Guerre en Ukraine : l’effet boule de neige sur l’agriculture française

[Edito] Après deux ans de pandémie et alors que l’on aurait pu espérer voir le bout du tunnel, la guerre entre la Russie et l’Ukraine tombe comme un couperet. Les conséquences sur les marchés des matières premières sont majeures, à commencer par la flambée des prix des intrants.

Il y a deux ans, lors du dernier Salon de l’agriculture, la progression du coronavirus à travers le monde faisait la une de l’actualité, et ses conséquences sur les cours des matières premières étaient déjà palpables. Depuis, la volatilité est le maître-mot sur les marchés, et la guerre entre la Russie et l’Ukraine l’amplifie davantage. Céréales, oléagineux, fioul, gaz, engrais : face au manque de disponibilité en provenance de ces deux grands pays exportateurs, toutes les matières premières agricoles flambent, parfois à des niveaux jamais atteints. Le baril de pétrole, qui s’échangeait en négatif il y a presque deux ans, évolue désormais à plus de 110 $. Et la notion de souveraineté alimentaire, qui n’avait pas totalement disparu des discours politiques, se retrouve sur le devant de la scène.

La Russie et l’Ukraine représentent ensemble 30% des exportations mondiales de blé. En l’absence du bassin mer Noire pour les exportations, ce sont 14 millions de tonnes de blé qui manqueront au marché mondial jusqu’au mois de juillet. L’enjeu de sécurité alimentaire est grand pour de nombreux pays importateurs, qui doivent couvrir leurs besoins en se tournant vers d’autres origines. La Tunisie, le Liban et les pays d’Afrique sub-saharienne dépendent fortement des importations, notamment ukrainiennes, et leurs stocks de fin de campagne sont faibles.

Quel impact pour l’agriculture française ?

Près de 25% des engrais azotés importés en Europe proviennent de Russie. Le pays est aussi le premier fournisseur de gaz naturel et d’ammoniac en Europe, deux produits indispensables pour la production d’engrais azotés. La perspective de prix des engrais qui pourraient se maintenir à des niveaux élevés sur le long terme, et les inquiétudes en matière de disponibilités, pourraient déjà avoir des impacts sur la récolte 2022 en France. Les surfaces de céréales semés à l’automne ont d’ailleurs reculé par rapport à 2021.

Mais c’est surtout pour la prochaine campagne que les questions se posent : quelles cultures implanter ? Faut-il privilégier celles peu gourmandes en azote, telles le tournesol et les légumineuses ? La question se posait déjà l’automne dernier, mais va devenir de plus en plus capitale dans les mois à venir. Et pourrait entraîner de profonds changements sur les exploitations.