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Delphine Freyssinier : “Ce n’est pas le moment de lâcher sur les prix”
À quelques jours du congrès du syndicat, le 8 novembre à Valuéjols, Delphine Freyssinier revient sur une nouvelle année de mobilisation, guidée par le “nerf de la guerre” : le prix des produits agricoles.
L’exercice agricole écoulé (automne 2023/2024) a encore été mouvementé entre les grandes manifestations de l’hiver et les crises sanitaires. Que retenez-vous justement de ce combat syndical ?
Delphine Freyssinier, secrétaire générale de la FDSEA du Cantal : “Il y a un an, lors de notre assemblée générale à Ydes, nous étions déjà entrés dans l’action avec le mouvement de retournement des panneaux des communes et on sentait une demande forte de mobilisation de nos adhérents face aux problèmes de revenus, de complexité administrative, de prairies sensibles... Une pression qui est montée crescendo et nous a amenés à bloquer l’A75 à Saint-Flour pendant dix jours. Ça a été une vraie réussite syndicale avec un peu plus de 3 000 agriculteurs qui se sont relayés sur ce blocage.”
La mobilisation a été au rendez-vous mais quid des résultats ?
D. F. : “Cela a eu le mérite de mettre un grand coup de projecteur sur nos revendications et d’obtenir une série de mesures, un plan d’urgence pour le bio, la montée en puissance des contrôles sur la loi Egalim avec des sanctions à la clé, des mesures fiscales aussi comme sur le GNR, l’augmentation du seuil du micro-BA, l’extension du nombre de jours de remplacement pris en compte pour le crédit d’impôt... Mais l’avancée majeure a porté sur le dossier des prairies sensibles - la BCAE 9 - sur lequel nous bataillons depuis dix ans. Vendredi dernier, nous avons eu l’aval de Bruxelles pour retourner ces prairies afin d’assurer ou d’améliorer l’autonomie fourragère des exploitations de toute une partie du département. On a enfin retrouvé le bon sens paysan. Pour autant, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, les revendications essentielles, comme le plan pour l’élevage, sont restées en stand-by, faute d’interlocuteurs dans les ministères, ce dont Macron a certainement joué... Il n’y a toujours pas de cap, ni de ligne politique claire définis.”
Un chef de l’État dont vous attendez qu’il mette le véto de la France sur le projet d’accord UE/Mercosur...
D. F. : “On a toujours été opposés à de tels accords de libre-échange qui mettent en péril nos exploitations. L’Union européenne continue de vouloir sacrifier notre viande pour des avions. C’est une totale dévalorisation de notre métier. Si l’accord avec le Mercosur est signé, ce sont notamment 90 000 tonnes de viande bovine et 180 000 tonnes de volailles qui seront autorisées à entrer dans l’UE, ce n’est pas rien (lire aussi en p.20) ! Surtout que ces produits ne répondent à aucune des contraintes qu’on nous impose, avec des animaux traités aux antibiotiques, aux activateurs de croissance... Et aucune clause miroir n’est appliquée. On ne peut accepter ça alors qu’on nous demande de montrer patte blanche en permanence. Le consommateur doit en être conscient ! Et en proposant le 16 octobre d’instaurer un fonds d’indemnisation des éleveurs européens, la Commission européenne a été au comble de la provocation comme si on était prêt à brader notre viande contre une petite indemnisation !”
Qu’est-il prévu en termes de mobilisation sur ce sujet ?
D. F. : “Nous allons accueillir demain (jeudi 31 octobre) le secrétaire général de la préfecture sur une exploitation pour lui expliquer les enjeux et les conséquences d’un tel accord sur nos élevages, et pour répéter que la France peut - et doit- bloquer cette signature. Ensuite, s’il le faut, on fera des actions syndicales comme on l’a toujours fait pour défendre nos produits sachant que le prix de nos produits reste le nerf de la guerre.”
Des cours qui se sont nettement redressés en viande bovine. Aujourd’hui, est-on aux coûts de production ?
D. F. : “Ces dernières semaines, on était pratiquement arrivé aux coûts de production sans pour autant couvrir nos frais annexes. C’est la raison pour laquelle il est hors de question de lâcher sur le prix, encore une fois sous la pression des marchands de bestiaux. Il va encore sans doute manquer pas loin de 80 000 broutards cette année pour répondre à la demande italienne, et côté espagnol, le pays a accepté d’importer des animaux vaccinés. Il faut juste le temps nécessaire aux deux injections. Il n’y a donc aucun argument pour céder à la pression, l’agriculteur ne doit plus servir de variable d’ajustement à la filière !
On a cette même préoccupation sur le prix du lait : ce n’est pas entendable qu’on ne soit toujours pas au coût de production alors que c’est la loi ! Et ça l’est d’autant moins que les volumes collectés sont en baisse. Les producteurs de lait subissent de plus les conséquences de la FCO sur le marché des petits veaux, ce n’est pas normal, les solutions existent, on va y travailler.”
La FCO n’a pas épargné l’élevage cantalien, notamment ovin. Quelles sont aujourd’hui les réponses à leur situation (lire aussi en p. 5) ?
D. F. : “Depuis deux ans, la FCO-8 frappe durement les élevages et on accompagne les éleveurs sur ces maladies vectorielles (FCO, MHE) mais aussi la fièvre charbonneuse, via des demandes d’accompagnement que ce soit auprès de la MSA, des banques, du FMSE qui a accepté d’indemniser les éleveurs qui se sont déclarés foyers (FCO-8 et MHE) en 2023 et 2024 (jusqu’à la fin décembre 2024). Il y a aussi eu l’annonce au Sommet de l’élevage d’une enveloppe de 75 M€ pour les pertes directes de la FCO-3. On travaille actuellement sur diverses pistes de soutiens complémentaires.
En organisant des tests de fertilité sur béliers, on intervient aussi sur l’accompagnement technique des éleveurs afin qu’ils ne se retrouvent pas sans agneau l’an prochain.
On essaie d’être présent à tous les niveaux, ce qui a permis la signature de protocoles sanitaires et que les frontières restent ouvertes à nos animaux. Ce sont des combats menés au quotidien.”
L’an dernier, votre assemblée générale avait incité - en cassant les codes - à l’engagement syndical. Cela a-t-il porté ses fruits ?
D. F. : “Une chose est sûre, nous avons vu arriver de nouveaux responsables, des gens qui ont envie de défendre le métier, de s’engager, d’innover... On s’en félicite car c’est très positif pour l’avenir. Mais il ne faut pas s’arrêter là, il faut continuer à progresser sur notre fonctionnement interne, répondre aux nouvelles attentes des agriculteurs... Parallèlement, on fait tout pour apporter des réponses aux demandes individuelles des adhérents. Et on est en train de mettre en place de nouveaux groupes de travail pour répondre à la diversité de notre agriculture : sur l’apiculture, les volailles, les chevaux... Je tiens d’ailleurs à saluer l’implication de tout notre réseau et de nos collaborateurs qui répondent toujours présent.”