L’azote, pierre angulaire de l’agriculture biologique

Une étude de l’INRAE pointe l’azote comme facteur limitant au développement de l’agriculture biologique, dont la montée en puissance sera conditionnée par l’évolution des systèmes d’élevage et des régimes alimentaires et par la réduction du gaspillage.

« Sur la base des pratiques d’élevage et de la consommation alimentaire actuels, le développement de l’agriculture biologique s’accompagne dans de nombreuses régions du monde d’un déficit marqué en azote et donc d’une baisse importante du rendement des cultures » : telle est la conclusion d’une étude conduite par l’INRAE et Bordeaux Sciences Agro. Cette variable qu’est l’azote n’avait jusqu’à présent jamais été prise en compte dans les travaux explorant la possibilité de satisfaire la demande alimentaire mondiale par l’expansion de l’agriculture biologique, dont le cahier des charges exclut le recours aux engrais de synthèse.

Leurs résultats, publiés le 13 mai dans Nature Food, montrent que le déploiement mondial de l’agriculture biologique peut être limité par la disponibilité en azote. Ils montrent également que, pour être soutenable, il doit s’accompagner d’une transformation des systèmes d’élevage, d’un rééquilibrage de l’alimentation humaine et d’une baisse importante du gaspillage alimentaire.

Revoir les systèmes d’élevage

Indispensable au développement de l’agriculture biologique du fait de sa capacité à fournir de l’azote, l’élevage entre aussi en compétition avec l’alimentation humaine, dès lors que les céréales et autres protéines végétales servent la production de protéines animales. « Dès lors, il semble nécessaire de combiner plusieurs leviers dont la réduction du nombre global des animaux d’élevage, en particulier dans les élevages porcins et aviaires qui sont en compétition directe avec l’alimentation humaine car principalement nourris avec des céréales », indique l’INRAE. Les chercheurs préconisent par ailleurs une relocalisation des élevages de ruminants au plus près des cultures, notamment dans les prairies, pour reconnecter productions végétales et animales et optimiser le recyclage de l’azote.

Manger moins

Un autre levier réside dans le rééquilibrage de la consommation alimentaire mondiale, avec la mise au régime des pays développés d’un côté, qui consomment l’équivalent de 3000 kcal par jour quand 2200 kcal seraient suffisantes, et de l’autre le relèvement de la consommation des pays en voie de développement. Moyennant l’activation de ces leviers, auxquels il faut ajouter une réduction de 50% du gaspillage, l’INRAE estime qu’il serait possible d’augmenter la part de l’agriculture biologique mondiale jusqu’à 60% au moins tout en répondant à la demande alimentaire mondiale. Les scientifiques explorent actuellement d’autres pistes pour développer l’agriculture biologique comme l’augmentation de la part des cultures de légumineuses au service de l’alimentation humaine et animale.