L’agriculture est productrice de pluie !

L’évapotranspiration est à la base du cycle de l’eau. C’est pourquoi Laurent Denise préconise notamment de couvrir les sols, surtout l’été, pour réguler le climat et alimenter les pluies. Un sujet plus que d’actualité.

« L’agriculture n’est pas consommatrice d’eau, elle est productrice de pluie ! » C’est ainsi que Laurent Denise a introduit son intervention lors de l’assemblée générale du GDA Loches Sud Touraine. Ce chercheur indépendant sur le climat, l’eau et la biodiversité – et fils d’agriculteur – l’assure, « c’est la coupure du cycle de l’eau sur les continents l’été, par la disparition de la couverture végétale, qui dérègle le climat. Donc l’évapotranspiration n’est pas un problème, c’est même la solution ! »

Comme l’a expliqué l’Inrae dans une de ses publications*, en l’absence d’évapotranspiration sur les terres – autrement dit en l’absence de végétation –, point de pluie.

« On pense que les paysages sont verts car il pleut, alors qu’en fait il pleut parce que c’est vert. Hormis dans les déserts, plus il fait chaud, plus la végétation transpire, et plus il pleut. », explique Laurent Denise.

Couvrir les terres agricoles l’été

C’est en été (saison de la photosynthèse), lorsqu’il fait le plus chaud que les végétaux transpirent le plus, pour engendrer des précipitations. « Or en agriculture nous privilégions les cultures sèches comme le blé, pour économiser l’eau. Mais celles-ci commencent à sécher lorsqu’un arbre, lui, commence à transpirer. Il faudrait au contraire une couverture végétale dense dans les champs l’été.

Lorsqu’il fait 47° sur un sol nu, il ne fait que 33 à 38° dans de la luzerne fauchée, 29° sous des couverts, et 25° sous des arbres. Le sol évacue la chaleur principalement grâce à l’évaporation et l’évapotranspiration. « Il faut donc donner de l’eau au climat, c’est-à-dire végétaliser, pour faire baisser les températures », note le chercheur. Plus le sol est chaud, plus il est sec, plus il assèche l’atmosphère. Or quand l’atmosphère est sec, on reçoit 50 % de radiations solaires en plus. La végétation, elle, s’autoprotège en transpirant, en alimentant le cycle de l’eau. Cela est valable pour des végétaux vivants. A l’inverse, une végétation en stress hydrique chauffe et brûle.

Mais alors, quelles solutions ? A l’échelle des agriculteurs, une couverture végétale permanente, non sèche donc bien vivante, serait idéale. « Planter une haie dans un champ sec, c’est une goutte d’eau dans le désert… », selon le chercheur.

Trop d’eau retourne à la mer plutôt que dans le sol

L’expert considère qu’il faudrait également ralentir le retour de l’eau à la mer. Car « lorsqu’on a une inondation, c’est que l’eau repart trop vite à la mer. Lorsqu’on a une sécheresse (souvent après une inondation), c’est que l’eau est repartie trop vite, simplifie Laurent Denise. La rivière est le drainage naturel du bassin versant, il faut en réguler le débit de sortie ! »

Le spécialiste propose donc de capter les eaux de ruissellement de surface dans des bassins de rétention, pour éviter les pollutions par lessivage, les inondations et indirectement les sécheresses.

Seuls 30 % des pluies provenant de la mer, les rivières ne devraient pas rejeter plus de 30 % des pluies vers la mer. Or actuellement les grandes villes rejettent toutes les eaux, une fois « sommairement traitées », dans les rivières. Elles amplifient par ce biais le drainage naturel du bassin versant et détournent l’eau, pompée dans les nappes phréatiques, vers la mer.

Laurent Denise préconise le recyclage de l’eau : les villes pourraient construire des bassins de rétention. Une fois utilisée et traitée, l’eau peut être renvoyée vers les bassins versants en étant utilisée pour l’irrigation, donc alimenter les pluies et recharger les nappes phréatiques. « Si on remet l’eau dans les sols plutôt que de la rejeter à la mer, on n’en manquera plus. L’eau est recyclable à 100 %, mais en France 99,2 % de la distribution sont rejetés en rivière. Les villes veulent se débarrasser de l’eau traitée et de la matière organique, tandis que l’agriculture a besoin d’eau et de matière organique, un accord doit être possible.**

Pour Laurent Denise, « les stations d’épuration constituent un système énergivore et inefficace car pas assez dépolluant. Personne ne veut des eaux et boues alors que la quantité disponible dépasse les besoins agricoles. » Et d’exposer les résultats d’essais de dépollution au Québec :

*https://www.inrae.fr/actualites/nouvelle-representation-du-cycle-leau-integrant-activites-humaines

** L’Europe travaille actuellement sur la réutilisation des eaux usées (https://urlz.fr/kS51).

Devant les adhérents du GDA de Loches Sud Touraine, Laurent Denise a rappelé que 70 % des pluies continentales proviennent de l’évapotranspiration et donc de la végétation. L’agriculture a ainsi un rôle à jouer.