Coopérateurs : capitaliser sur un horizon plus serein

Groupe Altitude - Après deux années chahutées par l’inflation, les aléas climatiques... l’union de coopératives escompte un retour à une certaine normalité pour les productions animales.

Il en va des agriculteurs comme des navigateurs qui ont pris le 7 janvier la mer à Brest pour un tour du monde en solitaire à bord de leur trimaran. Certains millésimes s’avèrent bien plus périlleux que d’autres avec des embarcations prises dans les
40e rugissants, ces vents violents de l’extrême sud proche de l’Antarctique qui mettent à mal hommes et navires. En élevage, le début de l’exercice 2022-2023 des coopérateurs du groupe Altitude a lui pris des allures de 50e hurlants, avec une flambée inédite de tous les postes d’intrants, faisant craindre une nouvelle année  horribilis. À la veille de leurs assemblées générales de section, les responsables des coopératives Volcalis, Centraliment et EPV, ont dressé vendredi au Gaec Rouquet-Vignes (lire p.5)  un bilan moins pessimiste avec des signaux et des latitudes qui s’annoncent plus favorables pour la période de navigation à venir.
Volcalis : endiguer la baisse de collecte
Ainsi, président de Volcalis, Clément Raymond retient avant tout comme inflation... celle du prix du lait conventionnel : + 100 €/1 000 l en deux ans, une hausse de 33 % qui a conduit à un prix A payé de 464 €/t. “Le prix AOP s’est lui aussi sacrément redressé, on approche les 500 € en base même s’il faut tenir compte du taux de transformation”, relève-t-il. Ces hausses, nécessaires, ont permis de tamponner l’explosion des charges et de restaurer les trésoreries. “On revient de loin, rappelle le producteur de Ladinhac, tout en pointant la situation toujours très tendue en bio. Même si en zone de montagne, les objectifs Egalim ne sont pas totalement atteints, on a franchi un cap qui doit nous permettre d’envisager l’avenir de nos exploitations avec plus de sérénité.”
Plus de sérénité et de motivation à produire. Car une nouvelle fois, les volumes (120 Ml) ne sont pas au rendez-vous avec une collecte en repli de 3 % sur 2022-2023 et qui ne semble pas se redresser depuis. En cause : des fourrages de qualité médiocres récoltés en 2023, la canicule de fin août, une FCO qui a sévèrement affecté les bovins adultes et des départs en retraite nombreux non compensés quand bien même la coopérative accueille chaque année une dizaine de jeunes producteurs récents installés. Le renouvellement des générations reste de fait le fil rouge de Volcalis, au même titre que le prix du lait et l’accompagnement des producteurs. À ce titre, outre la collecte de colostrum déjà effective, la coopérative souhaite rallier des producteurs à son plan d’engraissement des veaux laitiers pour pallier la piètre valorisation des veaux naissants. “C’est quelque chose qu’on a encore besoin de structurer mais on pense que c’est pertinent, il y a un marché”, appuie Jean-Luc Doneys, directeur de la branche agrodistribution du groupe.
Décapitalisation et déconsommation à l’œuvre
Fixer la valeur ajoutée sur le territoire en favorisant les filières locales de finition : c’est aussi la priorité des Éleveurs du pays vert (EPV), groupement qui évoque un exercice 2022-2023 de transition “après la folle année 2022”. Côté pile, des cours des bovins qui se sont globalement maintenus après la hausse de + 20 % sur l’exercice précédent. “Les vaches allaitantes n’ont jamais été aussi bien payées qu’en 2023, les broutards aussi, ce qui est moins vrai pour la marchandise “industrielle” (réformes laitières...)”, constate Xavier Bel, directeur des productions animales. Pour ce dernier, ces revalorisations conjuguées à une certaine détente sur les charges à partir du second semestre 2023 se traduisent par un léger mieux sur les revenus des éleveurs. “On peut considérer le verre d’Egalim à moitié plein avec des coûts de production qui ont été inscrits dans le marbre, poursuit-il. On peut reprocher aux OP, aux abatteurs, d’être frileux mais ce sont au final les consommateurs et donc les distributeurs et la restauration qui ont la clé.”
Côté face, une décapitalisation dont l’impact se fait désormais sentir de manière sensible avec un recul de 7 % des volumes collectés par EPV. “On est vraiment dans le dur, surtout dans les animaux gras (- 10 % vs - 1,5 % sur les broutards), ce qui est d’autant plus frustrant pour nous qui sommes positionnés avec nos outils (Covial(1), Lubersac) sur le marché des animaux de boucherie”, déplore Xavier Bel.
Pour la première fois aussi, cette décapitalisation à l’amont s’accompagne d’une moindre consommation. Celle-ci avait résisté jusqu’en 2022 en France, notamment grâce à l’appétit des consommateurs pour le haché et les burgers. L’inflation a mis un coup d’arrêt à cette tendance et détourné les clients des produits premium vers des viandes premier prix, “ce qui pose une vraie question à nos filières animales”, avance Xavier Bel, pour qui adhérents et responsables coopératifs doivent plus que jamais être attentifs à ces signaux de marché. EPV a aussi réaffirmé sa volonté de développer sa filière TJB primeurs, dont les contrats vont être élargis aux veaux laitiers naissants. Objectif : 600 à 700 TJB contractualisés en 2024.
Moins d’IA, plus de conseils
L’activité génétique du groupement a elle connu une année contrastée avec un recul de 2 % du nombre d’inséminations réalisées (tendance nationale à - 2,5 %), conséquente directe de la décapitalisation des cheptels bovins laitier comme allaitant mais également d’une professionnalisation des éleveurs de plus en plus nombreux à inséminer eux-mêmes. D’où les formations continues proposées désormais par la coopérative, et, en parallèle, l’évolution de l’appui des inséminateurs vers du conseil et du suivi reproduction, évolution qui se traduit par une hausse de 12,5 % des synchronisations de chaleurs, + 13 % pour le génotypage, + 2,5 % pour les échographies. Ces chiffres devraient encore progresser avec les effets redoutés et déjà constatés de la FCO sur la fertilité et la reproduction des animaux, épizootie qui a conduit EPV à mettre en place un suivi spécifique, rappelle Dominique Ego, responsable de la branche génétique et à la tête d’une équipe renforcée par la titularisation de cinq inséminateurs et le recrutement de six nouveaux collaborateurs.