Portrait d’agriculteur : acteur de la préservation des sols - l’objectif de Thibault ? 90 % de semis direct en 2021

Dans le Morbihan, Thibault Le Masle veut étendre le semis direct à ses 75 ha de cultures et réintroduire les haies bocagères. Rencontre avec l’un des gagnants du concours Graines d’agriculteurs 2018.

En s'installant en 2011 à Moustoir, Thibault Le Masle a ramené deux poulaillers supplémentaires dans le giron familial. Une acqui­sition qui a permis de faire décoller l'atelier volailles pendant que son père supervisait l'élevage de cochettes. « Avec trois bâtiments, on fait beau­coup plus de lots à l'année, explique le jeune agri­culteur, qui a mis en place un système en double densité. On démarre deux lots de pintades dans le même bâtiment, jusqu'à 30 jours. Ça nous donne le temps de faire un lot de coquelets dans le bâtiment vide. »

La ferme tourne grâce à l'élevage, mais la vente d'orge, blé, maïs et colza représente tout de même 25 % du chiffre d'affaires. Des productions menées en conventionnel et en semis direct sur 50 ha, soit les deux tiers de la SAU familiale. « Mon père s'est intéressé au semis direct au début des années 2000, raconte Thibault. On a commencé par les céréales, car ce n'est pas trop compli­qué. » Des céréales qu'il associe à un couvert vé­gétal de féverole, blé noir, seigle, radis et tournesol pour lutter contre l'érosion. « Je constate qu'il y a une plus grande activité des vers de terre et moins d'évaporation de l'eau », assure Thibault qui fera bientôt des prélèvements pour mesurer les gains en azote. « On travaille moins le sol, donc on utilise moins de carburant, on use moins le matériel et on passe moins de temps » dans les champs. Pour autant, il n'est pas contre un coup de fissu­rateur si nécessaire. « Il faut arrêter d'être sectaire (...) et ne pas s'interdire de travailler un peu le sol après une récolte qui n'a pas fonctionné. »

« Il ne faut pas aller trop vite ». Fleuris, ses cou­verts végétaux séduisent le voisinage. « On a des retours positifs sur l'image de l'agriculture », as­sure Thibault, visiblement touché par cette recon­naissance. Ils plaisent aussi aux abeilles et aux bourdons : les six ruches qu'il a installées « sans acheter un seul essaim » produisent 60 kg de miel par an. « Le but, c'est de montrer qu'apiculteurs et agriculteurs peuvent travailler ensemble. »

Aujourd'hui, la partie grandes cultures de l'exploi­tation est rentable. « Heureusement qu'on a trou­vé du matériel d'occasion et qu'on bricole pas mal », reconnaît Thibault. Il suit aussi une MAE sol (Me­sure agroenvironnementale) sur 37 ha. Une démarche va­lorisée par des aides supplé­mentaires. Son objectif ? Être à 90 % en semis direct d'ici deux à trois ans. Pour l'heure, il tâche « d'apprendre de [ses] erreurs ». Sa dernière bévue ? L'introduction prématurée du semis direct sur une parcelle obtenue lors d'un échange de terrains. « Les cou­verts végétaux n'étaient pas assez implantés. Il ne faut pas aller trop vite. »

Le jeune trentenaire continue à se former à l'agriculture de conservation. Membre d'un GIEE créé par la chambre d'Agriculture locale, il fait aussi partie de l'association bretonne BASE (Biodiversité, agriculture, sol et environne­ment). Ce réseau d'échange l'a décidé à planter des haies bocagères en 2019 : « Si on en fait sur 300 m, ce sera déjà pas mal. (...) On mettra de l'aulne, des pruniers sauvages, du sureau et des fleurs pour consti­tuer des garde-mangers pour les oiseaux et les auxiliaires. » Ces haies protégeront également les bâtiments d'élevage des vents forts, en cas de tempête. « Je ne dis pas qu'on mon système est parfait, mais il me convient », conclut-il.

Article JA MAG PARIS - Laurène MAINGUY - n° 752/2018