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L’Accord de Paris étouffé, le Plan eau évaporé
[Edito] Après une année 2024 historiquement pluvieuse, la torpeur de l’été 2025 pourrait faire date dans les séries statistiques climatiques. Alors que l’Accord de Paris est quasiment étouffé, un rapport gouvernemental appelle à engager « une transformation radicale » des usages de l’eau.
« Le moral n’y est pas aujourd’hui, et je m’en excuse. Ce n’est pas toujours simple de voir les choses se profiler… et d’en mesurer à l’avance les conséquences ». Telle est l’entame d’un message posté mercredi sur les réseaux par Serge Zaka, agroclimatologue, fondateur d’Agroclimat 2050, un cabinet d’étude dédié à l’évolution du climat et l’adaptation du milieu agricole. La suite ? « L’anomalie thermique du mois de juin 2025 s’annonce exceptionnelle, de l’ordre de +3,2 à +3,5°C, frôlant les niveaux records du légendaire mois de juin 2003. Un dôme de chaleur devrait s’installer dès samedi, laissant présager une canicule durable et étendue sur le pays. Elle pourrait marquer la 51ème vague de chaleur recensée depuis 1947. Les scénarios les plus probables confirment la persistance d’un risque caniculaire au moins jusqu’à la mi-juillet, du fait de la présence d'un air extrêmement chaud plus au sud de l'Europe. Dans le sillage de ces températures exceptionnellement élevées, l’évapotranspiration s’emballe. Une sécheresse précoce s’installe déjà sur une large partie de la France. Elle pourrait s’aggraver considérablement d’ici la mi-juillet, avec des conséquences potentielles importantes sur les cultures d’été, des impacts qu’il faudra suivre de très près. Les agriculteurs doivent se préparer à un début d’été difficile, en espérant une accalmie à partir de la mi-juillet. Mais sans réelle certitude : les prévisions saisonnières restent peu encourageantes ».
Un record peut en cacher un autre
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Avec un cumul moyen de plus de 1000 mm sur l’Hexagone, 2024 s’était classée parmi les 10 années les plus pluvieuses depuis 1959. Mais ce record en avait masqué un autre : avec une température moyenne d’environ 14,0°C et une anomalie de +1,0°C par rapport à la normale 1991-2020, l'année 2024 figurait aussi parmi les 5 années les plus chaudes depuis le début des mesures en 1900. Publiée la semaine dernière, la dernière actualisation des indicateurs géophysiques clés du changement climatique planétaire fait dire aux chercheurs que « limiter le réchauffement planétaire sous 1,5°C n'est désormais plus atteignable ». Sous l’effet conjugué de la hausse des émissions de CO2, de la déforestation et de la baisse des émissions d’aérosols refroidissants, l’Accord de Paris sur le climat conclu il y a exactement 10 ans est moribond. La France n’est pas la plus mauvaise élève : sa trajectoire de réduction d’émissions de GES demeure en phase avec ses objectifs et le secteur agricole en particulier est plutôt vertueux, même si, tous secteurs confondus, le rythme de décroissance marque des signes de ralentissement de nature à dévier des objectifs.
L’appel à « une transformation radicale » des usages de l’eau
Selon un rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) publié en mars 2024, l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement et la France se trouve singulièrement aux avant-postes. Selon une étude prospective publiée mercredi par le Haut-commissariat à la stratégie et au plan, le changement climatique va accroître de façon critique les tensions sur la ressource en eau, et pas seulement en été, alors même que la France est généreusement dotée par la nature. En août 2050, sans inflexion des tendances actuelles, 90 % des bassins versants, représentant 95% du territoire, seront « à sec ». Un chiffre qui, dans le scénario dit de « rupture », tombe à 53% (et 54% du territoire). Seulement, serait-on tenté de préciser, au vu des efforts de sobriété demandés : régulation de l’irrigation par les pouvoirs publics, soutien à des pratiques agroécologiques plus sobres en eau, mesures de sobriété énergétique dans l’ensemble de nos activités, le tout à mobiliser « en même temps et rapidement ». Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan appelle ainsi à engager « une transformation radicale » des usages et à renforcer le Plan eau, présenté il y a peine deux ans.