Agrivoltaïsme et photovoltaïsme au sol : l’essentiel du cadre réglementaire

Attendu depuis la promulgation de la loi du 10 mars 2023 sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables (APER), le décret du 8 avril fixe le cadre réglementaire de l’agrivoltaïsme et du photovoltaïsme au sol sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers. Deux arrêtés manquent à l’appel. Un premier bilan sera établi dans un an. Décryptage.

Qu’est-ce qu’une installation agrivoltaïque ?

Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole, en apportant au moins l'un des quatre services suivants : l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques, l'adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l'amélioration du bien-être animal. Telle est la définition de l’agrivoltaïsme selon la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (APER), qui notifie par ailleurs le caractère réversible d’une installation.

La production agricole avant la production d’énergie

En ce qui concerne l’agrivoltaïsme, le décret sanctuarise la primauté de la production agricole sur la production d’énergie. Il fixe à 40% le taux maximal de couverture des sols par les installations agrivoltaïques. La moyenne de rendement par hectare doit être supérieure à 90% de la moyenne du rendement par hectare comparativement à une zone témoin sinon à un référentiel. En élevage, le caractère significatif de l’activité agricole peut être notamment apprécié au regard du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du taux de productivité numérique. Sur serre, les comparaisons sont réalisées par rapport à un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles.

Zones témoin : conditions et dérogations

La zone témoin doit représenter une superficie d’au moins 5% de la surface agrivoltaïque installée (dans la limite de 1ha), être située à proximité́, ne comporter ni installation équipée de modules photovoltaïques ni installation ou arbre apportant de l’ombre et être cultivée dans les mêmes conditions. Des dérogations sont envisageables en cas d’incapacité technique, auquel cas se substitue un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles. Sont aussi dispensées de zone témoin les installations dont la puissance est inférieure à 10MW ainsi que celles dont les technologies sont éprouvées et reconnues par l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe) comme étant compatibles avec une production agricole significative. La liste sera publiée dans un arrêté ministériel.

Une production agricole significative et assurant des revenus durables

L’agrivoltaïsme doit garantir un revenu agricole durable, considéré comme tel lorsque la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales de l’exploitation agricole après l’implantation de l’installation agrivoltaïque n’est pas inférieure à la moyenne des revenus précédant l’installation, sauf évènements imprévisibles, dûment justifiés. Dans le cas de l’installation d’un nouvel agriculteur, le revenu est considéré comme durable par comparaison avec les résultats observés pour d’autres exploitations du même type localement.

L’instruction des DDT, l’avis conforme de la CDPENAF

Les Directions départementales des territoires (DDT) seront chargées d’instruire les demandes de projets agrivoltaïques. Tout projet sera soumis à la délivrance d’un avis conforme de la Commission départementale de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF).

Contrôles et sanctions

Les installations agrivoltaïques feront l’objet de contrôles, portant notamment sur les critères de production significative. Les sanctions en cas de non-respect pourront aller jusqu’au démantèlement de l’installation en question avec remise en état de la parcelle. En cas de fraude avérée, la suspension ou la résiliation du contrat de rachat de l’électricité pourra aussi être mise en œuvre. Un arrêté ministériel précisera dans les prochaines semaines les modalités de contrôle des installations.

Partage de la valeur

Selon le décret, des dispositions législatives, adaptant le cas échéant les règles du statut du fermage, viendront préciser les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, entre l’exploitant agricole, le producteur d’électricité́ et le propriétaire du terrain sur lequel l’installation agrivoltaïque est implantée lorsque ce dernier est différent de l’exploitant.

Agrivoltaïsme et agriculteur actif

Le décret stipule qu’en cas de changement d’exploitant agricole, la durée pendant laquelle l’exploitation de l’installation agrivoltaïque ne peut se poursuivre au-delà de 18 mois sans agriculteur actif.

Le cas du photovoltaïque au sol

Le décret prévoit que le photovoltaïque au sol ne sera possible que dans des espaces clairement définis par les chambres d’agriculture, au travers de « documents cadres ». Ceux-ci devront intégrer les terrains incultes, les terrains non-exploités depuis 10 ans ou plus, ainsi que des parcelles réputées propices à l’accueil de tels projets (friches industrielles, anciennes carrières, plan d’eau, etc.). Ces dispositions permettent de s’assurer qu’un terrain récemment cultivé ne pourra pas être transformé en champ photovoltaïque au sol.