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Mardi 16/12/2025

UE-Mercosur : les agriculteurs français sur le pied de guerre

Alors que la signature de l’accord de libre-échange semble imminente, les syndicats agricoles français - et européens – redoublent de mobilisation pour tenter d’influer sur une décision ouvrant la porte à la produits agricoles que l’on est capable de produire sur notre propre sol, avec des normes sociales et environnementales sans commune mesure.

Quel est le point commun entre la signature imminente et inique d’un accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay), l’instauration, tout aussi imminente, du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), doublant à terme le prix des engrais azotés et enfin un projet de réforme de la Pac post-2027, au budget possiblement amputé de 20% et de moins en moins « commune » ? La Commission européenne.

"Plus de 10.000 agriculteurs, dont 6000 français, sont attendus à Bruxelles, c’est du jamais vu "

C’est donc en toute logique que les agriculteurs français vont converger à Bruxelles pour manifester leur opposition au péril le plus imminent et le plus éruptif, à savoir le traité UE-Mercosur, qui pourrait être ratifié les 18 ou 19 décembre lors d’un Conseil des chef d’Etat et de gouvernements à Bruxelles, offrant potentiellement à Ursula van der Leyen un mandat et un billet d’avion pour ratifier l’accord au Brésil ce 20 décembre à l’occasion d’un sommet du Mercosur. « Plus de 10.000 agriculteurs, dont 6000 français, sont attendus à Bruxelles, c’est du jamais vu », a prédit Franck Sander, vice-président de la FNSEA à l’occasion d’une conférence de presse mardi. « Le Mercosur, c’est non », a répété plusieurs Quentin Le Guillous, secrétaire général de JA, au cours de la même séquence. « C’est un traité anachronique, qui ne correspond pas aux besoins de souveraineté agricole agroalimentaire français et européens. Les agriculteurs français n’accepteront pas la signature du traité de libre-échange avec le Mercosur. ». « Les produits d’importation avec des droits de douane nuls ou réduits correspondent à des productions que nous faisons sur nos territoires, a renchéri Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA. C’est de la viande bovine, de la viande de volaille, du miel, de l’éthanol, du sucre, des œufs, c’est vendre notre agriculture à l’Amérique du sud. Il est hors de question que l’agriculture soit la variable d’ajustement des accords de libre-échange ».

"Cet accord avec le Mercosur, ça va être un coup de poignard supplémentaire dans le dos des éleveurs et des éleveuses "

De son côté la Confédération paysanne fera le déplacement à Liège (Belgique) mercredi, aux côté-là aussi d’autres organisations agricoles affiliées à ECVC, la branche européenne de la Via Campesina (EMB, EFFAT, Fugea, ABL etc.). « Cet accord avec le Mercosur, ça va être un coup de poignard supplémentaire dans le dos des éleveurs et des éleveuses » a affirmé Thomas Gibert, porte-parole national de la Confédération paysanne, à l’occasion d’une autre conférence de presse ce mardi. « Le Mercosur, c’est mettre toujours plus de compétitivité, c’est mettre les paysans du monde entier en compétition, c’est ça qui fait tirer les prix vers le bas ».

La fin de non-recevoir de Bruxelles

Dimanche, Paris a tenté de déminer le terrain en demandant à Bruxelles le report de l’examen de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur, qui prévoit l’exemption de droits de douane pour 99.000 t de viande bovine, 25.000 t de viande porcine, 3000 t d’œufs, 1 Mt de céréales, 180.000 t de sucre et 450.000 t d’éthanol et de maigres contreparties agroalimentaires (produits laitier et vinicole, protection des IG…) et qui place la France en première ligne. Lundi, Bruxelles a opposé une fin de non-recevoir à la France qui peine à constituer une minorité de blocage au Conseil de l’UE. A défaut, le France réclame des garanties additionnelles, à savoir une clause de sauvegarde « robuste et effectivement activable » pour compléter l’accord et protéger les filières de production agricole de toute perturbation de marché, des mesures-miroir, notamment sur les pesticides et l’alimentation animale, « afin que les produits importés entrant sur le marché intérieur respectent impérativement les normes environnementales et sanitaires imposées aux producteurs européens » et enfin la mise en place de « mécanismes de contrôle sanitaire et de vérification solides », à savoir des contrôles sanitaires et phytosanitaires sur les produits importés, aux frontières de l’UE et dans les pays exportateurs, des audits sur place, et la création d’une « force européenne de contrôle sanitaire ».

Une agrégation de colères

A l’heure où la souveraineté alimentaire est sur toutes les bouches, les agriculteurs européens ne comprennent pas bien comment du bœuf, du porc, des œufs ou encore du sucre pourraient se retrouver dans la bouche des consommateurs européens sachant que ces denrées sont largement disponibles en Europe avec toutes les garanties de sécurité sanitaire, et des normes sociales et environnementales sans commune mesure avec celles des pays du Mercosur.

La putative ratification du traité entre l’UE et le Mercosur est percutée par la crise sanitaire de la DNC, que la France ne parvient pas à éradiquer depuis son irruption il y a bientôt six mois. Elle a au contraire connu une résurgence ces dernières semaines en Occitanie, avec comme ferment de la colère l’abattage d’un troupeau de 208 bêtes dans l'Ariège, déclenchant une vague de mobilisations qui ne faiblit pas depuis le 12 décembre et qui se manifeste par des blocages routiers et ferroviaires et diverses manifestations devant les préfectures, principalement dans le Sud-Ouest, à l’initiative de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne. « On est prêt à bloquer la France », a prévenu Thomas Giibert.