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L’Anses lance une alerte sur des risques sanitaires liés aux pyréthrinoïdes
Une expertise collective fait état de préoccupations importantes et croissantes concernant des effets de l’exposition aux pyréthrinoïdes lors de la grossesse sur le neurodéveloppement des enfants. Les insecticides font l’objet d’une large utilisation en agriculture mais aussi en santé vétérinaire et dans la population générale, dans le cadre d’usages domestiques divers et variés de biocides.
Dans les principes de pharmacovigilance de l’Anses, une « alerte » constitue « un signal suffisamment validé pour lequel, après une première évaluation du risque, il est considéré qu’il représente une menace pour la santé des populations humaines, animales, végétales ou de l’environnement, et qu’il nécessite une réponse adaptée pour la prévenir ». Et c’est donc une alerte qu’a émis jeudi l’agence sanitaire à l’encontre des pyréthrinoïdes. Elle est basée notamment sur l’analyse d’une publication, datant de 2022 (Qi et al), portant sur l’étude de l’effet de l’exposition prénatale aux pyréthrinoïdes pendant les trois trimestres de la grossesse sur le neurodéveloppement des enfants à un an. Une étude jugée « de qualité » et qui met en évidence des troubles du langage, des troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou encore des troubles du spectre autistique (TSA).
Des conclusions qui corroborent celles de l’Inserm
L’agence sanitaire a par ailleurs réalisé une analyse des signaux issus des expertises collectives Inserm de 2013 et de 2021. Elle conclut à une alerte concernant les effets de l’exposition aux pyréthrinoïdes sur le neurodéveloppement de l’enfant. Le risque de leucémie lié à l’exposition professionnelle à la deltaméthrine a également été mis en évidence dans l’expertise de 2021. L’Anses rappelle que Santé Publique France avait identifié, dans l’étude Esteban datant de 2021, et plus précisément, dans son volet portant sur l’imprégnation de la population française par les pesticides, « des fréquences de quantification importantes pour les pyréthrinoïdes, plus élevées chez les enfants que les adultes ».
L’exposition de la population générale, incluant les femmes enceintes, peut être expliquée par diverses sources : une exposition professionnelle de la femme, une exposition à la contamination de l’alimentation et à la contamination environnementale ou encore une utilisation « généralisée » d’insecticides au domicile, dans lesquels prédominent les pyréthrinoïdes (cyperméthrine, tétraméthrine, et perméthrine). Cet usage cible notamment les insectes volants et rampants, les mites (diffuseurs) ou encore les insectes des plantes extérieures et des potagers.
L’agence sanitaire rappelle que « l’utilisation des substances insecticides pyréthrinoïdes est encore très importante, aussi bien pour des usages professionnels agricoles que pour des usages biocides professionnels et amateurs ». L’expertise a porté sur les substances toujours en usage actuellement.
Les recommandations des experts
Aux fins de prévention, l’Anses recommande la mise en place « rapide » de plusieurs mesures, à commencer par l’identification les sources d’expositions les plus importantes aux pyréthrinoïdes parmi tous les usages insecticides possibles : médicaments, produits phytopharmaceutiques et biocides, y compris pour traiter les matériaux de construction et d’ameublement, et les textiles. Elle recommande de déterminer des Valeurs toxicologiques de référence pour interpréter les niveaux d’imprégnation de la population aux pyréthrinoïdes et évaluer les risques sanitaires encourus. Enfin, elle réclame la mise en place d’actions d’information et de sensibilisation du personnel de santé et de la population générale pour limiter l’utilisation de produits contenant les molécules pyréthrinoïdes identifiées comme préoccupantes pour la santé, en particulier lors de la phase prénatale et la petite enfance. Enfin, l’Agence rappelle que « la réduction des utilisations au strict nécessaire est un élément de maîtrise essentiel des risques pour les produits biocides, vétérinaires ou phytopharmaceutique ».
Surveiller les effets indésirables, intégrer toutes les données scientifiques
Cette expertise relative aux pyréthrinoïdes s’inscrit dans le cadre du dispositif phytopharmacovigilance, qui permet de surveiller ces effets dans les conditions réelles d’utilisation et d’agir en conséquence. « Même si leur sécurité est évaluée avant toute mise sur le marché, les produits phytopharmaceutiques peuvent avoir des effets non intentionnels sur la santé et l’environnement », indique l’Anses. La phytopharmacovigilance repose sur des données issues de mesures effectuées dans les milieux, sur des études, enquêtes et publications scientifiques, avec une attention particulière pour les études épidémiologiques en santé humaine. « La phytopharmacovigilance est d’autant plus cruciale pour les substances phytopharmaceutiques approuvées pour de longues durées », poursuit l’Anses, qui rappelle que la réglementation européenne permet de demander la révision de l’approbation d’une substance active lorsque de nouvelles connaissances scientifiques et techniques la remettent en question. L’agence déplore toutefois que l’interprétation des données épidémiologiques, et plus généralement des données de vigilance, reste « fortement limitée par les difficultés à accéder aux données précises sur les applications réelles, actuelles et passées des produits ». Et réitère sa recommandation de rendre accessibles les données d’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de les conserver sur le long terme.