Des pistes pour appréhender l’effet des ondes en élevage

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques recommande de renforcer l’expertise scientifique et la prévention. La prise en charge des éleveurs impactés par les ondes électromagnétiques est aussi perfectible.

Mammites, boiteries, dérèglements hormonaux, troubles du comportement, refus de fréquenter tout ou partie de la stabulation, refus de se présenter au robot de traite : tels sont quelques-uns des symptômes associés à l’exposition des animaux aux champs électromagnétiques. Ceci énoncé, on perçoit d’emblée une des complexités du sujet. « La science a du mal à établir un lien direct entre les difficultés constatées et l’exposition des animaux à des champs électromagnétiques en l’absence de symptôme pathognomonique », lit-on dans un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Saisi par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, l’OPECST a dressé un bilan des connaissances scientifiques entourant l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage. Ses conclusions reprennent et complètent les recommandations d’un rapport du CGEDD (*) et du CGAAER (**) publié en novembre dernier, et d'un premier rapport publié en 2010.

Renforcer la connaissance

Selon le rapport, la contribution des champs électromagnétiques aux troubles de comportement des animaux n’est pas démontrée par la science. S’agissant des effets directs (effets thermiques, phénomènes d’induction), aucune étude scientifique n’a établi un lien de causalité direct entre la proximité d’une ligne électrique et la santé des animaux. En outre, toutes les tentatives visant à relier les champs électromagnétiques à des dysfonctionnements du système immunitaire ou au stress physiologique restent infructueuses. En ce qui concerne les effets indirects (courants parasites), des études sur les modifications comportementales des animaux en réponse à des courants électriques induits concluent à des réponses de stress, modérées à sévères, qui varient selon les espèces. Par ailleurs, les études commanditées par l’ANSES (***) pour caractériser l’exposition des animaux d’élevage aux champs électromagnétiques ont conclu à des niveaux d’exposition largement en-dessous des valeurs limites d’exposition définies au niveau européen.

Face aux difficultés de certains éleveurs, l’OPECST propose d’améliorer la connaissance des phénomènes et de leurs origines en renforçant la recherche, en réalisant des expérimentations au sein des élevages concernés et enfin en créant un observatoire national destiné à inventorier, caractériser et documenter les exploitations concernées.

Prévenir et sensibiliser

En France, un peu moins de 60 élevages se sont signalés auprès de l’Association nationale  des animaux sous tension (Anast).

L’OPECST recommande de systématiser la prévention, en généralisant la réalisation de diagnostics géologique et électrique avant la construction de bâtiments d’élevage et/ou leur réaménagement, mais également avant l’installation d’infrastructures électriques ou de télécommunication (réseaux électriques, éoliennes, panneaux photovoltaïques, antennes relais de téléphonie mobile). Les Chambres d’agriculture sont invitées à « renforcer leurs compétences afin de pouvoir informer les agriculteurs et, le cas échéant, les conseiller lorsque des difficultés qui semblent liées à l’impact de champs électromagnétiques ».

Améliorer la prise en charge

L’OPECST recommande enfin d’améliorer la prise en charge des éleveurs confrontés au phénomène. Cette mission est dévolue depuis 1999 au Groupe permanent de sécurité électrique (GPSE), association fondée par RTE, Enedis, l’APCA, le Syndicat des énergies renouvelables et France énergie éolienne, avec une représentation des ministères concernés (agriculture, transition écologique, énergie). L’association n’a pas de mission de service public mais propose son expertise aux éleveurs confrontés à une suspicion de courants parasites liés à un équipement électrique extérieur à l’exploitation. Elle n’intervient pas sur les troubles supposés liés aux antennes relais.

La méthode d’investigation du GPSE s’appuie sur un audit électrique, un bilan sanitaire complet et une expertise zootechnique. Les préconisations du GPSE portent quasi systématiquement sur des mises aux normes des installations privées. Une fois ces actions effectuées, une amélioration est généralement constatée. Toutefois, la suppression des courants parasites, qu’ils proviennent des installations privées des agriculteurs ou des infrastructures publiques électriques, ne permet pas toujours de faire disparaître toutes les difficultés. Autres critiques pointées à l’encontre du GPSE : son intervention tardive et sa dépendance vis-à-vis des opérateurs électriques pour le financement de ses expertises. « Il peut arriver que les financements soient insuffisants pour mener une étude à son terme, voire qu’ils soient refusés si l’opérateur estime que l’intervention du GPSE n’est pas justifiée », relève l'OPECST.

L'Office recommande de faire évoluer le statut du GPSE et d’accélérer la prise en charge des problèmes exprimés par les éleveurs. Il suggère la mobilisation du Fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE). Il recommande par ailleurs une structuration du métier de géobiologue, qui traite des relations entre le vivant d’une part et, d’autre part, l’environnement, les constructions et les modes de vie. Cette discipline, convoquée pour répondre aux angles morts de la science, ne fait pas l’unanimité, mêlant science, subjectivité et ressenti. Afin de gagner en légitimité, l’OPECST juge que la profession de géobiologue doit se structurer, notamment pour écarter ceux qui s’en revendiquent dans une démarche mal intentionnée.

* Conseil général de l’environnement et du développement durable

** Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux

*** Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail