Energies renouvelables et artificialisation : l’Ademe plaide pour des sols vivants

Dans le cadre de l'objectif « Zéro Artificialisation Nette » pour 2050, l'Agence de la transition écologique (Ademe) insiste sur la nécessité de préserver les sols vivants, notamment face au développement des besoins liés aux énergies renouvelables.

Il est « impératif de repositionner la question du sol vivant au centre des politiques d'aménagement du territoire ». Cette déclaration n’a pas été émise par un adepte de la permaculture mais par l'Agence de la transition écologique (Ademe), dans un rapport sur l'artificialisation des sols publié en décembre dernier. Celui-ci insiste sur la nécessité de considérer le sol comme une ressource vitale, au même titre que l'air et l'eau.

Cette position s'inscrit dans le contexte de l'objectif « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN), adopté par la France dans le cadre de la Loi Climat et Résilience de 2021. L'artificialisation nette des sols représente le bilan entre les surfaces nouvellement artificialisées et celles renaturées sur une période et un territoire donnés. La France vise un solde nul d'ici 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2021 et 2031, comparativement à la décennie précédente.

L'artificialisation concerne tous les territoires, y compris ceux en déclin

« L’objectif zéro artificialisation nette nous met face au défi de préserver des sols fonctionnels, capables d’assurer des services essentiels et vitaux, tout en permettant à tous les territoires de répondre à leurs besoins », pointe l’Ademe. Et de lister les effets bénéfiques des sols vivants : maintien des puits de carbone, de la biodiversité, renforcement de l’autonomie alimentaire, prévention des risques d’inondation, amélioration des cadres de vies, etc.

En France, 3,5 millions d’hectares sont artificialisés, soit 6,4% du territoire. En ramenant ces chiffres à la population, la France est 15% plus artificialisée que l’Allemagne et 57% plus artificialisée que le Royaume-Uni ou l’Espagne.

L’agence incite les pouvoir publics à « adopter massivement dès maintenant des stratégies d’aménagement du territoire (dans ses dimensions régaliennes, fiscales, etc.) plaçant la sobriété, et notamment la sobriété foncière, comme fondement de développement de tous les secteurs d’activités ».

Entre 1982 et 2018, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers a progressé de 72%, surpassant largement la croissance démographique (+19%) et légèrement la croissance économique (+68%). L'artificialisation des sols résulte principalement de choix d'aménagement favorisant l'étalement urbain au détriment de l'optimisation des espaces existants. Le portail de l'artificialisation révèle que, entre 2009 et 2022, la majorité des communes ont consommé des espaces naturels, agricoles et forestiers, y compris celles connaissant une faible croissance démographique, voire un déclin.

Recycler et réhabiliter plutôt qu'artificialiser

Les ambitions de relocalisation et de réindustrialisation, portées notamment par la loi industrie verte, pourraient exercer une pression significative sur la consommation d'espaces. A ce titre, « il est important d’engager dès à présent une stratégie de réindustrialisation mobilisant beaucoup plus fortement la réhabilitation des friches », note l’Ademe. Il existe actuellement 170 000 hectares de friches sur le territoire national. « Face au constat qu’il est plus coûteux aujourd’hui de conduire des opérations de renouvellement urbain que d’extension urbaine, il est nécessaire de mobiliser davantage de leviers budgétaires et fiscaux en réorientant les mesures en faveur de l’optimisation et du recyclage du foncier bâti, de la sobriété foncière, ainsi qu’un déploiement conséquent des fonds tels que le fonds vert et le fonds friches », préconise l’Agence.

Au sein des stratégies territoriales, l’Ademe souligne la nécessité d’évaluer l’empreinte du développement des énergies renouvelables sur l’usage des sols. D’après les données, les installations d'énergies renouvelables pourraient occuper entre 30 000 et 110 000 hectares de terres naturelles, agricoles et forestières d'ici 2050, soit jusqu'à 10% des surfaces nouvellement artificialisées.

Le photovoltaïque représente la principale variable de cette consommation foncière, selon les choix d’implantation et de conception (site déjà artificialisé ou non, réversibilité de l’installation, maintien d’un couvert végétal sous les panneaux dans le cas de l’agrivoltaïsme…).

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Sans nier les effets bénéfiques pouvant se dégager des installations agrivoltaïques, l’Ademe préconise de prioriser le développement du photovoltaïque sur les toitures existantes et sur les sites déjà artificialisés ou dégradés. Le potentiel total estimé de production d'électricité photovoltaïque sur les zones délaissées et artificialisées en France métropolitaine serait de 53 GWc, ce qui pourrait représenter plus de 10% de la production totale d’électricité.