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Mercredi 29/10/2025

FDSEA 15 : “On a le soutien des Français, pas de l’État...”

Avec le recul, comment analysez-vous le score de la liste FDSEA-Jeunes agriculteurs (52 %) aux élections Chambre de janvier dernier ?
Delphine Freyssinier, secrétaire générale de la FDSEA 15
: “Avec plus d’un agriculteur sur deux qui nous a renouvelé sa confiance, c’est une victoire, d’autant plus dans le contexte du moment et avec tout ce qui s’est passé autour de nous et sur les réseaux sociaux. Il nous a fallu plus que jamais retracer nos acquis, rappeler qu’on est là avant tout pour défendre les agriculteurs et les agricultrices du Cantal, les spécificités de notre agriculture, sans dépendre de ce qui se décide à Paris. Cette confiance renouvelée nous incite à garder le cap, à batailler sur les dossiers, à être proches du terrain comme on l’a toujours fait pour qu’on puisse vivre dignement de notre métier. Tout en faisant évoluer quelques modalités de notre fonctionnement en écho à ce que nous avons entendu du terrain.”


Mercosur : marché de dupes


Sur le front du Mercosur, la mobilisation n’a pas faibli mais la menace d’une ratification reste forte...
D. F.
: “Oui ; depuis un an, nous avons multiplié les actions syndicales : panneaux des communes retournés, feux de la colère, bâches installées tout au long de l’année avec “Non au Mercosur”, participation à la mobilisation de la FNB devant l’Ambassade du Brésil ; et puis il y a eu l’action du 26 septembre dernier avec un volet de sensibilisation des consommateurs à travers la dégustation de burgers 100 % Cantal. Ce qui est d’autant plus frustrant sur ce dossier, c’est que l’Europe signe cet accord, que la France ne met pas son véto, alors que toute la population est contre. Les consommateurs veulent manger sain, équilibré, or on a tout ce qu’il faut dans notre département pour répondre à ces attentes. L’État s’en fout ! Il préfère visiblement faire entrer sur notre marché de la viande qui ne correspond ni aux normes sanitaires, ni aux exigences environnementales qu’on nous impose en France et dans le Cantal. Ce n’est pas une question de libre échange, c’est de la concurrence déloyale pure ! C’est insupportable d’imaginer que la hausse des prix de nos animaux puisse être remise en cause par ces importations !”


Normes : encore du travail...


À propos de normes, lors des blocages massifs de début 2024, l’une des revendications forte portait sur une simplification et un allègement du carcan administratif et réglementaire, où en est-on ?
D. F.
: “Nous avons eu quelques avancées même s’il reste beaucoup à faire sur ce dossier. La première, c’est le versement d’un acompte de 70 % des aides Pac les 16 et 17 octobre même pour les agriculteurs ayant fait l’objet d’un contrôle. C’est quelque chose qu’on réclamait depuis longtemps et qui va amener de la sécurité financière sur les exploitations concernées. Nous avons aussi obtenu le principe du contrôle unique, qui devrait aussi simplifier la vie des exploitations. Autre avancée, la loi Duplomb a acté la possibilité d’un dispositif de recours pour l’assurance des prairies en cas d’anomalie sur l’estimation des pertes de récolte. Un recours terrain qui s’appuiera sur les données par le réseau de fermes de référence. Preuve que le message n’a  cependant pas été complètement entendu : l’État veut imposer  l’extension des aires protégées pour la biodiversité. Et qui dit cartographie dit à court terme  de nouvelles obligations réglementaires pour soit-disant préserver les oiseaux... et en parallèle mieux faire venir de la viande du Mercosur !”


Triple peine pour les élevages prédatés


Pas de répit non plus face au loup qui a fait de nombreux dégâts sur le secteur de Murat avec des éleveurs qu’on laisse démunis... Où en est-on ?
D. F.
: “Depuis son arrivée dans le département, notre position est claire : pas de loup dans le Cantal. On n’a jamais rien lâché et on a accompagné les élevages prédatés dès le départ. On regrette vivement qu’on (l’État) ajoute une charge administrative à ces éleveurs, déjà touchés physiquement et psychologiquement, pour qu’ils puissent défendre leurs animaux. C’est d’autant moins acceptable que l’Europe a décidé de changer le statut du loup et qu’au niveau national, il est prévu qu’une simple déclaration permette désormais aux exploitations prédatées de tirer sur le loup. Il faut que tous les éleveurs puissent protéger leur outil de travail qu’est leur cheptel sans avoir de problème avec l’administration locale... Et c’est un dossier qui ne concerne pas que les éleveurs ovins, quand il n’y aura plus de moutons, le loup s’en prendra aux veaux... 
Sur la question du vautour, on a enfin réussi à avoir un rendez-vous avec le préfet de Lozère en charge de la coordination de ce dossier. Mais là aussi, il faut apporter des preuves, des photos, des vidéos, ce que nous faisons car on est confronté à une administration qui ne croit pas les témoignages des éleveurs.”

Il y a aussi les dégâts de gibier, sangliers, cervidés, qui ravagent des parcelles entières...
D. F.
: “Les plans de chasse des cervidés ont été  augmentés, mais on attend depuis des mois un rendez-vous avec le préfet, la fédération des chasseurs et les propriétaires forestiers pour faire évoluer les attributions et voir comment solutionner les problèmes là où ce n’est pas gérable. Quant au sanglier, les prélèvements sont en hausse, tant mieux, mais il faut que ça se fasse en bonne intelligence avec le monde agricole.”

Dernier coup dur en date, la suspension de l’export des bovins  décidée par la ministre. Une aberration ?
D. F.
: “Les éleveurs n’ont pas à subir les conséquences de l’irresponsabilité de quelques-uns. Nous réitérons notre demande de réouverture des échanges à l’export dans les plus brefs délais.”

Au-delà du score aux élections Chambre, qu’en est-il des adhésions syndicales ?
D. F.
: “Elles sont stables voire même en légère progression. Et nous accordons toujours une grande importance à notre réseau local, c’est notre ADN pour avoir des informations à la fois montantes et descendantes. C’est notre force et notre moteur qui nous ont encore permis, malgré une année où la FDSEA a été mise à rude épreuve, de rester ancrés, unis et constructifs. Même si on est souvent pris pour cible, on continuera demain à être actifs et force de propositions pour défendre l’ensemble des agriculteurs du Cantal.”

Propos recueillis par Patricia Olivieri