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Mardi 23/12/2025

Des circuits courts qui veulent davantage se structurer et s’étoffer sur la longueur

Manger local à la cantine, en maison de retraite ou à l’hôpital n’est plus un slogan ou une promesse dans le Cantal. Depuis une décennie, producteurs et acheteurs se parlent et s’engagent.

Si le Cantal est avant tout un département d’élevage bovin, dont les veaux issus du troupeau allaitant sont majoritairement exportés broutards vers l’Italie, et le lait des fermes laitières transformé en fromages par un tissu local d’entreprises agroalimentaires, il compte aussi pas moins de 280 ateliers de transformation à la ferme (soit 7 %, lire ci-dessous) dont la production est écoulée en vente directe ou dans des circuits alimentaires de proximité. Il y a une dizaine d’années encore, la part ces produits locaux dans la restauration collective (mais aussi commerciale) était des plus congrues et trouver à la cantine un yaourt, un rôti de porc ou encore une glace issus d’exploitations cantaliennes restait une gageur. Trop chers, volumes insuffisants, dispersion des fournisseurs... tels étaient les arguments régulièrement invoqués par les acheteurs de la commande publique.

Impulsion politique, réactivité agricole


Mais depuis une bonne décennie, manger bon et local n’est plus une utopie dans la restauration collective avec des avancées notables que les premières Rencontres départementales des circuits alimentaires de proximité ont mises en avant jeudi 11 décembre. Lancée par Élodie Mareau, sous-préfète chargée de mission, entourée de nombreux partenaires au premier rang desquels le Conseil départemental et la Chambre d’agriculture, cette initiative visait à faire le point sur les dynamiques existantes mais aussi à identifier les freins à lever, préalable à un futur travail collectif. Avec un leitmotiv que tous les acteurs qui ont témoigné - agriculteurs, collectivités locales, responsable de cuisines, grande surface... - ont martelés : volonté politique et relations humaines sont des leviers incontournables d’une montée en puissance des circuits de proximité.


Durables, rémunérateurs, sains


Ces circuits sont triplement vertueux: en termes de durabilité (en limitant les transports), de valeur créée sur le territoire avec des prix rémunérateurs pour les producteurs, d’alimentation aussi via des produits sains et de qualité proposés. Des circuits portés en outre par la loi Egalim 2 qui prévoit un objectif de 50 % de produits durables et de qualité (dont 20 % de bio) dans la restauration collective.
Le Cantal n’a pas attendu cette impulsion législative : dès 2014, le Conseil départemental lançait Agrilocal 15, une plate-forme de mise en relation et de commandes entre producteurs et artisans locaux et acheteurs publics. Aujourd’hui, 85 acheteurs y ont recours, tout comme 144 fournisseurs. En 2022, à l’initiative de la Chambre d’agriculture, c’est la démarche Consocantal qui voyait le jour avec un essor remarquable : le nombre d’établissements engagés (collèges, écoles primaires, Éhpad, centres médico-sociaux...) a bondi de 13 à 92 en trois ans, tout comme le budget alimentaire concerné : de 775 000 € à 9 millions d’euros en 2025 avec 3,6 millions de repas. Le tout avec un engagement de pleine transparence des établissements quant à leur approvisionnement.
Les produits locaux (produits dans le Cantal ou dans un rayon de 20 km autour) représentent ainsi 16 % des approvisionnements des structures engagées. Les plus plébiscités : la viande (bœuf, porc, veau, volaille), les fromages, yaourts, œufs et aussi les légumes. “On travaille à structurer
une filière viande bovine avec un échantillon de neuf établissements sachant qu’actuellement, les trois quarts du piécé est sourcé localement, tout comme 100 % des steaks hachés. En revanche, l’intégralité du surgelé n’est pas local, probablement pour des raisons sanitaires”, a indiqué Aude-Ella Delaunay, animatrice Consocantal à la Chambre d’agriculture.
Outre ces deux outils (Agrilocal et Consocantal), plusieurs intercommunalités ont fait de cet approvisionnement de proximité un axe majeur de leur programme alimentaire territorial (PAT). C’est le cas de Hautes Terres communauté qui accompagne dans ce cadre un groupe d’éleveurs, cinq aujourd’hui, réunis au sein de
l’association La Viande des Hautes Terres. Leur objectif : valoriser leurs animaux salers, “nés, élevés et engraissés” à la ferme, à l’herbe et au foin de montagne, abattus à Neussargues pour proposer cette viande de qualité aussi bien aux enfants à la cantine qu’aux seniors, aux patients des hôpitaux... “Pour nous, ce serait un peu comme un 13e mois et ça ferait plaisir à nos enfants et nos anciens”, relève Quentin Frozio, éleveur et président de l’association.
Un premier test a eu lieu sur une bête de 24 mois, abattue à Neussargues et transformée intégralement en steaks hachés (par “Du producteur à l’assiette” à Saint-Flour) servis à l’école et à la maison de retraite d’Allanche. Un test des plus concluants gustativement mais la démarche se heurte aujourd’hui à deux obstacles : le coût final élevé du produit (intégrant les cours haussiers des bovins et les frais de transformation et congélation) et la question de la livraison. Pour autant, les éleveurs ne baissent pas les bras.

Histoire d’hommes


D’autres ont fait le choix de s’engager il y a plusieurs années déjà avec la grande distribution, en l’occurrence les établissements Leclerc à Aurillac. Magasin dont 10 % du chiffre d’affaires est généré par les produits du terroir cantalien. “Pour nous, le local n’est pas une mode mais un mode de fonctionnement, a avancé Nicolas Amat, chef du secteur boucherie-charcuterie-traiteur. Cela fait 15 ans qu’on achète en direct à des éleveurs et en 2022, on a formalisé ça en contractualisant sur la base de la loi Egalim 2”, et donc des coûts de production. “La planification de la production nous donne de la lisibilité, on sait où l’on va avec des tarifs connus, revus tous les trimestres. De plus, pour nous, c’est important d’abattre localement (Covial Aurillac) pour le bien-être animal et limiter les pertes de poids carcasse. Ce contrat, c’est aussi une histoire d’hommes”, a témoigné Lionel Monier, qui contractualise une quinzaine d’animaux chaque année. Avec six autres éleveurs - dans un rayon de 40 km autour du magasin aurillacois - ce sont ainsi 130 animaux qui viennent garnir le rayon boucherie. Soixante tonnes de viande de salers ou de génisses croisées y sont écoulées. Des volumes en hausse constante avec un prévisionnel de + 10 % pour 2026.