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Au lendemain du « Liberation Day », l’agroalimentaire tricolore dans l’expectative
L’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) estime à 1,1 milliard d’euros la perte de business induite par l’instauration d’une taxe de 20% sur les produits européens, dont 810 millions d’euros pour les seuls vins et spiritueux. Riposter pour négocier : tel semble être le credo de la France et de l’Union européenne, en attendant les premières mesures de rétorsion.
810 millions d’euros pour les boissons alcoolisées, 62 millions d’euros pour les produits laitiers, 44 millions d’euros pour les produits de la boulangerie-pâtisserie-biscuiterie, 42 millions d’euros pour les confiseries, 20 millions d’euros pour les produits amylacés et 10 millions d’euros pour les le malt, soit un total de 1,1 milliard d’euros : tel est la perte de chiffre d’affaires que pourrait subir les l’industrie agroalimentaire tricolore sur le marché américain, suite à la décision de Donald Trump d’appliquer des droits de douane réciproques de 20% sur tous les produits européens.
Le président américain qui, pendant sa campagne électorale, avait qualifié les « tariffs » [droits de douane] de « plus beau mot du dictionnaire » a annoncé le 2 avril l’application de nouvelles taxes aux pays du monde entier - hors Russie - dans des proportions comprises entre 10% (pour le Royaume-Uni par exemple) et 50% (pour le Lesotho et Saint-Pierre-et-Miquelon). Un 2 avril 2025 qualifié de « Liberation Day » par le président américain, déclarant que son pays « se fait avoir depuis des années ». A compter du 5 avril, une taxe universelle de 10% s’appliquera à l’ensemble des importations. Pour l'Europe, les droits réciproques de 20% s’appliqueront à compter du 9 avril à « 6h01 ». La Chine est quant à elle frappée d’un taux de 34%. Parmi les pays épargnés figurent la Russie, la Biélorussie, la Corée du nord ou encore Cuba.
L’appel à la modération de la filière vitivinicole
Le coup est rude pour la des vins et spiritueux, même si Donald Trump avait brandi un temps la menace de taxes les boissons alcoolisées de 200%. Les Etats-Unis sont en effet la première destination à l’export des alcools français, totalisant à 24,5% du total des exportations, loin devant le Royaume-Uni (10,7%) et la Chine (6,1%). En 2024, notre pays y a exporté pour 2,3 milliards d’euros de vins et 1,48 milliard d’euros de spiritueux.
« Nous encourageons avec force, la Commission européenne à ouvrir des négociations justes et apaisées pour nous permettre d’obtenir une baisse de cette taxation afin de maintenir les flux commerciaux plus que jamais nécessaires dans le contexte que nous vivons » a réagi la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlées (CNAOC). La décision américaine est d’autant plus malvenue que « la viticulture française a déjà un genou à terre », selon l’expression de la CNAOC, citant l’inflation, les aléas climatiques, la baisse de la consommation, le nombre de cessations d’activité ou encore les 50.000 hectares arrachés au cours de la période récente, avec notamment le plan de réduction du potentiel viticole national et le dispositif d’arrachage sanitaire propre au vignoble bordelais.
Riposter en vue d'une désescalade
De son côté, l’ANIA « enjoint les pouvoirs publics français et européen à préserver les entreprises alimentaires dans la négociation en cours avec les États-Unis et dans le cadre de possibles contremesures européennes. La mère des batailles reste pour nos entreprises de retrouver de la compétitivité et stopper la sur-réglementation en France et en Europe ».
Pour la FNSEA, qualifiant la décision américaine de « coup de massue », la Commission européenne « doit tenir une position ferme de riposte face à cette volonté de guerre commerciale, engager une stratégie de réponse diplomatique menant à une désescalade et, parallèlement, envisager dès à présent des mesures d’accompagnement des secteurs touchés, via des mesures de compétitivité de simplification et de soutien aux moyens de production ».
Les réactions de Von der Leyen et de Macron
Sur le réseau X, la présidente de la Commission européenne a déclaré que « l’Europe est prête à réagir. Nous protégerons toujours nos intérêts et nos valeurs. Nous sommes également prêts à nous engager. Et passer de la confrontation à la négociation ». Le président français a réuni jeudi à l’Elysée, autour de plusieurs membres du gouvernement dont le Premier ministre, des représentants des secteurs économiques les plus impactés par les nouveaux droits de douane. Dénonçant « une décision brutale et infondée », dont « l’économie et les Américains sortiront plus faibles et plus pauvres », Emmanuel Macron a évoqué une riposte à l’échelon européen, appelant les Européens « à rester unis et déterminés (…) Si les Européens jouent groupés, à ce moment-là, nous saurons avoir notre objectif : le démantèlement des tarifs » a-t-il déclaré. Il a aussi demandé aux industriels français de geler leurs investissements aux Etats-Unis, le temps de la négociation.