2000. Du côté des exportations de produits porcins, la France se situe en dixième position mondiale en 2018. Parmi les 11 principaux exportateurs, 9 ont vu leur part augmenter entre 2010 et 2018, notamment les États-Unis, l’Allemagne et l’Espagne. Les deux seuls pays en perte de parts de marché étant le Danemark et la France.

La dépendance de la France aux importations de produits porcins est de 27 % en 2019, après avoir atteint un maximum de 30 % en 2013 et 2014. Le taux d’auto-approvisionnement (ratio entre production et consommation en tonnes équivalent carcasse, tous produits porcins confondus) reste supérieur à 100 % (106 % en 2019). Le taux de couverture de la consommation par la production nationale, progressant à 76 % en 2019, et la capacité d’exportation (de l’ordre de 22 %) témoignent d’un modèle de production français majoritairement tourné vers le marché intérieur. « Dans le secteur de la viande, une des caractéristiques est que les entreprises françaises les plus importantes (Bigard en viande bovine ou Cooperl en viande porcine) ont une taille plus faible que celle des leaders mondiaux, chinois, américains et brésiliens, relève FranceAgriMer. Elles sont aussi beaucoup moins internationales que les grands groupes hollandais (Vion), danois (Danish Crown) ou espagnols (Campofrio) ».

Sous-investissement industriel

Côté aval justement, l’analyse de FranceAgriMer, partagée avec les professionnels, pointe le manque d’une capacité de surgélation (tunnels) et de stockage (entrepôts), jugés indispensables pour permettre de réguler l’offre française en lien avec les évolutions de la demande mondiale, pour mieux capter des hausses de prix et ne pas être obligé de travailler en flux tendu. S’agissant de la Chine en particulier, débouché majeur avec l’Italie et la Grande-Bretagne, l’obtention des agréments sanitaires est déterminante en terme de valeur et donc de rentabilité, de capacité d’investissement et de compétitivité. Ce faisant, la conquête du marché chinois a été bien réalisée ces dernières années sous l’effet d’investissement logistiques et humains, moyennant la mise en garde suivante : « la fièvre porcine africaine aura une fin et il est important de conserver des marchés alternatifs, pour ne pas risquer de reproduire la dépendance des années 2000 avec la Russie ».

Normes environnementales et attractivité

Côté amont, plusieurs problématiques sont pointées, à commencer par les distorsions de normes entre pays européens et pays tiers, quand la sur-réglementation n’est pas à l’œuvre. C’est ainsi que la réglementation environnementale et sanitaire nationale, ainsi que les entraves aux autorisations sous l’effet de recours à retardement, bloquerait les nouvelles installations et dissuaderait les jeunes.

Le manque de rentabilité porte en germe des difficultés de renouvellement des éleveurs, qu’aggrave l’image négative des métiers de la viande, en amont comme en aval, avec en filigrane le risque d’une perte de production à moyen et long terme.