Fin de l’artificialisation, début de l’aridification ?

[Edito] La Loi Climat et résilience fixe à 2050 la fin de l’artificialisation nette des espaces agricoles, forestiers et naturels. Mais le renforcement de la protection des ressources en eau pourrait contribuer à assécher ce qui aura été préservé.

L’horizon est certes lointain, le parcours législatif n’est pas achevé, mais c’est une première : la loi Climat et résilience, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 mai, fixe un cadre et un horizon pour en finir avec l’artificialisation des espaces agricoles, forestiers et naturels. En 2050, le solde entre l’artificialisation des sols et la renaturation des friches urbaines et industrielles devra être égal à zéro. C’est le « zéro artificialisation nette », qu’évoquait déjà le Plan biodiversité de 2018 mais sans en préciser ni l’horizon temporel, ni les modalités, tandis que les lois précédentes relevaient de l’incantation.

Quand la loi sera promulguée et si elle est appliquée, l’artificialisation sera donc enterrée. Certes, d’ici à 2050, l’agriculture va encore abandonner des dizaines de milliers d’hectares, attendu que l’artificialisation grignote aux deux-tiers des terres agricoles, majoritairement bonnes et très bonnes, contre un tiers d’espace naturels et forestiers. Selon l’Observatoire de l’artificialisation des sols, 276.376 ha ont ainsi été artificialisés entre 2010 et 2019, soit environ 1% de la SAU.

A l’intention des sceptiques, le législateur donne deux gages, à commencer par la division par deux du rythme d’artificialisation au cours des dix ans à venir. Et chaque année, le gouvernement sera comptable, devant le Parlement, de l’évaluation de l’application la loi par la Cour des comptes, secondée par le Haut conseil pour le climat.

De la chimère au mirage ?

Construction, décaissement, décapage, compaction, tassement, imperméabilisation, pollutions, apport de matériaux extérieurs, etc. : l’artificialisation procède de multiples processus. Elle impacte l’intégrité des habitats naturels et des espèces qui les occupent, entraine une pression de sélection sur la faune et la flore, fragmente la trame brune, restreint la séquestration du carbone, réduit l’infiltration et l’évapotranspiration, amplifie la pollution des eaux pluviales urbaines, accroît les charges financières des collectivités, paupérise les centres-villes, sans forcément garantir le bonheur aux péri-péri-péri-urbains, l’habitat étant à l’origine des deux tiers des surfaces artificialisées. Et bien entendu, l’artificialisation entame la production agricole.

On se gardera cependant de parler de sanctuarisation du foncier. Ou alors, on appliquera aussi le terme à un autre volet de la loi Climat, qui renforce la protection des ressources en eau, et qui pourrait contrarier des pratiques agricoles telles que le drainage, l’irrigation ou encore l’aspersion antigel. Si la loi Climat en finit avec la chimère qu’était le « zéro artificialisation nette », les retenues et bassines, en réponse au changement climatique, ne seront-elles que mirages ?