L’agrivoltaïsme, un enjeu pour la profession

L’agrivoltaisme était le sujet phare du comité d’orientation élevage de la chambre d’agriculture de l’Indre, le 6 avril dernier. Le cadre légal se dessine de mieux en mieux, mais laisse de nombreuses questions en suspens.

D’ici 2050, nous devrions être plus de 9 milliards sur Terre, l’enjeu est donc de taille pour le monde agricole qui devra, pour répondre aux besoins alimentaires, augmenter sa production de 56 %, entre 2010 et 2050.  En parallèle, la production énergétique doit suivre. Se pose alors la question de comment produire en même temps plus de nourriture et d’énergie sur les surfaces agricoles dans un contexte de changement climatique.  Le développement de l’agri-photovoltaisme est une piste envisagée, mais celui-ci doit être encadré et sa mise en place soulève de nombreuses questions légitimes émises par la profession.  

PLUS DE 2 000 HA CONCERNÉS DANS L’INDRE  

Dans l’Indre, une charte départementale, signée en mars 2020, encadre la très forte dynamique de développement de photovoltaïsme au sol. « Cette charte proscrit la consommation de terres agricoles et privilégie le développement sur les toitures, sur les sites artificialisés dégradés ou sur les surfaces en eau. Elle doit permettre l’élaboration de projets de territoire et prévoir la remise en état des sites. Enfin, elle faciliterait le développement de projets agrivoltaïques, c’est-à-dire coupler une production photovoltaïque secondaire avec une production agricole principale. Le photovoltaïque devra être un soutien et une protection aux activités agricoles » rappelle Romain Métois, conseiller spécialisé développement local à la chambre d’agriculture de l’Indre. En novembre 2022, les services de la chambre consulaire avaient à leur connaissance 80 projets.

"« mais nous pensons qu’il y en a bien plus, compte tenu du nombre de développeurs qui sillonnent le département »"

Tous les projets de parcs photovoltaiques au sol ne passent pas par la chambre d’agriculture ou en commission CDPENAF*. « Cela concerne environ 2 000 ha, voire plus si l’on compte les projets en phase d’émergence » estime le conseiller.

UN CADRE NATIONAL À AFFINER

Les surfaces agricoles, surtout les prairies, à proximité des lignes haute tension semblent être les plus recherchées. Leurs implantations en font un point stratégique, notamment pour la facilité de raccordement sur le réseau. « Ce phénomène était très franc, il y a encore quelques mois. Désormais, les projets semblent plus disparates » constate Romain Métois.

« A qui revient le revenu de cette production, quid de la répartition entre agriculteur/ développeur, mais aussi entre propriétaire/fermier ? Comment aborder la problématique de la continuité du parc lorsqu’il y a cession d’activité agricole pour départ à la retraite ? Comment intégrer l’activité photovoltaïque au sol lors d’une cession/ transmission ? ». Pour l’heure, ces questions restent sans réponse, car la réglementation n’est pas encore assez claire sur les clés de répartitions. 

IMPACTS DES INSTALLATIONS SUR LA PRODUCTION AGRICOLE

L’institut de l’élevage, face à la dynamique de l’agrivoltaïsme, étudie les effets de ces installations sur l’agronomie, sur les animaux, sur le travail de l’exploitant, sur la création de microclimat ainsi que sur les outils de pilotages agronomiques et de gestion des aléas climatiques. « Certains points ne sont pas encore éclairés par la recherche, notamment l’impact zoothénique avec les questions relatives à l’électromagnétisme, ou encore sur les contraintes de travail pour l’agriculteur qu’une telle installation induit » explique Jérome Pavie, de l’Idele.

Les essais et études menés aux Etats-Unis et en Europe, présentés par Stéphanie Mathieu, chargée de mission à l’INRAe, apportent quelques éléments de réponses sur l’impact des structures agri-photovoltaïques sur l’effet micro-climat.

Le bémol serait l’hétérogénéité des stades de pousse. « Deux prairies pâturées en agrivoltaïsme ont été étudiées en 2019-2020. Une dans l’Allier et l’autre dans le Cantal, chacune avec ses spécificités de cultures et pédoclimatiques. Il a été constaté une croissance plus élevée sous les panneaux, une teneur plus élevée en azote et en fibres totales. En revanche, la concurrence pour la lumière a eu raison des légumineuses au profit des graminées, une perte de diversité de la flore sous les panneaux était visible. » pointe Stéphanie Mathieu.

La présence de panneaux a réduit les effets des sécheresses estivales, la température moyenne ayant baissée de 5°C en été dans l’Allier et de 3,7°C dans le Cantal et la qualité fourragère a augmenté avec une plus forte digestibilité.  Afin de fédérer les recherches conduites en France autour de la production agricole et électrique, l’INRAe a créé un pôle national de recherche, innovation et enseignement sur cette thématique. Rassemblant des acteurs publics et privés, ce pôle doit permettre le développement raisonné de la technologie photovoltaïque sur les terres agricoles, en cohérence avec la loi votée dernièrement.