L’aléa trumpiste, un péril supplémentaire pour la France viticole

[Edito] Moins de 100 jours après sa seconde investiture à la Maison Blanche, le compulsif et imprévisible Donald Trump donne le tournis à la terre entière sans faire couler la moindre goutte d’alcool. Un aléa dont se serait passée une France viticole déjà à moitié groggy sous l’effet de la déconsommation et du climat.

Le 13 mars dernier, Donald Trump brandissait la menace d’appliquer des droits de douane de 200% sur les vins et spiritueux européens, en réponse à l’UE qui annonçait alors des mesures de rétorsion à la taxation de l’acier et de l’aluminium, ciblant notamment le bourbon. La déclaration du président américain affole la filière vitivinicole. Et pour cause. Les Etats-Unis sont la première destination à l’export des alcools français, totalisant à eux seuls 24,5% du total des expéditions en valeur, loin devant le Royaume-Uni (10,7%) et la Chine (6,1%), selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux. En 2024, notre pays y a exporté pour 2,3 milliards d’euros de vins et 1,48 milliard d’euros de spiritueux. Les alcools talonnent les engins aéronautiques et les turbines à gaz dans le palmarès des exportations françaises aux Etats-Unis.

Du Far West américain au Far East chinois

En valeur, l’équivalent d’une bouteille sur huit d’alcool tricolore est débouchée au pays de la bannière étoilée contre une sur deux en France, où le marché s’évapore, sous l’effet de la déconsommation. C’est peu dire que les exploitations et entreprises françaises, brinquebalées par le changement climatique, sont pendues aux lèvres du très « Far Westien » président des Etats-Unis. Mais également de son meilleur ennemi : la Chine. En janvier 2024, la Chine déclenchait l’ouverture d’une enquête anti‐dumping à l’encontre des eaux‐de‐vie de vin et de marc de raisins européens en réponse à l’ouverture par la Commission européenne d’une enquête sur les subventions d’Etat accordées aux véhicules électriques chinois. Sachant que le cognac représente 95% des brandys européens et que la Chine assure bon an mal an 25% de ses débouchés, la filière charentaise est, depuis, particulièrement intranquille et pâtit d’ores-et-déjà des mesures de cautionnement bancaire instaurées par les douanes chinoises, avec une chute de plus de 20% des ventes en 2024, en attendant les conclusions de l’enquête.

Donald Trump, au risque de soûler le monde

Celles-ci sont attendues pour le 5 juillet prochain. Le 5 juillet, c’est grosso modo la date à laquelle expirera la trêve de 90 jours décrétée par Donald Trump le 9 avril dans sa guerre commerciale mondiale déclenchée le 2 avril dernier, baptisé « Liberation Day ». Mais souvent Trump varie... En l’espace d’un mois, les alcools français sont passés virtuellement de 200% à réellement 20% puis 10% de taxes douanières. En moins de 24 heures, la Chine est quant à elle passée de 84% puis 125%, pour finir à 145%. Moins de 90 jours après sa seconde investiture à la Maison Blanche (si ce n’est la deuxième, Donald Trump n’excluant pas de défier la Constitution américaine interdisant trois mandats), le bonimenteur et dynamiteur président américain donne le tournis à la terre entière sans faire couler la moindre goutte d’alcool. L’ivresse sans le flacon : l’aléa trumpiste dont se serait bien passée la France viticole.