Annonces Attal : le SAV laisse encore à désirer...

Dix jours après la suspension du mouvement agricole, quelle déclinaison de la feuille de route de Gabriel Attal ? Encore très maigre, répond le président de la FDSEA du Cantal.

Dix jours après la levée du blocage de l’A75, quel regard portez-vous, à froid, sur ce mouvement d’ampleur des agriculteurs cantaliens et français ?
Joël Piganiol, président de la FDSEA 15 : “Ce qui nous a marqués, c’est la dimension de cette mobilisation qui renvoie à des actions qu’on n’avait plus connues depuis 30 ou 40 ans, si on ramène le nombre de manifestants à celui d’agriculteurs. Selon les comptages de la FNSEA, il y a eu en moyenne, sur les différents sites bloqués dans l’Hexagone, 40 000 manifestants sur les dix jours qu’a duré le mouvement, avec un pic à 71 000 le vendredi 26 janvier. Ce qui est inédit aussi, c’est que toutes les productions, tous les territoires étaient en action, témoins qu’aujourd’hui, aucun secteur d’activités n’est épargné par une situation de crise ni par l’absence de perspectives.
Deuxième point remarquable, c’est le soutien de la population tout au long du mouvement, un soutien qui persiste et se conforte depuis comme le démontrent les sondages récents, ce qui est très rare d’autant que le quotidien des Français a été impacté à beaucoup d’endroits.
Le troisième point, c’est un vrai positionnement politique de la part du Premier ministre avec une feuille de route précise qui nous permet d’avancer mais aussi d’avoir un suivi point par point de la mise en œuvre (ou non) des mesures annoncées.”
Alléger la pression normative
Le préfet a réuni mercredi dernier la profession agricole pour travailler à des mesures de simplification administrative. Qu’en est-il ressorti ?
J. P. : “L’objectif est d’identifier les leviers qui peuvent être activés en local même s’ils seront à un moment donné intégrés à une structuration plus globale dans la mesure où il n’y a pas une problématique normative spécifique à l’agriculture cantalienne. L’une des premières idées formulées serait la mise en place d’un “coffre fort” numérique dans lequel chaque agriculteur pourrait déposer et conserver tous les documents administratifs relatifs à son exploitation auxquels les différentes administrations et services auraient accès, ce qui éviterait d’avoir à les fournir à chaque démarche.
Le deuxième volet, que l’on porte depuis longtemps et qu’on a à nouveau formulé, c’est celui de l’application des normes et règlements avec l’objectif d’alléger la pression permanente que subissent les agriculteurs avec le risque de contrôles conditionnant souvent les aides Pac. Cela touche particulièrement les sujets relatifs à l’environnement. Ce qu’on a rappelé au préfet, c’est que malgré ses pratiques plutôt vertueuses, liées à un système d’élevage extensif à l’herbe, l’agriculture du Cantal est exposée comme les autres, voire plus que d’autres, à des contraintes liées par exemple au maintien des linéaires de haies, d’alignements d’arbres... toujours dans le cadre des conditions imposées par la Pac. Nous avons demandé sur ce volet un allègement tant des procédures que des contrôles.
Contrôles : “présumés innocents”
Ce que l’on revendique également, c’est un allongement des délais pour renouveler des agréments ou certifications, comme pour le Certiphyto, qui pourrait passer à dix ans au lieu de cinq aujourd’hui, tant que la structure d’exploitation ne varie pas.
Pas mal d’autres sujets ont été traités parmi lesquels la demande d’une approche davantage pédagogique des contrôles pour éviter d’arriver d’emblée à un procès verbal et des poursuites. D’où l’enjeu de la concrétisation d’une mise sous tutelle du préfet de l’OFB (Office français de la biodiversité, lire aussi en p.19, ndlr).”

Et sur la question des prairies sensibles, sujet très prégnant sur la Planèze sanfloraine ?
J. P. : “Pour nous, les modalités qui définissent ce zonage sont une aberration agronomique et nos pratiques ne constituent pas un danger pour ces prairies ; il faut qu’on supprime ce dispositif dans le Cantal. Ce dossier a été spécifiquement identifié par le Premier ministre et nous travaillons avec le préfet à une solution de sortie.
Sur l’ensemble de ces sujets de simplification, nous sommes en train de bâtir une plate-forme à l’échelle du réseau FNSEA-JA pour enrichir et coordonner nos demandes car on voit bien que
l’attitude des préfets et DDT peut varier selon les départements. Sachant que l’enjeu est que l’administration centrale donne de la liberté d’action à l’échelon départemental.”
Lactalis, “cas d’école du non respect d’Egalim”
La revalorisation des prix des produits et donc des revenus agricoles était au cœur des revendications, avez-vous obtenu plus de précisions sur les dispositions annoncées le 1er février par Gabriel Attal, notamment pour l’élevage ?
J. P. : “Certains commentateurs estiment que le dossier de l’élevage a été réglé avec les 150 millions d’euros annoncés. Ce n’est pas le cas ! Cette enveloppe correspond à un engagement pris par le ministre de l’Économie au Sommet de l’élevage, une mesure fiscale (au même titre que le maintien du micro-BA), qui n’avait pas été correctement finalisée. Le fond du sujet pour l’élevage, ce sont les prix et donc la prise en compte effective des coûts de production. Bruno Le Maire annonce des contrôles mais on aimerait bien que tout cela se concrétise et que des sanctions tombent si nécessaire. L’attitude de Lactalis est un cas d’école du non respect d’une construction du prix sur les coûts de production de l’amont, il faut que cet industriel soit très rapidement mis au pli... On ne restera pas très longtemps inactifs si les choses ne bougent pas.
Quant au renforcement de la loi Egalim, le Premier ministre semble bien avoir appréhendé la problématique des plates-formes logistiques d’approvisionnement des GMS situées à l’étranger et celle des marques distributeur, sur lesquelles la grande distribution joue pour contourner le dispositif Egalim. Mais nous n’excluons pas de revenir si besoin sur des actions en GMS.”