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Dernier fruit à noyau de l’été, la prune française affiche une belle vitalité
Comparées aux pommes, pêches, abricots, les prunes sont une production française assez discrète. Toutefois, en termes de diversité de produits, de vitalité de la filière et de taux d’auto-approvisionnement du pays, elles sont championnes ! Découverte d’une production dont on aurait tort de penser qu’elle compte « pour des prunes ».
Les dernières prunes de l’été sont en train d’être récoltées dans les vergers français et elles seront présentes dans les rayons et sur les étals jusqu’à fin d’octobre. Cette année, la récolte devrait atteindre son plein potentiel, entre 55 000 et 58 000 tonnes. Coup de chance, 55 000 tonnes, c’est aussi la consommation annuelle estimée des ménages français (soit 5,7 kg par ménage).
Petites en volume, comparées aux pommes (1,6 millions de tonnes), aux pêches-nectarines (233 000 tonnes) ou aux abricots (160 000 tonnes), les prunes sont néanmoins des championnes françaises en l’auto-approvisionnement, avec, en moyenne, plus de 80% de couverture de la consommation par la production française : les pêches-nectarines plafonnent à 54%, les abricots à 75%, quand la moyenne des fruits et légumes français se situe à peine à 51%.
Une filière qui s’est adaptée et diversifiée avec de nouvelles variétés
Pour Jérôme Capel, producteur de prunes à Cazes-Mondenard (82), et co-président de l’AOPn prunes, ce bon équilibre est le résultat du travail de longue haleine d’une filière qui n’a pas ménagé ses efforts pour s’adapter à l’évolution de la consommation de fruits et notamment pour diversifier son offre.
Depuis une vingtaine d’années en effet, les producteurs de prunes français ont accueilli de nouveaux types d’arbres, qui produisent de nouvelles variétés, aux côtés de leurs pruniers classiques. « Nos pruniers de variétés traditionnelles européennes sont des Prunus domestica : ce sont eux qui donnent les reines-claudes, les mirabelles, les quetsches, les prunes d’ente… », décrit Jérôme Capel.
« Les pruniers qui produisent les « nouvelles variétés », sont des Prunus salicina. Cette espèce nous a apporté des prunes plus grosses, plus croquantes, avec davantage de potentiel aromatique, et surtout, avec une variété importante de tailles, de formes, de couleurs de peau et de couleur de chair ».
Ces variétés, dites « américano-japonaises », terme que Jérôme Capel n’aime pas trop car les obtenteurs sont plutôt américains, sud-africains ou israéliens, se nomment Golden Japan, Sunkiss, TC Sun, Grenadine, Black Amber, Obilnaya, Sapphire… Elles ont représenté une révolution dans les vergers dans la mesure où un certain nombre d’entre elles sont précoces et d’autres tardives : « Elles ont permis d’élargir l’offre dans la durée. Avant, la saison des prunes, c’était août et septembre. Avec les nouvelles variétés, les prunes peuvent être récoltées du 1er juillet au 1er octobre, pour des ventes pouvant aller jusqu’à début novembre ».
Fait intéressant : ces « nouvelles » prunes n’ont pas remplacé les anciennes. « Elles ont conquis de nouveaux consommateurs, mais les reines-claudes, mirabelles et quetsches ont gardé leurs fans. Ce sont des variétés indispensables, attendues dans la saison. Les nouvelles variétés nous ont permis d’élargir notre offre, de diversifier les goûts, et, dans nos vergers, de répartir les risques ».
Une récolte 100 % manuelle
« Dans mon verger, sur 40 hectares, j’ai 25 variétés différentes, chacune avec des exigences particulières. La récolte des fruits est manuelle et se fait à maturité. Avoir une plus longue période de récolte me permet aussi de pérenniser l’emploi ».
« Ces nouvelles variétés sont très bonnes et elles gagnent à être connues », poursuit le producteur. Elles ne sont pas encore aussi célèbres que les mirabelles, quetsches, et reines-claudes (qui n’ont même plus besoin de spécifier « prune » devant leur nom), mais la filière développe pour elles une politique de marques, permettant, sous un même nom (comme Lily ploom, Métis, Lovita…), de regrouper différentes variétés au cours de la saison.
« Je pense que la profession a pris des bonnes décisions et qu’elle continue sa logique d’amélioration constante. On fait en sorte de travailler en bonne cohésion entre producteurs, conditionneurs et metteurs en marché, pour bien adapter l’offre à la demande, et faire attention à ne pas surproduire. On est assez prudents sur les investissements, il faut savoir qu’un hectare de vergers, c’est 80 000 euros ».
Avec ce niveau d’investissement, la filière a besoin d’avoir une certaine visibilité… Or, au moins deux sujets inquiètent fortement les pruniculteurs et les empêchent de regarder sereinement l’avenir. Le premier, c’est l’accès sécurisé à l’eau, au printemps et en été. Les gels de printemps sont en effet dévastateurs (ceux de 2021 et 2022 ont amputé de plus de moitié la production) et l’aspersion des jeunes bourgeons serait la méthode la plus efficace pour les protéger : « Mais elle est rarement mise en place faute d’accès à l’eau en quantité suffisante ».
Même souci face aux sécheresses : « L’irrigation des arbres est indispensable. Les Prunus salicina sont remarquablement résistants à la chaleur : cet été, ils ont très bien supporté les journées à 40 °C. Mais ils ne peuvent le faire que s’ils sont correctement irrigués ».
La deuxième inquiétude, c’est de connaître une situation aussi dramatique que celle des producteurs de noisettes, car, après les néonicotinoïdes, d’autres familles d’insecticides seraient dans le collimateur de la réglementation française. « Certains insectes ravageurs transmettent des virus aux arbres : en quelques années, ils voient leur potentiel de production s’effondrer. Si on n’a plus accès aux pyréthrinoïdes, c’est la mort assurée de nos vergers ».
Dernier défi pour la production : « Mieux se faire connaître et reconnaître. Parfois, on ne nous laisse pas assez de place dans les étals ». Sur ce point, Jérôme Capel est plutôt confiant : « En France, les prunes sont des fruits d’achat d’impulsion. Mais dans d’autres pays, en Allemagne, en Belgique, en Angleterre, elles sont sur la liste de courses. On souhaite aller vers cela : être sur la liste des courses des Français. On est en progression, année après année, on constate que les taux de réachat sont en hausse ».
Pourquoi dit-on compter pour des prunes ?
En résumé, les prunes ne veulent plus compter pour des prunes. Mais au fait, d’où vient cette expression qui assimile ces fruits à quelque chose de peu de valeur ? Son origine serait liée aux Croisés qui avaient connu des échecs militaires lors de la Deuxième croisade (1147-1149) : ils sont revenus de Damas sans victoire, ni trésor, mais avec des pruniers, puisque ces arbres sont originaires d’Asie Mineure. Ils avaient donc combattu « pour des prunes ».
Le pruneau d’Agen : une autre filièreUne prune particulière, la prune d’ente, est quasi exclusivement destinée à la transformation en pruneaux. Elle fait l’objet d’une filière spécifique, d’une conduite spécifique (notamment, une récolte mécanisée), et possède son propre bureau interprofessionnel, le BIP. Les vergers de prunes d’ente représentent 10 800 hectares en France et plus de 100 000 tonnes. |