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Conjoncture : L’agriculture sous le joug d’une Europe sur-administrée
Le mille-feuille administratif est impressionnant. Combien y a-t-il de personnes qui gravitent autour de la production agricole à l’échelle européenne, française, régionale ou locale ?
Conjoncture – Qui sont ces cerveaux brillants qui dessinent les contours de la politique agricole commune (PAC) de l’Europe ? Il faut être normalien, sorti de Saint-Cyr pour appréhender l’ensemble des mesures qui s’appliquent aux agriculteurs, pour orienter nos modèles vers une transition agroécologique et climatique. Des dizaines de milliards sont déployés pour arroser une agriculture sous perfusion. Si les sommes déployées allaient directement aux producteurs, leurs situations seraient certainement plus enviables, mais non, la grande majorité des crédits de l’Europe sert à alimenter un ogre administratif et normatif gargantuesque. Une volonté d’assouplissement semble se dessiner, mais pour cela il faut créer de nouvelles commissions. Combien y a-t-il de personnes qui gravitent autour de la production agricole à l’échelle européenne, française, régionale ou locale ?
Les normes en agriculture sont mises en place, dans l’objectif d’instaurer une agriculture durable, mais trop c’est trop, avec des incohérences invraisemblables quand elles s’entrechoquent.
Le verdissement de la PAC a conduit à une situation qui échappe à leurs créateurs, en renvoyant le plus souvent la responsabilité à chaque État membre de définir sa propre stratégie. La PAC est de moins en moins commune avec des distorsions de concurrence de plus en plus visibles. La France est renommée pour une transposition très efficace et surtout très vertueuse de la réglementation européenne.
Or, dans une politique qui se dessine à moyen et long terme, la réalité du terrain est souvent plus abrupte. Toute la politique européenne tournée vers le « Green Deal » a amené l’ensemble des pays vers une décapitalisation sans précédent. Même si un rétropédalage est en route, les effets sont sans doute irréversibles. La décheptellisation s’accentue et est renforcée par des crises sanitaires à répétition. Le résultat le plus visible est un changement majeur dans l’équilibre du marché de la viande bovine. Nous sommes passés d’un marché poussé par l’offre à un marché tiré par la demande, malgré une consommation qui recule d’année en année.
La flambée des prix, observée depuis le début de l’année, n’avait pas été anticipée. Les éleveurs en sont les principaux bénéficiaires. Ils se justifient en disant que ce n’est qu’un rattrapage de 40 ans de disette. Sauf que l’ampleur du phénomène pose beaucoup de questions sur l’avenir des filières intermédiaire. L’industrie de la viande souffre aujourd’hui de deux équations difficiles à résoudre. La première est l’inflation permanente des prix, qu’il faut en permanence répercuter dans le secteur aval, et la seconde est une préoccupation quotidienne pour générer le déficit de matière à l’entrée des abattoirs.
Le tissu industriel ne se résume pas à quelques très grosses structures, mais de nombreux abattoirs de proximité souffrent également, avec des appuis financiers souvent très fragiles. La crainte d’un séisme dans ces structures est réelle. Les grands groupes s’organisent pour capter le plus de marchandise possible, mais des restructurations seront également nécessaires. Les industriels de la viande ont de plus en plus de mal à anticiper les effets de cette décapitalisation. Le combat est aujourd’hui dans la captation des broutards et des veaux pour renforcer la production intérieure et atténuer le manque de vaches. Sauf que sans vaches, il n’y a pas de veaux.
Faire correspondre l’offre à une demande en pleine évolution avec des budgets comprimés est compliqué. La base de travail reste une vache avec ses multiples morceaux. Faire entrer 60 % de ces pièces dans le hachoir est un défi économique, quand il faut faire entrer des pièces nobles dans ce schéma. La revalorisation de la viande hachée est la seule solution, mais elle se heurte à des distributeurs qui étoffent leur offre alternative, même si la Commission européenne a suspendu l’utilisation des termes spécifiques à la viande. Dans ce panorama compliqué, il y a des hommes et des femmes qui se battent pour relever tous ces défis et proposer des produits de qualité à un consommateur en plein questionnement et soumis à des contraintes économiques drastiques.
L’annonce de nouveaux cas de DNC dans le Jura et dans les Pyrénées-Orientales a jeté un coup de froid a une situation qui semblait sous contrôle. Les impacts pour les éleveurs et tous les acteurs de la filière sont importants, avec en premier lieu le stress de ne pas savoir comment cette maladie se propage sur des distances importantes.